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Robespierre : dernier discours devant la Convention le 8 Thermidor an II.

jeudi 16 avril 2015

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Citoyens,

Que d’autres vous tracent des tableaux flatteurs : je viens vous dire des vérités utiles. Je ne viens point réaliser des terreurs ridicules répandues par la perfidie ; mais je veux étouffer, s’il est possible, les flambeaux de la discorde par la seule force de la vérité. Je vais défendre devant vous votre autorité outragée et la liberté violée.

Je me défendrai aussi moi-même ; vous n’en serez point surpris ; vous ne ressemblez point aux tyrans que vous combattez. Les cris de l’innocence outragée n’importunent point votre oreille, et vous n’ignorez pas que cette cause ne vous est point étrangère.

Les révolutions qui, jusqu’à nous, ont changé la face des empires, n’ont eu pour objet qu’un changement de dynastie, ou le passage du pouvoir d’un seul à celui de plusieurs. La Révolution française est la première qui ait été fondée sur la théorie des droits de l’humanité, et sur les principes de la justice.

Les autres révolutions n’exigeaient que de l’ambition : la nôtre impose des vertus. L’ignorance et la force les ont absorbées dans un despotisme nouveau : la nôtre, émanée de la justice, ne peut se reposer que dans son sein.

La République, amenée insensiblement par la force des choses et par la lutte des amis de la liberté contre les conspirations toujours renaissantes, s’est glissée, pour ainsi dire, à travers toutes les factions : mais elle a trouvé leur puissance organisée autour d’elle, et tous les moyens d’influence dans leurs mains ; aussi n’a-t-elle cessé d’être persécutée dès sa naissance, dans la personne de tous les hommes de bonne foi qui combattaient pour elle ; c’est que. pour conserver l’avantage de leur position, les chefs des factions et leurs agents ont été forcés de se cacher sous la forme de la République.

Précy à Lyon, et Brissot à Paris, criaient : Vive la République ! Tous les conjurés ont même adopté, avec plus d’empressement qu’aucun autre, toutes les formules, tous les mots de ralliement du patriotisme. L’Autrichien, dont le métier était de combattre la révolution ; l’Orléanais, dont le rôle était de jouer le patriotisme, se trouvèrent sur la même ligne ; et l’un et l’autre ne pouvaient plus être distingués du républicain.

Ils ne combattirent pas nos principes, ils les corrompirent ; ils ne blasphémèrent point contre la révolution, ils tâchèrent de la déshonorer, sous le prétexte de la servir ; ils déclamèrent contre les tyrans, et conspirèrent pour la tyrannie ; ils louèrent la République et calomnièrent les républicains.

Les amis de la liberté cherchent à renverser la puissance des tyrans par la force de la vérité : les tyrans cherchent à détruire les défenseurs de la liberté par la calomnie ; ils donnent le nom de tyrannie à l’ascendant même des principes de la vérité.

Quand ce système a pu prévaloir, la liberté est perdue ; il n’y a de légitime que la perfidie, et de criminel que la vertu ; car il est dans la nature même des choses qu’il existe une influence partout où il y a des hommes rassemblés, celle de la tyrannie ou celle de la raison.

Lorsque celle-ci est proscrite comme un crime, la tyrannie règne ; quand les bons citoyens sont condamnés au silence, il faut bien que les scélérats dominent.

Ici j’ai besoin d’épancher mon cœur ; vous avez besoin aussi d’entendre la vérité. Ne croyez pas que je vienne ici intenter aucune accusation ; un soin plus pressant m’occupe, et je ne me charge pas des devoirs d’autrui : il est tant de dangers imminents que cet objet n’a plus qu’une importance secondaire.

Je viens, s’il est possible, dissiper de cruelles erreurs ; je viens étouffer les horribles ferments de discorde dont on veut embraser ce temple de la liberté et la République entière ; je viens dévoiler des abus qui tendent à la ruine de la patrie, et que votre probité seule peut réprimer.

Si je vous dis aussi quelque chose des persécutions dont je suis l’objet, vous ne m’en ferez point un crime ; vous n’avez rien de commun avec les tyrans qui me poursuivent ; les cris de l’innocence opprimée ne sont point étrangers à vos cœurs ; vous ne méprisez point la justice et l’humanité, et vous n’ignorez pas que ces trames ne sont point étrangères à votre cause et à celle de la patrie.

Eh ! quel est donc le fondement de cet odieux système de terreur et de calomnies ? A qui devons-nous être redoutables, ou des ennemis ou des amis de la République ? Est-ce aux tyrans et aux fripons qu’il appartient de nous craindre, ou bien aux gens de bien et aux patriotes ?

Nous, redoutables aux patriotes ! nous qui les avons arrachés des mains de toutes les factions conjurées contre nous ! nous qui tous les jours les disputons, pour ainsi dire, aux intrigants hypocrites qui osent les opprimer encore ! nous qui poursuivons les scélérats qui cherchent à prolonger leurs malheurs en nous trompant par d’inextricables impostures !

Nous, redoutables à la Convention nationale ! Et que sommes-nous sans elle ? Et qui a défendu la Convention nationale au péril de sa vie

Qui s’est dévoué pour sa conservation, quand des factions exécrables conspiraient sa ruine à la face de la France ? Qui s’est dévoué pour sa gloire, quand les vils suppôts de la tyrannie prêchaient en son nom l’athéisme et l’immoralité ; quand tant d’autres gardaient un silence criminel sur les forfaits de leurs complices, et semblaient attendre le signal du carnage pour se baigner dans le sang des représentants du peuple ; quand la vertu même se taisait, épouvantée de l’horrible ascendant qu’avait pris le crime audacieux ?

Et à qui étaient destinés les premiers coups des conjurés ? Contre qui Simon conspirait-il au Luxembourg ? Quelles étaient les victimes désignées par Chaumette et par Ronsin ? Dans quels lieux la bande des assassins devait-elle marcher d’abord en ouvrant les prisons ? Quels sont les objets des calomnies et des attentats des tyrans armés contre la République ? N’y a-t-il aucun poignard pour nous dans les cargaisons que l’Angleterre envoie à ses complices en France et à Paris ?

C’est nous qu’on assassine, et c’est nous que l’en peint redoutables ! Et quels sont donc ces grands actes de sévérité que l’on nous reproche ? Quelles ont été les victimes ? Hébert, Ronsin, Chabot, Danton, Lacroix, Fabre d’Églantine, et quelques autres complices. Est-ce leur punition qu’on nous reproche ? Aucun n’oserait les défendre.

Mais si nous n’avons fait que dénoncer des monstres dont la mort a sauvé la Convention nationale et la République, qui peut craindre nos principes, qui peut nous accuser d’avance d’injustice et de tyrannie, si ce n’est ceux qui leur ressemblent ?

Non, nous n’avons pas été trop sévères ; j’en atteste la République qui respire ; j’en atteste la représentation nationale, environnée du respect dû à la représentation d’un grand peuple ; j’en atteste les patriotes qui gémissent encore dans les cachots que les scélérats leur ont ouverts ; j’en atteste les nouveaux crimes des ennemis de notre liberté, et la coupable persévérance des tyrans ligués contre nous. On parle de notre rigueur, et la patrie nous reproche notre faiblesse.

Est-ce nous qui avons plongé dans les cachots les patriotes, et porté la terreur dans toutes les conditions ?

Ce sont les monstres que nous avons accusés.

Est-ce nous qui, oubliant les crimes de l’aristocratie et protégeant les traîtres, avons déclaré la guerre aux citoyens paisibles, érigé en crimes ou des préjugés incurables ou des choses indifférentes, pour trouver partout des coupables et rendre la révolution redoutable au peuple même ?

Ce sont les monstres que nous avons accusés.

Est-ce nous qui, recherchant des opinions anciennes, fruit de l’obsession des traîtres, avons promené le glaive sur la plus grande partie de la Convention nationale, et qui demandions dans les sociétés populaires la tête de six cents représentants du peuple ?

Ce sont les monstres que nous avons accusés.

Vous connaissez la marche de vos ennemis. Ils ont attaqué la Convention nationale en masse ; ce projet a échoué. Ils ont attaqué le Comité de salut public ; ce projet a échoué. Depuis quelque temps, ils déclarèrent la guerre à certains membres du Comité de salut public ; ils semblent ne prétendre qu’à accabler un seul homme ; ils marchent toujours au même but.

Que les tyrans de l’Europe osent proscrire un représentant du peuple français, c’est sans doute l’excès de l’insolence ; mais que des Français qui se disent républicains travaillent à exécuter l’arrêt de mort prononcé par les tyrans, c’est l’excès du scandale et de l’opprobre.

Est-il vrai que l’on ait colporté des listes odieuses où l’on désignait pour victimes un certain nombre de membres de la Convention et qu’on prétendait être l’ouvrage du Comité de salut public et ensuite le mien ?

Est-il vrai qu’on ait osé supposer des séances du Comité, des arrêtés rigoureux qui n’ont jamais existé, des arrestations non moins chimériques ?

Est-il vrai qu’on ait cherché à persuader à un certain nombre de représentants irréprochables que leur perte était résolue ; à tous ceux qui, par quelque erreur, avaient payé un tribut inévitable à la fatalité des circonstances et à la faiblesse humaine, qu’ils étaient voués au sort des conjurés ?

Est-il vrai que l’imposture ait été répandue avec tant d’art et d’audace, qu’un grand nombre de membres n’osaient plus habiter la nuit leur domicile ?

Oui, les faits sont constants, et les preuves de ces deux manœuvres sont au Comité de salut public. Vous pourriez nous en révéler beaucoup d’autres vous, députés revenus d’une mission dans les départements ; vous, suppléants appelés aux fonctions de représentants du peuple, vous pourriez nous dire ce que l’intrigue a fait pour vous tromper, pour vous aigrir, pour vous entraîner dans une coalition funeste.

Que disait-on, que faisait-on dans ces coteries suspectes, dans ces rassemblements nocturnes, dans ces repas où la perfidie distribuait aux convives les poisons de la haine et de la calomnie ?

Que voulaient-ils, les auteurs de ces machinations ? Était-ce le salut de la patrie, la dignité et l’union de la Convention nationale ? Qui étaient-ils ? Quels faits justifient l’horrible idée qu’on a voulu donner de nous ? Quels hommes avaient été accusés par les Comités, si ce n’est les Chaumette, les Hébert, les Danton, les Chabot, les Lacroix ? Est-ce donc la mémoire des conjurés qu’on veut défendre ?


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Est-ce la mort des conjurés qu’on veut venger ?

Si on nous accuse d’avoir dénoncé quelques traîtres, qu’on accuse donc la Convention qui les a accusés ; qu’on accuse la justice qui les a frappés ; qu’on accuse le peuple qui a applaudi à leur châtiment. Quel est celui qui attente à la représentation nationale, de celui qui poursuit ses ennemis, ou de celui qui les protège ? Et depuis quand la punition du crime épouvante-t-elle la vertu ?

Telle est cependant la base de ces projets de dictature et d’attentats contre la représentation nationale imputés d’abord au Comité de salut public en général. Par quelle fatalité cette grande accusation a-t-elle été transportée tout à coup sur la tête d’un seul de ses membres ? Étrange projet d’un homme, d’engager la Convention nationale à s’égorger elle-même en détail de ses propres mains, pour lui frayer le chemin du pouvoir absolu !

Que d’autres aperçoivent le côté ridicule de ces inculpations, c’est à moi de n’en voir que l’atrocité. Vous rendrez au moins compte à l’opinion publique de votre affreuse persévérance à poursuivre le projet d’égorger tous les amis de la patrie, monstres qui cherchez à ravir l’estime de la Convention nationale, le prix le plus glorieux des travaux d’un mortel, que je n’ai ni usurpé et surpris, mais que j’ai été forcé de conquérir.

Paraître un objet de terreur aux yeux de ce qu’on révère et de ce qu’on aime, c’est pour un homme sensible et probe le plus affreux des supplices ; le lui faire subir, c’est le plus grand des forfaits. Mais j’appelle toute votre indignation sur les manœuvres atroces employées pour étayer ces extravagantes calomnies.

Partout, les actes d’oppression avaient été multipliés pour étendre le système de terreur et de calomnie. Des agents impurs prodiguaient les arrestations injustes : des projets de finances destructeurs menaçaient toutes les fortunes modiques et portaient le désespoir dans une multitude innombrable de familles attachées à la révolution ; on épouvantait les nobles et les prêtres par des motions concertées ; les paiements des créanciers de l’état et des fonctionnaires publics étaient suspendus : on surprenait au Comité de salut public un arrêté qui renouvelait les poursuites contre les membres de la commune du 10 août, sous le prétexte d’une reddition des comptes.

Au sein de la Convention, on prétendait que la Montagne était menacée, parce que quelques membres siégeant en cette partie de la salle se croyaient en danger ; et, pour intéresser à la même cause la Convention nationale tout entière, on réveillait subitement l’affaire de cent soixante-treize députés détenus, et on m’imputait tous ces événements qui m’étaient absolument étrangers ; on disait que je voulais immoler la Montagne ; on disait que je voulais perdre l’autre portion de la Convention nationale.

On me peignait ici comme le persécuteur des soixante-deux députés détenus ; là, on m’accusait de les défendre ; on disait que je soutenais le Marais – c’était l’expression de mes calomniateurs.

Il est à remarquer que le plus puissant argument qu’ait employé la faction hébertiste pour prouver que j’étais modéré était l’opposition que j’avais apportée à la proscription d’une grande partie de la Convention nationale, et particulièrement mon opinion sur la proposition de décréter d’accusation les soixante-deux détenus sans un rapport préalable.

Ah ! certes, lorsque, au risque de blesser l’opinion publique, ne consultant que les intérêts sacrés de la patrie, j’arrachais seul à une décision précipitée ceux dont les opinions m’auraient conduit à l’échafaud, si elles avaient triomphé ; quand, dans d’autres occasions, je m’exposais à toutes les fureurs d’une faction hypocrite, pour réclamer les principes de la stricte équité envers ceux qui m’avaient jugé avec plus de précipitation, j’étais loin, sans doute, de penser que l’on dût me tenir compte d’une pareille conduite.

J’aurais trop mal présumé d’un pays où elle aurait été remarquée, et où l’on aurait donné des noms pompeux aux devoirs les plus indispensables de la probité ; mais j’étais encore plus loin de penser qu’un jour on m’accuserait d’être le bourreau de ceux envers qui je les ai remplis, et l’ennemi de la représentation nationale que j’avais servie avec dévouement ; je m’attendais bien moins encore qu’on m’accuserait à la fois de vouloir la défendre et de vouloir l’égorger.

Quoi qu’il en soit, rien ne pourra jamais changer ni mes sentiments ni mes principes. A l’égard des députés détenus, je déclare que, loin d’avoir eu aucune part au dernier décret qui les concerne, je l’ai trouvé au moins très extraordinaire dans les circonstances ; que je ne me suis occupé d’eux en aucune manière depuis le moment où j’ai fait envers eux tout ce que ma conscience m’a dicté,

A l’égard des autres, je me suis expliqué sur quelques-uns avec franchise ; j’ai cru remplir mon devoir. Le reste est un tissu d’impostures atroces.

Quant à la Convention nationale, mon premier devoir, comme mon premier penchant, est un respect sans bornes pour elle. Sans vouloir absoudre le crime, sans vouloir justifier en elles-mêmes les erreurs funestes de plusieurs, sans vouloir ternir la gloire des défenseurs énergiques de la liberté ni affaiblir l’illusion d’un nom sacré dans les annales de la révolution, je dis que tous les représentants du peuple dont le cœur est pur doivent reprendre la confiance et la dignité qui leur convient.

Je ne connais que deux partis, celui des bons et des mauvais citoyens ; que le patriotisme n’est point une affaire de parti, mais une affaire de cœur ; qu’il ne consiste ni dans l’insolence, ni dans une fougue passagère qui ne respecte ni les principes, ni le bon sens, ni la morale ; encore moins dans le dévouement aux intérêts d’une faction.

Le cœur flétri par l’expérience de tant de trahisons, je crois à la nécessité d’appeler surtout la probité de tous les sentiments généreux au secours de la République.

Je sens que partout où on rencontre un homme de bien, en quelque lieu qu’il soit assis, il faut lui tendre la main, et le serrer contre son cœur, je crois à des circonstances fatales dans la révolution, qui n’ont rien de commun avec les desseins criminels, je crois à la détestable influence de l’intrigue, et surtout à la puissance sinistre de la calomnie.

Je vois le monde peuplé de dupes et de fripons : mais le nombre des fripons est le plus petit : ce sont eux qu’il faut punir des crimes et des malheurs du monde.

Je n’imputerai donc point les forfaits de Brissot et de la Gironde aux hommes de bonne foi qu’ils ont trompés quelquefois ; je n’imputerai point à tous ceux qui crurent à Danton les crimes de ce conspirateur ; je n’imputerai point ceux d’Hébert aux citoyens dont le patriotisme sincère fut entraîné quelquefois au delà des exactes limites de la raison.

Les conspirateurs ne seraient point des conspirateurs, s’ils n’avaient l’art de dissimuler assez habilement pour usurper pendant quelque temps la confiance des gens de bien : mais il est des signes certains auxquels on peut discerner les dupes des complices, et l’erreur du crime.

Qui fera donc cette distinction ? Le bon sens et la justice. Ah ! combien le bon sens et la justice sont nécessaires dans les affaires humaines ! Les hommes pervers nous appellent des hommes de sang, parce que nous avons fait la guerre aux oppresseurs du monde. Nous serions donc humains, si nous étions réunis à leur ligue sacrilège pour égorger le peuple et pour perdre la patrie.

Au reste, s’il est des conspirateurs privilégiés, s’il est des ennemis inviolables de la République, je consens à m’imposer sur leur compte un éternel silence. J’ai rempli ma tâche (je ne me charge point de remplir les devoirs d’autrui : un soin plus pressant m’agite en ce moment) ; il s’agit de sauver la morale publique et les principes conservateurs de la liberté ; il s’agit d’arracher à l’oppression tous les amis généreux de la patrie.

Ce sont eux qu’on accuse d’attenter à la représentation nationale ! Et où donc chercheraient-ils un autre appui ? Après avoir combattu tous vos ennemis, après s’être dévoués à la fureur de toutes les factions pour défendre et votre existence et votre dignité, où chercheraient-ils un asile s’ils ne le trouvaient pas dans votre sein ?

Ils aspirent, dit-on, au pouvoir suprême ; ils l’exercent déjà. La Convention nationale n’existe donc pas ! Le peuple français est donc anéanti ! Stupides calomniateurs ! vous êtes-vous aperçus que vos ridicules déclamations ne sont pas une injure faite à un individu, mais à une nation invincible. qui dompte et qui punit les rois ?

Pour moi, j’aurais une répugnance extrême à me défendre personnellement devant vous contre la plus lâche de toutes les tyrannies, si vous n’étiez pas convaincus que vous êtes les véritables objets des attaques de tous les ennemis de la République.

Eh ! que suis-je pour mériter leurs persécutions, si elles n’entraient dans le système général de leur conspiration contre la Convention nationale ? N’avez-vous pas remarqué que, pour vous isoler de la nation, ils ont publié à la face de l’univers que vous étiez des dictateurs régnant par la terreur, et désavoués par le vœu tacite des Français ?

N’ont-ils pas appelé nos armées ’ les hordes conventionnelles ’ ; la révolution française ’le jacobinisme’ ? Et lorsqu’ils alertent de donner à un faible individu, en butte aux outrages de toutes les factions, une importance gigantesque et ridicule, quel peut être leur but, si ce n’est de vous diviser, de vous avilir, en niant votre existence même, semblables à l’impie qui nie l’existence de la divinité qu’il redoute ?

Cependant ce mot de dictature a des effets magiques ; il pétrit la liberté ; il avilit le gouvernement : il détruit la République ; il dégrade toutes les institutions révolutionnaires, qu’on présente comme l’ouvrage d’un seul homme ; il rend odieuse la justice nationale, qu’il présente comme instituée pour l’ambition d’un seul homme ; il dirige sur un point toutes les haines et tous les poignards du fanatisme et de l’aristocratie.

Quel terrible usage les ennemis de la République ont fait du seul nom d’une magistrature romaine ! Et si leur érudition nous est si fatale, que sera-ce de leurs trésors et de leurs intrigues ? Je ne parle point de leurs armées : mais qu’il me soit permis de renvoyer au duc d’York et à tous les écrivains royaux les patentes de cette dignité ridicule qu’ils m’ont expédiées les premiers.

Il y a trop d’insolence à des rois, qui ne sont pas sûrs de conserver leur couronne, de s’arroger le droit d’en distribuer à d’autres. Je conçois qu’un prince ridicule, que cette espèce d’animaux immondes et sacrés qu’on appelle encore rois, puissent se complaire dans leur bassesse et s’honorer de leur ignominie ; je conçois que le fils de Georges, par exemple, puisse avoir regret de ce sceptre français qu’on le soupçonne violemment d’avoir convoité, et je plains sincèrement ce moderne Tantale.

J’avouerai même, à la honte, non de ma patrie. mais des traîtres qu’elle a punis, que j’ai vu d’indignes mandataires du peuple qui auraient échangé ce titre glorieux pour celui de valet de chambre de Georges ou de d’Orléans.

Mais qu’un représentant du peuple qui sent la dignité de ce caractère sacré, qu’un citoyen français digne de ce nom puisse abaisser ses vœux jusqu’aux grandeurs coupables et ridicules qu’il a contribué à foudroyer, qu’il se soumette à la dégradation civique pour descendre à l’infamie du trône, c’est ce qui ne paraîtra vraisemblable qu’à ces êtres pervers qui n’ont pas même le droit de croire à la vertu.

Que dis-je, vertu ? c’est une passion naturelle, sans doute : mais comment la connaîtraient-ils, ces âmes vénales, qui ne s’ouvrirent jamais qu’à des passions lâches et féroces : ces misérables intrigants, qui ne lièrent jamais le patriotisme à aucune idée morale, qui marchèrent dans la révolution à la suite de quelque personnage important et ambitieux, de je ne sais quel prince méprisé, comme jadis nos laquais sur les pas de leurs maîtres ?

Mais elle existe, je vous en atteste, âmes sensibles et pures ; elle existe, cette passion tendre, impérieuse, irrésistible, tourment et délices des cœurs magnanimes, cette horreur profonde de la tyrannie, ce zèle compatissant pour les opprimés, cet amour sacré de la patrie, cet amour plus sublime et plus saint de l’humanité, sans lequel une grande révolution n’est qu’un crime éclatant qui détruit un autre crime. Elle existe, cette ambition généreuse de fonder sur la terre la première République du monde ; cet égoïsme des hommes non dégradés, qui trouve une volupté céleste dans le calme d’une conscience pure et dans le spectacle ravissant du bonheur public.Vous le sentez, en ce moment, qui brûle dans vos âmes ; je le sens dans la mienne.

Mais comment nos vils calomniateurs la devineraient-ils ? Comment l’aveugle-né aurait-il l’idée de la lumière ? La nature leur a refusé une âme ; ils ont quelque droit de douter, non seulement de l’immortalité de l’âme, mais de son existence.


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Ils m’appellent tyran. Si je l’étais, ils ramperaient à mes pieds, je les gorgerais d’or, je leur assurerais le droit de commettre tous les crimes, et ils seraient reconnaissants. Si je l’étais, les rois que nous avons vaincus, loin de me dénoncer (quel tendre intérêt ils prennent à notre liberté ! ) me prêteraient leur coupable appui ; je transigerais avec eux. Dans leur détresse, qu’attendent-ils, si ce n’est le secours d’une faction protégée par eux, qui leur vende la gloire et la liberté de notre pays ?

On arrive à la tyrannie par le secours des fripons ; où courent ceux qui les combattent ? Au tombeau et à l’immortalité.

Quel est le tyran qui me protège ? Quelle est la faction à qui j’appartiens ? C’est vous-mêmes.

Quelle est cette faction qui, depuis le commencement de la révolution, a terrassé les factions, a fait disparaître tant de traîtres accrédités ? C’est vous, c’est le peuple, ce sont les principes. Voilà la faction à laquelle je suis voué, et contre laquelle tous les crimes sont ligués.

C’est vous qu’on persécute ; c’est la patrie, ce sont tous les amis de la patrie. Je me défends encore. Combien d’autres ont été opprimés dans les ténèbres’ Qui osera jamais servir la patrie, quand je suis obligé encore ici de répondre à de telles calomnies ?

Ils citent comme la preuve d’un dessein ambitieux les effets les plus naturels du civisme et de la liberté ; l’influence morale des anciens athlètes de la révolution est aujourd’hui assimilée par eux à la tyrannie.

Vous êtes, vous-mêmes, les plus lâches de tous les tyrans, vous qui calomniez la puissance de la vérité. Que prétendez-vous, vous qui voulez que la vérité soit sans force dans la bouche des représentants du peuple français ?

La vérité, sans doute, a sa puissance ; elle a sa colère, son despotisme ; elle a des accents touchants, terribles, qui retentissent avec force dans les cœurs purs, comme dans les consciences coupables, et qu’il n’est pas plus donné au mensonge d’imiter qu’à Salmonée d’imiter les foudres du ciel : mais accusez-en la nature, accusez-en le peuple qui le sent et qui l’aime.

Il y a deux puissances sur la terre ; celle de la raison et celle de la tyrannie ; partout où l’une domine, l’autre en est bannie. Ceux qui dénoncent comme un crime la force morale de la raison cherchent donc à rappeler la tyrannie.

Si vous ne voulez pas que les défenseurs des principes obtiennent quelque influence dans cette lutte difficile de la liberté contre l’intrigue, vous voulez donc que la victoire demeure à l’intrigue ? Si les représentants du peuple qui défendent sa cause ne peuvent pas obtenir impunément son estime, quelle sera la conséquence de ce système, si ce n’est qu’il n’est plus permis de servir le peuple, que la République est proscrite et la tyrannie rétablie ?

Et quelle tyrannie plus odieuse que celle qui punit le peuple dans la personne de ses défenseurs ? Car la chose la plus libre qui soit dans le monde, même sous le règne du despotisme, n’est-ce pas l’amitié ?

Mais vous qui nous en faites un crime, en êtes-vous jaloux ? Non ; vous ne prisez que l’or et les biens périssables que les tyrans prodiguent à ceux qui les servent.

Vous les servez, vous qui corrompez la morale publique et protégez tous les crimes : la garantie des conspirateurs est dans l’oubli des principes et dans la corruption ; celle des défenseurs de la liberté est toute dans la conscience publique.

Vous les servez, vous qui, toujours en deçà ou au delà de la vérité, prêchez tour à tour la perfide modération de l’aristocratie, et tantôt la fureur des faux démocrates.

Vous la servez, prédicateurs obstinés de l’athéisme et du vice.

Vous voulez détruire la représentation, vous qui la dégradez par votre conduite, ou qui la troublez par vos intrigues.

Lequel est plus coupable, de celui qui attente à la sûreté par la violence, ou de celui qui attente à sa justice par la séduction et par la perfidie ? la tromper, c’est la trahir ; la pousser à des actes contraires à ses intentions et à ses principes, c’est tendre à sa destruction ; car sa puissance est fondée sur la vertu même et sur la confiance nationale.

Nous la chérissons, nous qui, après avoir combattu pour sa sûreté physique, défendons aujourd’hui sa gloire et ses principes : est-ce ainsi que l’on marche au despotisme ? Mais quelle dérision cruelle d’ériger en despotes des citoyens toujours proscrits ! Et que sont autre chose ceux qui ont constamment défendu les intérêts de leur pays ? La République a triomphé, jamais ses défenseurs.

Que suis-je, moi qu’on accuse ? un esclave de la liberté, un martyr vivant de la République, la victime autant que l’ennemi du crime, Tous les fripons m’outragent ; les actions les plus indifférentes, les plus légitimes de la part des autres, sont des crimes pour moi, Un homme est calomnié dès qu’il me connaît : on pardonne à d’autres leurs forfaits ; on me fait un crime de mon zèle.

il ne m’est pas même permis de remplir les devoirs d’un représentant du peuple.

C’est ici que je dois laisser échapper la vérité et dévoiler les véritables plaies de la République.

Les affaires publiques reprennent une marche perfide et alarmante ; le système combiné des Hébert et des Fabre d’Églantine est poursuivi maintenant avec une audace inouïe. Les contre-révolutionnaires sont protégés ; ceux qui déshonorent la révolution avec les formes de l’hébertisme le sont ouvertement, les autres avec plus de réserve. Le patriotisme et la probité sont proscrits par les uns et par les autres.

On veut détruire le gouvernement révolutionnaire, pour immoler la patrie aux scélérats qui la déchirent, et on marche à ce but odieux par deux routes différentes. Ici on calomnie ouvertement les institutions révolutionnaires, là on cherche à les rendre odieuses par des excès ; on tourmente les hommes nuls ou paisibles ; on plonge chaque jour les patriotes dans les cachots, et on favorise l’aristocratie de tout son pouvoir ; c’est là ce qu’on appelle indulgence, humanité.

Est-ce là le gouvernement révolutionnaire que nous avons institué et défendu ? Non, ce gouvernement est la marche rapide et sûre de la justice, c’est la foudre lancée par la main de la liberté contre le crime ; ce n’est pas le despotisme des fripons et de l’aristocratie ; ce n’est pas l’indépendance du crime, de toutes les lois divines et humaines.

Sans le gouvernement révolutionnaire, la République ne peut s’affermir, et les factions l’étoufferont dans son berceau ; mais s’il tombe en des mains perfides, il devient lui-même l’instrument de la contre-révolution.

Or, on cherche à le dénaturer pour le détruire. Ceux qui le calomnient et ceux qui le compromettent par des actes d’oppression sont les mêmes hommes.

Je ne développerai point toutes les causes de ces abus, mais je vous en indiquerai une seule qui suffira pour vous expliquer tous ces funestes effets : elle existe dans l’excessive perversité des agents subalternes d’une autorité respectable constituée dans votre sein.

Il est dans ce comité des hommes dont il est impossible de ne pas chérir et respecter les vertus civiques ; c’est une raison de plus de détruire un abus qui s’est commis à leur insu, et qu’ils seront les premiers à combattre. En vain une funeste politique prétendrait-elle environner les agents dont je parle d’un certain prestige superstitieux. Je ne sais pas respecter les fripons : j’adopte bien moins encore cette maxime royale, qu’il est utile de les employer.

Les armes de la liberté ne doivent être touchées que par des mains pures. Épurons la surveillance nationale, au lieu d’employer les vices. La vérité n’est un écueil que pour les gouvernements corrompus ; elle est l’appui du nôtre.

Pour moi, je frémis quand je songe que des ennemis de la révolution, que d’anciens professeurs de royalisme, que des ex-nobles, des émigrés peut-être, se sont tout à coup faits révolutionnaires et transformés en commis du Comité de sûreté générale, pour se venger sur les amis de la patrie de la naissance et des succès de la République.

Il serait assez étrange que nous eussions la bonté de payer des espions de Londres ou de Vienne pour nous aider à faire la police de la République. Or, je ne doute pas que ce cas-là ne soit souvent arrivé ; ce n’est pas que ces gens-là ne se soient fait des titres de patriotisme en arrêtant les aristocrates prononcés. Qu’importe à l’étranger de sacrifier quelques Français coupables envers leur patrie, pourvu qu’ils immolent les patriotes et détruisent la République ?

A ces puissants motifs qui m’avaient déjà déterminé à dénoncer ces hommes, mais inutilement, j’en joins un autre qui tient à la trame que j’avais commencé à développer ; nous sommes instruits qu’ils sont payés par les ennemis de la révolution, pour déshonorer le gouvernement révolutionnaire en lui-même, et pour calomnier les représentants du peuple dont les tyrans ont ordonné la perte.

Par exemple, quand les victimes de leur perversité se plaignent, ils s’excusent en leur disant : « C’est Robespierre qui le veut : nous ne pouvons pas nous en dispenser ». Les infâmes disciples d’Hébert tenaient jadis le même langage dans le temps où je les dénonçais ; ils se disaient mes amis ; ensuite ils m’ont déclaré convaincu de modérantisme ; c’est encore la même espèce de contre-révolutionnaires qui persécute le patriotisme.

Jusqu’à quand l’honneur des citoyens et la dignité de la Convention nationale seront-ils à la merci de ces hommes-là ? Mais le trait que je viens de citer n’est qu’une branche du système de persécution plus vaste dont je suis l’objet.

En développant cette accusation de dictature mise à l’ordre du jour par les tyrans, on s’est attaché à me charger de toutes leurs iniquités, de tous les torts de la fortune, ou de toutes les rigueurs commandées par le salut de la patrie.

On disait aux nobles : « C’est lui seul qui vous a proscrits » ; on disait en même temps aux patriotes : « C’est lui seul qui vous poursuit ; sans lui vous seriez paisibles et triomphants » ; on disait aux fanatiques : « C’est lui seul qui détruit la religion » ; on disait aux patriotes persécutés : « C’est lui qui l’a ordonné au qui ne veut pas l’empêcher ». On me renvoyait toutes les plaintes dont je ne pouvais faire cesser les causes, en disant : « Votre sort dépend de lui seul ». Des hommes apostés dans les lieux publics propageaient chaque jour ce système ; il y en avait dans le lieu des séances du tribunal révolutionnaire ; dans les lieux où les ennemis de la patrie expient leurs forfaits. Ils disaient : « Voilà des malheureux condamnés ; qui est-ce qui en est la cause ? Robespierre ».On s’est attaché particulièrement à prouver que le tribunal révolutionnaire était un tribunal de sang, créé par moi seul et que je maîtrisais absolument pour faire égorger tous les gens de bien, et même tous les fripons ; car on voulait me susciter des ennemis de tous les genres.

Ce cri retentissait dans toutes les prisons ; ce plan de proscription était exécuté à la fois dans tous les départements par les émissaires de la tyrannie.

Ce n’est pas tout : on a proposé dans ces derniers temps des projets de finance qui m’ont paru calculés pour désoler les citoyens peu fortunés et pour multiplier les mécontents. J’avais souvent appelé inutilement l’attention du Comité de salut public sur cet objet.

Eh bien ! croirait-on qu’on a répandu le bruit qu’ils étaient encore mon ouvrage, et que, pour l’accréditer, on a imaginé de dire qu’il existait au Comité de salut public une commission des finances, et que j’en étais le président ?

Mais comme on voulait me perdre, surtout dans l’opinion de la Convention nationale, on prétendit que moi seul avais osé croire qu’elle pouvait renfermer dans son sein quelques hommes indignes d’elle. On dit à chaque député revenu d’une mission dans les départements que moi seul avais provoqué son rappel ; je fus accusé par des hommes très officieux et très insinuants de tout le bien et de tout le mal qui avait été fait.

On rapportait fidèlement à mes collègues, et tout ce que j’avais dit, et surtout ce que je n’avais pas dit. On écartait avec soin le soupçon qu’on eût contribué à un acte qui pût déplaire à quelqu’un ; j’avais tout fait, tout exigé, tout commandé ; car il ne faut pas oublier mon titre de dictateur.

Quand on eut formé cet orage de haines, de vengeances, de terreurs, d’amours-propres irrités, on crut qu’il était temps d’éclater. Ceux qui croyaient avoir des raisons de me redouter se flattaient hautement que ma perte certaine allait assurer leur salut et leur triomphe ; tandis que les papiers anglais et allemands annonçaient mon arrestation, des colporteurs de journaux la criaient à Paris.

Mes collègues devant qui je parle savent le reste beaucoup mieux que moi ; ils connaissent toutes les tentatives qu’on a faites auprès d’eux pour préparer le succès d’un roman qui paraissait une nouvelle édition de celui de Louvet. Plusieurs pourraient rendre compte des visites imprévues qui leur ont été rendues pour les disposer à me proscrire.

Enfin, on assure que l’on était prévenu généralement dans la Convention nationale qu’un acte d’accusation allait être porté contre moi ; on a sondé les esprits à ce sujet, et tout prouve que la probité de la Convention nationale a forcé les calomniateurs à abandonner ou du moins à ajourner leur crime.

Mais qui étaient-ils, ces calomniateurs ? Ce que je puis répondre d’abord, c’est que dans un manifeste royaliste, trouvé dans les papiers d’un conspirateur connu qui a déjà subi la peine due à ses forfaits, et qui paraît être le texte de toutes les calomnies renouvelées en ce moment, on lit en propres termes cette conclusion adressée à toutes les espèces d’ennemis publics : ’ Si cet astucieux démagogue n’existait plus, s’il eût payé de sa tête ses manœuvres ambitieuses. la nation serait libre ; chacun pourrait publier ses pensées ; Paris n’aurait jamais vu dans son sein cette multitude d’assassinats vulgairement connus sous le faux nom de jugements du tribunal révolutionnaire ’.Je puis ajouter que ce passage est l’analyse des proclamations faites par les princes coalisés et des journaux étrangers à la solde des rois, qui, par cette voie, semblent donner tous les jours le mot d’ordre à tous les conjurés de l’intérieur, Je ne citerai que ce passage de l’un des plus accrédités de ces écrivains.


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Je puis donc répondre que les auteurs de ce plan de calomnies sont d’abord le duc d’York, M. Pitt, et tous les tyrans armés contre nous.

Qui ensuite ? ...

Ah ! je n’ose les nommer dans ce moment et dans ce lieu. Je ne puis me résoudre à déchirer entièrement le voile qui couvre ce profond mystère d’iniquités, mais ce que je puis affirmer positivement, c’est que, parmi les auteurs de cette trame, sont les agents de ce système de corruption et d’extravagance, le plus puissant de tous les moyens inventés par l’étranger pour perdre la République, sont les apôtres impurs de l’athéisme et de l’immoralité dont il est la base.

C’est une circonstance bien remarquable que votre décret du 18 Floréal qui raffermit les bases ébranlées de la morale publique, fut le signal d’un accès de fureur des ennemis de la République. C’est de cette époque que datent les assassinats et les nouvelles calomnies, plus criminelles que les assassinats.

Le tyrans sentaient qu’ils avaient une défaite décisive à réparer. La proclamation solennelle de vos véritables principes détruisit en un jour les fruits de plusieurs années d’intrigues ; les tyrans triomphaient, le Peuple français était placé entre la famine et l’athéisme plus odieux que la famine.

Le peuple peut supporter la faim mais non le crime ; le peuple sait tout sacrifier, excepté ses vertus. La tyrannie n’avait pas encore fait cet outrage à la nature humaine, de lui faire une honte de la morale et un devoir de la dépravation ; les plus vils des conspirateurs l’avaient réservé au Peuple français dans sa gloire et dans sa puissance.

La tyrannie n’avait demandé aux hommes que leurs biens et leur vie ; ceux-ci nous demandaient jusqu’à nos consciences ; d’une main ils nous présentaient tous les maux, et de l’autre ils nous arrachaient l’espérance.

L’athéisme, escorté de tous les crimes, versait sur le peuple le deuil et le désespoir, et sur la représentation nationale les soupçons, le mépris et l’opprobre.

Une juste indignation comprimée par la terreur fermentait sourdement dans tous les cœurs.

Une éruption terrible, inévitable, bouillonnait dans les entrailles du volcan, tandis que de petits philosophes jouaient stupidement sur sa cime, avec de grands scélérats.

Telle était la situation de la République, que, soit que le peuple consentît à souffrir la tyrannie, soit qu’il en secouât violemment le joug, la liberté était également perdue ; car, par sa réaction, il eût blessé à mort la République, et par sa patience il s’en serai rendu indigne.

Aussi, de tous les prodiges de notre révolution, celui que la postérité concevra le moins, c’est que nous ayons pu échapper à ce danger.

Grâces immortelles vous soient rendues ; vous avez sauvé la Patrie, votre décret du 18 Floréal est lui seul une révolution ; vous avez frappé du même coup l’athéisme et le despotisme sacerdotal ; vous avez avancé d’un demi-siècle l’heure fatale des tyrans ; vous avez rattaché à la cause de la révolution tous les cœurs purs et généreux ; vous l’avez montrée au monde dans tout l’éclat de sa beauté céleste.

Ô jour à jamais fortuné, où le Peuple français tout entier s’éleva pour rendre à l’auteur de la Nature le seul hommage digne de lui ! Quel touchant assemblage de tous les objets qui peuvent enchanter les regards et le cœur des hommes !

Ô vieillesse honorée ! ô généreuse ardeur des enfants de la patrie ! ô joie naïve et pure des jeunes citoyens ! ô larmes délicieuses des mères attendries ! ô charme divin de l’innocence et de la beauté ! ô majesté d’un grand peuple heureux par le seul sentiment de sa force, de sa gloire et de sa vertu !

Être des êtres ! le jour où l’univers sortit de tes mains toutes-puissantes brillait-il d’une lumière plus agréable à tes yeux que ce jour où, brisant le joug du crime et de l’erreur, il parut devant toi, digne de tes regards et de ses destinées ?

Ce jour avait laissé sur la France une impression profonde de calme, de bonheur, de sagesse et de bonté. A la vue de cette réunion sublime du premier peuple du monde, qui aurait cru que le crime existait encore sur la terre ?

Mais quand le peuple, en présence duquel tous les vices privés disparaissent, est rentré dans ses foyers domestiques, les intrigants reparaissent, et le rôle des charlatans recommence.

C’est depuis cette époque qu’on les a vus s’agiter avec une nouvelle audace, et chercher à punir tous ceux qui avaient déconcerté le plus dangereux de tous les complots. Croirait-on qu’au sein de l’allégresse publique des hommes aient répondu par des signes de fureur aux touchantes acclamations du peuple ? Croira-t-on que le président de la Convention nationale, parlant au peuple assemblé, fut insulté par eux, et que ces hommes étaient des représentants du peuple ?

Ce seul trait explique tout ce qui s’est passé depuis. La première tentative que firent les malveillants fut de chercher à avilir les grands principes que vous aviez proclamés, et à effacer le souvenir touchant de la fête nationale.

Tel fut le but du caractère et de la solennité qu’on donna à ce qu’on appelait l’affaire de Catherine Théot. La malveillance a bien su tirer parti de la conspiration politique cachée sous le nom de quelques dévotes imbéciles, et on ne présenta à l’attention publique qu’une farce mystique et un sujet inépuisable de sarcasmes indécents ou puérils. Les véritables conjurés échappèrent, et on faisait retentir Paris et toute la France du nom de la mère de Dieu.

Au même instant, on vit éclore une multitude de pamphlets dégoûtants, dignes du père Duchesne, dont le but était d’avilir la Convention nationale. le tribunal révolutionnaire, de renouveler les querelles religieuses, d’ouvrir une persécution aussi atroce qu’impolitique contre les esprits faibles ou crédules imbus de quelque ressouvenir superstitieux.

En effet, une multitude de citoyens paisibles et même de patriotes ont été arrêtés à l’occasion de cette affaire ; et les coupables conspirent encore en liberté ; car le plan est de les sauver, de tourmenter le peuple et de multiplier les mécontents.

Que n’a-t-on pas fait pour parvenir à ce but ? Prédication ouverte de l’athéisme, violences inopinées contre le culte, exactions commises sous les formes les plus indécentes, persécutions dirigées contre le peuple, sous prétexte de superstition ; système de famine, d’abord par les accaparements, ensuite par la guerre suscitée à tout commerce licite, sous prétexte d’accaparement ; incarcérations des patriotes : tout tendait à ce but.

Dans le même temps la trésorerie nationale suspendait les paiements ; on réduisait au désespoir, par des projets machiavéliques, les petits créanciers de l’état ; on employait la violence et la ruse pour leur faire souscrire des engagements funestes à leurs intérêts, au nom de la loi même qui désavoue cette manœuvre.

Toute occasion de vexer un citoyen était saisie avec avidité, et toutes vexations étaient déguisées, selon l’usage, sous des prétextes de bien public.On servait l’aristocratie, mais on l’inquiétait ; on l’épouvantait à dessein pour grossir le nombre des mécontents et la pousser à quelque acte de désespoir contre le gouvernement révolutionnaire. On publiait qu’Hérault, Danton, Hébert étaient des victimes du Comité de salut public, et qu’il fallait les venger par la perte de ce Comité. On voulait ménager les chefs de la force armée ; on persécutait les magistrats de la commune, et on parlait de rappeler Pache aux fonctions de maire.

Tandis que des représentants du peuple tenaient hautement ce langage, tandis qu’ils s’efforçaient de persuader à leurs collègues qu’ils ne pouvaient trouver le salut que dans la perte des membres du Comité ; tandis que des jurés du tribunal révolutionnaire, qui avaient cabalé scandaleusement en faveur des conjurés accusés par la Convention, disaient partout qu’il fallait résister à l’oppression. et qu’il y avait vingt-neuf mille patriotes déterminés à renverser le gouvernement actuel ; voici le langage que tenaient les journaux étrangers qui, dans tous les moments de crises, ont toujours annoncé fidèlement les complots prêts de s’exécuter au milieu de nous, et dont les auteurs semblent avoir des relations avec les conjurés.

Il faut une émeute aux criminels. En conséquence, ils ont rassemblé à Paris en ce moment, de toutes les parties de la République, les scélérats qui la désolaient au temps de Chaumette et d’Hébert, ceux que vous avez ordonné par votre décret de faire traduire au tribunal révolutionnaire.

On rendait odieux le gouvernement révolutionnaire pour préparer sa destruction. Après en avoir accumulé tous les ordres et en avoir dirigé tout le blâme sur ceux qu’on voulait perdre par un système sourd et universel de calomnie, on devait détruire le tribunal révolutionnaire ou le composer de conjurés, appeler à soi l’aristocratie, présenter à tous les ennemis de la patrie l’impunité, et montrer au peuple ses plus zélés défenseurs comme les auteurs de tous les maux passés.

Si nous réussissons, disaient les conjurés, il faudra contraster par une extrême indulgence avec l’état présent des choses. Ce mot renferme toute la conspiration,

Quels étaient les crimes reprochés à Danton, à Fabre, à Desmoulins ? De prêcher la clémence pour les ennemis de la patrie, et de conspirer pour leur assurer une amnistie fatale à la liberté. Que dirait-on si les auteurs du complot dont je viens de parler étaient du nombre de ceux qui ont conduit Danton, Fabre et Desmoulins à l’échafaud ?

Que faisaient les premiers conjurés ? Hébert, Chaumette et Ronsin s’appliquaient à rendre le gouvernement révolutionnaire insupportable et ridicule, tandis que Camille Desmoulins l’attaquait dans des écrits satiriques, et que Fabre et Danton intriguaient pour le défendre. Les uns calomniaient, les autres préparaient les prétextes de la calomnie.

Le même système est aujourd’hui continué ouvertement. Par quelle fatalité ceux qui déclamaient jadis contre Hébert défendent-ils ses complices ? Comment ceux qui se déclaraient les ennemis de Danton sont-ils devenus ses imitateurs ? Comment ceux qui jadis accusaient hautement certains membres de la Convention se trouvent-ils ligués avec eux contre les patriotes qu’on veut perdre ?

Les lâches ! ils voulaient donc me faire descendre au tombeau avec ignominie ! Et je n’aurais laissé sur la terre que la mémoire d’un tyran ! Avec quelle perfidie ils abusaient de ma bonne foi ! Comme ils semblaient adopter les principes de tous les bons citoyens ! Comme leur feinte amitié était naïve et caressante !

Tout à coup leurs visages se sont couverts des plus sombres nuages ; une joie féroce brillait dans leurs yeux ; c’était le moment où ils croyaient toutes leurs mesures bien prises pour m’accabler. Aujourd’hui ils me caressent de nouveau ; leur langage est plus affectueux que jamais. Il y a trois jours, ils étaient prêts à me dénoncer comme un Catilina ; aujourd’hui ils me prêtent les vertus de Caton. Il leur faut du temps pour renouer leurs trames criminelles. Que leur but est atroce ! mais que leurs moyens sont méprisables !

Jugez-en par un seul trait. J’ai été chargé momentanément, en l’absence d’un de mes collègues, de surveiller un bureau de police générale récemment et faiblement organisé au Comité de salut public. Ma courte gestion s’est bornée à provoquer une trentaine d’arrêtés, soit pour mettre en liberté des patriotes persécutés, soit pour s’assurer de quelques ennemis de la révolution.

Eh bien ! croira-t-on que ce seul mot de police générale a servi de prétexte pour mettre sur ma tête la responsabilité de toutes les opérations du Comité de sûreté générale, des erreurs de toutes les autorités constituées, des crimes de tous mes ennemis ?

Il n’y a peut-être pas un individu arrêté, pas un citoyen vexé à qui l’on n’ait dit de moi : ’ Voilà l’auteur de tes maux ; tu serais heureux et libre s’il n’existait plus. ’

Comment pourrais-je ou raconter ou deviner toutes les espèces d’impostures qui ont été clandestinement insinuées, soit dans la Convention nationale, soit ailleurs, pour me rendre odieux ou redoutable ?

Je me bornerai à dire que, depuis plus de six semaines, la nature et la force de la calomnie, l’impuissance de faire le bien et d’arrêter le mal, m’a forcé à abandonner absolument mes fonctions de membre du Comité de salut public, et je jure qu’en cela même je n’ai consulté que ma raison et ma patrie.


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Je préfère ma qualité de représentant du peuple à celle de membre du Comité du salut public, et je mets ma qualité d’homme et de citoyen français avant tout.

Quoi qu’il en soit, voilà au moins six semaines que ma dictature est expirée, et que je n’ai aucune espèce d’influence sur le gouvernement ; le patriotisme a-t-il été plus protégé ? les factions plus timides ? la patrie plus heureuse ?

Je le souhaite. Mais cette influence s’est bornée dans tous les temps à plaider la cause de la patrie devant la représentation nationale et au tribunal de la raison publique. Il m’a été permis de combattre les factions qui vous menaçaient : j’ai voulu déraciner le système de corruption et de désordre qu’elles avaient établi, et que je regarde comme le seul obstacle à l’affermissement de la République. J’ai pensé qu’elle ne pouvait s’asseoir que sur les bases éternelles de la morale. Tout s’est ligué contre moi et contre ceux qui avaient les mêmes principes. Après avoir vaincu les dédains et les contradictions de plusieurs, je vous ai proposé les grands principes gravés dans vos cœurs, et qui ont foudroyé les complots des athées contre-révolutionnaires.

Vous les avez consacrés ; mais c’est le sort des principes d’être proclamés par les gens de bien, et appliqués ou contrariés par les méchants.

La veille même de la fête de l’Être suprême, on voulait la faire reculer, sous un prétexte frivole. Depuis on n’a cessé de jeter du ridicule sur tout ce qui tient à ces idées ; depuis on n’a cessé de favoriser tout ce qui pouvait réveiller la doctrine des conjurés que vous avez punis.

Tout récemment, on vient de faire disparaître les traces de tous les monuments qui ont consacré de grandes époques de la Révolution. Ceux qui rappelaient la révolution morale qui vous vengeait de la calomnie et qui fondait la République sont les seuls qui aient été détruits. Je n’ai vu chez plusieurs aucun penchant à suivre des principes fixes, à tenir la route de la justice tracée entre les deux écueils que les ennemis de la patrie ont placés sur notre carrière.

S’il faut que je dissimule ces vérités, qu’on m’apporte la ciguë. Ma raison, non mon cœur, est sur le point de douter de cette République vertueuse dont je m’étais tracé le plan.

J’ai cru deviner le véritable but de cette bizarre imputation de la dictature ; je me suis rappelé que Brissot et Roland en avaient déjà rempli l’Europe dans le temps où ils exerçaient une puissance presque sans bornes.

Dans quelles mains sont aujourd’hui les armées, les finances et l’administration intérieure de la République ? Dans celles de la coalition qui me poursuit. Tous les amis des principes sont sans influence ; mais ce n’est pas assez pour eux d’avoir éloigné par le désespoir du bien un surveillant incommode ; son existence seule est pour eux un objet d’épouvante, et ils avaient médité dans les ténèbres, à l’insu de leurs collègues, le projet de lui arracher le droit de défendre le peuple, avec la vie.

Oh ! je la leur abandonnerai sans regret : j’ai l’expérience du passé, et je vois l’avenir. Quel ami de la patrie peut vouloir survivre au moment où il n’est plus permis de la servir et de défendre l’innocence opprimée ?

Pourquoi demeurer dans un ordre de choses où l’intrigue triomphe éternellement de la vérité, où la justice est un mensonge, où les plus viles passions, où les craintes les plus ridicules occupent dans les cœurs la place des intérêts sacrés de l’humanité ?

Comment supporter le supplice de voir cette horrible succession de traîtres, plus ou moins habiles à cacher leurs âmes hideuses sous le voile de la vertu, et même de l’amitié, mais qui tous laisseront à la postérité l’embarras de décider lequel des ennemis de mon pays fut le plus lâche et le plus atroce ?

Représentants du peuple français, il est temps de reprendre la fierté et la hauteur du caractère qui vous conviennent. Vous n’êtes point faits pour être régis, mais pour régir les dépositaires de votre confiance. Les hommages qu’ils vous doivent ne consistent pas dans ces vaines flagorneries, dans ces récits flatteurs, prodigués aux rois par des ministres ambitieux. mais dans la vérité, et surtout dans le respect profond pour vos principes.

On vous a dit que tout est bien dans la République : je le nie.

Pourquoi ceux qui, avant-hier, vous prédisaient tant d’affreux orages, ne voyaient-ils plus hier que des nuages légers ? Pourquoi ceux qui vous disaient naguère : je vous déclare que nous marchons sur des volcans, croient-ils ne marcher aujourd’hui que sur des roses ?

Hier ils croyaient aux conspirations. je déclare que j’y crois dans ce moment. Ceux qui vous disent que la fondation de la République est une entreprise si facile vous trompent, ou plutôt ils ne peuvent tromper personne.

Où sont les institutions sages, où est le plan de régénération qui justifient cet ambitieux langage ? S’est-on seulement occupé de ce grand objet ? Que dis-je ? ne voulait-on pas proscrire ceux qui les avaient préparées ?

On les loue aujourd’hui, parce qu’on se croit plus faible ; donc on les proscrira encore demain, si on devient plus fort. Dans quatre jours, dit-on, les injustices seront réparées : pourquoi ont-elles été commises impunément depuis quatre mois ? Et comment, dans quatre jours, tous les auteurs de nos maux seront-ils corrigés ou chassés ?

On vous parle beaucoup de nos victoires avec une légèreté académique qui ferait croire qu’elles n’ont coûté à nos héros ni sang, ni travaux : racontées avec moins de pompe, elles paraîtraient plus grandes.

Ce n’est ni par des phrases de rhéteur, ni même par des exploits guerriers, que nous subjuguerons l’Europe, mais par la sagesse de nos lois, par la majesté de nos délibérations, et par la grandeur de nos caractères.

Qu’a-t-on fait pour tourner nos succès militaires au profit de nos principes, pour prévenir les dangers de la victoire, ou pour en assurer les fruits ?

Surveillez la victoire ; surveillez la Belgique. Je vous avertis que votre décret contre les Anglais a été éternellement violé ; que l’Angleterre, tant maltraitée par nos discours, est ménagée par nos armes. Je vous avertis que les comédies philanthropiques jouées par Dumouriez dans la Belgique, sont répétées aujourd’hui ; que l’on s’amuse à planter des arbres stériles de la liberté dans un sol ennemi, au lieu de cueillir les fruits de la victoire, et que les esclaves vaincus sont favorisés aux dépens de la République victorieuse.

Nos ennemis se retirent et nous laissent à nos divisions intestines. Songez à la fin de la campagne : craignez les factions intérieures ; craignez les intrigues favorisées par l’éloignement dans une terre étrangère.

On a semé la division parmi les généraux ; l’aristocratie militaire est protégée ; les généraux fidèles sont persécutés ; l’administration militaire s’enveloppe d’une autorité suspecte ; on a violé vos décrets pour secouer le joug d’une surveillance nécessaire. Ces vérités valent bien des épigrammes.

Notre situation intérieure est beaucoup plus critique. Un système raisonnable de finances est à créer ; celui qui règne aujourd’hui est mesquin, prodigue, tracassier, dévorant, et, dans le fait, absolument indépendant de votre surveillance suprême. Les relations extérieures sont absolument négligées. Presque tous les agents employés chez les puissances étrangères, décriés par leur incivisme, ont trahi ouvertement la République, avec une audace impunie jusqu’à ce jour.

Le gouvernement révolutionnaire mérite toute votre attention : qu’il soit détruit aujourd’hui, demain la liberté n’est plus, Il ne faut pas le calomnier, mais le rappeler à son principe, le simplifier, diminuer la foule innombrable de ses agents, les épurer surtout : il faut rendre la sécurité au peuple, mais non à ses ennemis.

Il ne s’agit point d’entraver la justice du peuple par des formes nouvelles ; la loi pénale doit nécessairement avoir quelque chose de vague, parce que le caractère actuel des conspirateurs étant la dissimulation et l’hypocrisie, il faut que la justice puisse les saisir sous toutes les formes. Une seule manière de conspirer laissée impunie rendrait illusoire et compromettrait le salut de la patrie.

La garantie du patriotisme n’est donc pas dans la lenteur ni dans la faiblesse de la justice nationale, mais dans les principes et dans l’intégrité de ceux à qui elle est confiée, dans la bonne foi du gouvernement, dans la protection franche qu’il accorde aux patriotes, et dans l’énergie avec laquelle il comprime l’aristocratie ; dans l’esprit public, dans certaines institutions morales et politiques qui, sans entraver la marche de la justice, offrent une sauvegarde aux bons citoyens, et compriment par leur influence sur l’opinion publique et sur la direction de la marche révolutionnaire, et qui vous seront proposées quand les conspirations les plus voisines permettront aux amis de la liberté de respirer.

Guidons l’action révolutionnaire par des maximes sages et constamment maintenues ; punissons sévèrement ceux qui abusent des principes révolutionnaires pour vexer les citoyens ; qu’on soit bien convaincu que tous ceux qui sont chargés de la surveillance nationale, dégagés de tout esprit de parti, veulent fortement le triomphe du patriotisme et la punition des coupables.

Le gouvernement révolutionnaire a sauvé la patrie ; il faut le sauver lui-même de tous les écueils ; ce serait mal conclure de croire qu’il faut le détruire, par cela seul que les ennemis du bien public l’ont d’abord paralysé, et s’efforcent maintenant de le corrompre.

Au reste, je suis loin d’imputer les abus à la majorité de ceux à qui vous avez donné votre confiance ; la majorité est elle-même paralysée et trahie ; l’intrigue et l’étranger triomphent. On se cache, on dissimule, on trompe : donc on conspire.

On était audacieux, on méditait un grand acte d’oppression ; on s’entourait de la force pour comprimer l’opinion politique après l’avoir irritée ; on cherche à séduire des fonctionnaires publics dont on redoute la fidélité ; on persécute les amis de la liberté : on conspire donc.

On devient tout à coup souple et même flatteur : on sème sourdement des insinuations dangereuses contre Paris ; on cherche à endormir l’opinion publique ; on calomnie le peuple ; on ne renvoie point les déserteurs, les prisonniers ennemis, les contre-révolutionnaires de toute espèce qui se rassemblent à Paris, et on éloigne les canonniers ; on désarme les citoyens ; on intrigue dans l’armée ; on cherche à s’emparer de tout : donc on conspire.

Ces jours derniers, on chercha à vous donner le change sur la conspiration ; aujourd’hui on la nie : c’est même un crime d’y croire ; on vous effraie, on vous rassure tour à tour : la véritable conspiration. la voilà.


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La contre-révolution est dans l’administration des finances.

Elle porte toute sur un système d’innovation contre-révolutionnaire, déguisée sous le dehors du patriotisme. Elle a pour but de fomenter l’agiotage, d’ébranler le crédit public en déshonorant la loyauté française, de favoriser les riches créanciers, de ruiner et de désespérer les pauvres, de multiplier les mécontents, de dépouiller le peuple des biens nationaux, et d’amener insensiblement la ruine de la fortune publique.

Quels sont les administrateurs suprêmes de nos finances ? Des Brissotins, des Feuillants, des aristocrates et des fripons connus : ce sont les Cambon, les Mallarmé, les Ramel ; ce sont les compagnons et les successeurs de Chabot, de Fabre, et de Julien (de Toulouse).

Pour pallier leurs pernicieux desseins, ils se sont avisés, dans les derniers temps, de prendre l’attache du Comité de salut public, parce qu’on ne doutait pas que ce Comité, distrait par tant de si grands travaux, adopterait de confiance, comme il est arrivé quelquefois, tous les projets de Cambon.

C’est un nouveau stratagème imaginé pour multiplier les ennemis du Comité, dont la perte est le principal but de toutes les conspirations.

La trésorerie nationale, dirigée par un contre-révolutionnaire hypocrite, nommé Lhermina, seconde parfaitement leurs vues par le plan qu’elle a adopté, de mettre des entraves à toutes les dépenses urgentes, sous le prétexte d’un attachement scrupuleux aux formes, de ne payer personne, excepté les aristocrates, et de vexer les citoyens malaisés par des refus, par des retards, et souvent par des provocations odieuses.

La contre-révolution est dans toutes les parties de l’économie politique. Les conspirateurs nous ont précipités, malgré nous, dans des mesures violentes, que leurs crimes seuls ont rendues nécessaires, et réduit la République à la plus affreuse disette, et qui l’aurait affamée, sans le concours des événements les plus inattendus.

Ce système était l’ouvrage de l’étranger, qui l’a proposé par l’organe vénal des Chabot, des Lullier, des Hébert et tant d’autres scélérats : il faut tous les efforts du génie pour ramener la République à un régime naturel et doux qui seul peut entretenir l’abondance ; et cet ouvrage n’est pas encore commencé.

On se rappelle tous les crimes prodigués pour réaliser le pacte de famine enfanté par le génie infernal de l’Angleterre.

Pour nous arracher à ce fléau, il a fallu deux miracles également inespérés : le premier est la rentrée de notre convoi vendu à l’Angleterre avant son départ de l’Amérique, et sur lequel le cabinet de Londres comptait, et la récolte abondante et prématurée que la nature nous a présentée ; l’autre est la patience sublime du peuple, qui a souffert la faim même pour conserver la liberté.

Il nous reste encore à surmonter le défaut de bras, de voitures, de chevaux, qui est un obstacle à la moisson et à la culture des terres, et toutes les manœuvres tramées, l’année dernière, par nos ennemis, et qu’ils ne manqueront pas de renouveler.

Les contre-révolutionnaires sont accourus ici pour se joindre à leurs complices et défendre leurs patrons à force d’intrigues et de crimes.

Ils comptent sur les contre-révolutionnaires détenus, sur les gens de la Vendée et sur les déserteurs et prisonniers ennemis, qui, selon tous les avis, s’échappent depuis quelque temps en foule pour se rendre à Paris, comme je l’ai déjà dénoncé inutilement plusieurs fois au Comité de salut public ; enfin sur l’aristocratie, qui conspire en secret autour de nous.

On excitera dans la Convention nationale de violentes discussions ; les traîtres, cachés jusqu’ici sous des dehors hypocrites, jetteront le masque ; les conspirateurs accuseront leurs accusateurs, et prodigueront tous les stratagèmes jadis mis en usage par Brissot pour étouffer la voix de la vérité.

S’ils ne peuvent maîtriser la Convention par ce moyen, ils la diviseront en deux partis ; et un vaste champ est ouvert à la calomnie et à l’intrigue, S’ils la maîtrisent un moment, ils accuseront de despotisme et de résistance à l’autorité nationale ceux qui combattront avec énergie leur ligue criminelle ; les cris de l’innocence opprimée, les accents mâles de la liberté outragée seront dénoncés comme les indices d’une influence dangereuse ou d’une ambition personnelle.

Vous croirez être retournés sous le couteau des anciens conspirateurs ; le peuple s’indignera ; on l’appellera une faction ; la faction criminelle continuera de l’exaspérer ; elle cherchera à diviser la Convention nationale du Peuple ; enfin, à force d’attentats, on espère parvenir à des troubles dans lesquels les conjurés feront intervenir l’aristocratie et tous leurs complices, pour égorger les patriotes et établir la tyrannie.

Voilà une partie du plan de la conspiration. Et à qui faut-il imputer ces maux ? A nous-mêmes, à notre lâche faiblesse pour le crime, et à notre coupable abandon des principes proclamés par nous-mêmes.

Ne nous y trompons pas : fonder une immense république sur les bases de la raison et de l’égalité, resserrer par un lien vigoureux toutes les parties de cet empire immense, n’est pas une entreprise que la légèreté puisse consommer ; c’est le chef-d’œuvre de la vertu et de la raison humaine,

Toutes les factions naissent en foule du sein d’une grande révolution. Comment les réprimer, si vous ne soumettez sans cesse toutes les passions à la justice ? Vous n’avez pas d’autre garant de la liberté que l’observation rigoureuse des principes et de la morale universelle, que vous avez proclamés.

Si la raison ne règne pas, il faut que le crime et l’ambition règnent ; sans elle, la victoire n’est qu’un moyen d’ambition et un danger pour la liberté même, un prétexte fatal dont l’intrigue abuse pour endormir le patriotisme sur les bords du précipice ; sans elle, qu’importe la victoire même ?

La victoire ne fait qu’armer l’ambition, endormir le patriotisme, éveiller l’orgueil et creuser de ses mains brillantes le tombeau de la République.

Qu’importe que nos armées chassent devant elles les satellites armés des rois, si nous reculons devant les vices destructeurs de la liberté publique ? Que nous importe de vaincre les rois, si nous sommes vaincus par les vices qui amènent la tyrannie ? Or, qu’avons-nous fait depuis quelque temps contre eux ? Nous avons proclamé de grands prix.

Que n’a-t-on pas fait pour les protéger parmi nous ? Qu’avons-nous fait depuis quelque temps pour les détruire ? Rien, car ils lèvent une tête insolente, et menacent impunément la vertu ; rien, car le gouvernement a reculé devant les factions, et elles trouvent des protecteurs parmi les dépositaires de l’autorité publique : attendons-nous donc à tous les maux, puisque nous leur abandonnons l’empire.

Dans la carrière où nous sommes, s’arrêter avant le terme, c’est périr ; et nous avons honteusement rétrogradé.

Vous avez ordonné la punition de quelques scélérats, auteurs de tous nos maux ; ils osent résister à la justice nationale, et on leur sacrifie les destinées de la patrie et de l’humanité.

Attendons-nous donc à tous les fléaux que peuvent entraîner les factions qui s’agitent impunément.

Au milieu de tant de passions ardentes, et dans un si vaste empire, les tyrans dont je vois les armées fugitives, mais non enveloppées, mais non exterminées, se retirent pour vous laisser en proie à des dissensions intestines qu’ils allument eux-mêmes, et à une armée d’agents criminels que vous ne savez pas même apercevoir.

Laissez flotter un moment les rênes de la révolution, vous verrez le despotisme militaire s’en emparer, et le chef des factions renverser la représentation nationale avilie. Un siècle de guerre civile et de calamités désolera notre patrie, et nous périrons pour n’avoir pas voulu saisir un moment marqué dans l’histoire des hommes pour fonder la liberté ; nous livrons notre patrie à un siècle de calamités, et les malédictions du peuple s’attacheront à notre mémoire qui devait être chère au genre humain.

Nous n’aurons pas même le mérite d’avoir entrepris de grandes choses par des motifs vertueux. On nous confondra avec les indignes mandataires du peuple qui ont déshonoré la représentation nationale et nous partagerons leurs forfaits en les laissant impunis.

L’immortalité s’ouvrait devant nous : nous périrons avec ignominie. Les bons citoyens périront ; les méchants périront aussi.

Le peuple outragé et victorieux les laisserait-il jouir en paix du fruit de leurs crimes ? Les tyrans eux-mêmes ne briseraient-ils pas ces vils instruments ? Quelle justice avons-nous faite envers les oppresseurs du peuple ? Quels sont les patriotes opprimés par les plus odieux abus de l’autorité nationale qui ont été vengés ?

Que dis-je ? Quels sont tous ceux qui ont pu faire entendre impunément la voix de l’innocence opprimée ? Les coupables n’ont-ils pas établi cet affreux principe, que dénoncer un représentant infidèle, c’est conspirer contre la représentation nationale ?

L’oppresseur répond aux opprimés par l’incarcération et de nouveaux outrages. Cependant les départements où ces crimes ont été commis les ignorent-ils parce que nous les oublions ? Et les plaintes que nous repoussons ne retentissent-elles pas avec plus de force dans les cœurs comprimés des citoyens malheureux ? Il est si facile et si doux d’être juste !

Pourquoi nous dévouer à l’opprobre des coupables en les tolérant ? Mais quoi ? les abus tolérés n’iront-ils pas en croissant ? Les coupables impunis ne voleront-ils pas de crimes en crimes ? Voulons-nous partager tant d’infamie et nous vouer au sort affreux des oppresseurs du peuple ? Quels titres ont-ils pour en opposer même aux plus vils tyrans ?

Une faction pardonnerait à une autre faction. Bientôt les scélérats vengeraient le monde en s’entr’égorgeant eux-mêmes ; et s’ils échappaient à la justice des hommes, ou à leur propre fureur, échapperaient-ils à la justice éternelle qu’ils ont outragée par le plus horrible de tous les forfaits ?

Pour moi, dont l’existence paraît aux ennemis de mon pays un obstacle à leurs projets odieux, je consens volontiers à leur en faire le sacrifice, si leur affreux empire doit durer encore.

Eh ! qui pourrait désirer de voir plus longtemps cette horrible succession de traîtres plus ou moins habiles à cacher leurs âmes hideuses sous un masque de vertu, jusqu’au moment où leur crime paraît mûr ; qui tous laisseront à la postérité l’embarras de décider lequel des ennemis de ma patrie fut le plus lâche et le plus atroce.

Si l’on proposait ici de prononcer une amnistie en faveur des députés perfides, et de mettre les crimes de tout représentant sous la sauvegarde d’un décret, la rougeur couvrirait le front de chacun de nous : mais laisser sur la tête des représentants fidèles le devoir de dénoncer les crimes, et cependant, d’un autre côté, les livrer à la rage d’une ligue insolente, s’ils osent le remplir, n’est-ce pas un désordre encore plus révoltant ? C’est plus que protéger le crime, c’est lui immoler la vertu.

En voyant la multitude des vices que le torrent de la révolution a roulés pêle-mêle avec les vertus civiques, j’ai tremblé quelquefois d’être souillé aux yeux de la postérité par le voisinage impur de ces hommes pervers qui se mêlaient dans les rangs des défenseurs sincères de l’humanité.

Mais la défaite des factions rivales a comme émancipé tous les vices ; ils ont cru qu’il ne s’agissait plus pour eux que de partager la patrie comme un butin, au lieu de la rendre libre et prospère ; et je les remercie de ce que la fureur dont ils sont animés contre tout ce qui s’oppose à leurs projets a tracé la ligne de démarcation entre eux et tous les gens de bien.

Mais si les Verrès et les Catilina de la France se croient déjà assez avancés dans la carrière du crime pour exposer sur la tribune aux harangues la tête de leur accusateur, j’ai promis aussi naguère de laisser à mes concitoyens un testament redoutable aux oppresseurs du peuple, et je leur lègue dès ce moment l’opprobre et la mort.

Je conçois qu’il est facile à la ligue des tyrans du monde d’accabler un seul homme ; mais je sais aussi quels sont les devoirs d’un homme qui peut mourir en défendant la cause du genre humain.

J’ai vu dans l’histoire tous les défenseurs de la liberté accablés par la fortune ou par la calomnie ; mais bientôt après, leurs oppresseurs et leurs assassins sont morts aussi. Les bons et les méchants, les tyrans et les amis de la liberté disparaissent de la terre, mais à des conditions différentes.


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Français, ne souffrez pas que vos ennemis cherchent à abaisser vos âmes et à énerver vos vertus par une funeste doctrine. Non, Chaumette, non, Fouché. la mort n’est point un sommeil éternel. Citoyens. effacez des tombeaux cette maxime impie qui jette un crêpe funèbre sur la nature et qui insulte à la mort. Gravez-y plutôt celle-ci : La mort est le commencement de l’immortalité.

Peuple, souviens-toi que si, dans la République, la justice ne règne pas avec un empire absolu, et si ce mot ne signifie pas l’amour de l’égalité et de la patrie, la liberté n’est qu’un vain nom. Peuple, toi que l’on craint, que l’on flatte et que l’on méprise ; toi, souverain reconnu qu’on traite toujours en esclave, souviens-toi que partout où la justice ne règne pas, ce sont les passions des magistrats, et que le peuple a changé de chaînes et non de destinées.

Souviens-toi qu’il existe dans ton sein une ligue de fripons qui lutte contre la vertu publique, qui a plus d’influence que toi-même sur tes propres affaires, qui te redoute et te flatte en masse, mais te proscrit en détail dans la personne de tous les bons citoyens.

Rappelle-toi que, loin de sacrifier cette poignée de fripons à ton bonheur, tes ennemis veulent te sacrifier à cette poignée de fripons, auteurs de tous nos maux, et seuls obstacles à la prospérité publique.

Sache que tout homme qui s’élèvera pour défendre la cause et la morale publique sera accablé d’avanies et proscrit par les fripons ; sache que tout ami de la liberté sera toujours placé entre un devoir et une calomnie ; que ceux qui ne pourront être accusés d’avoir trahi seront accusés d’ambition ; que l’influence de la probité et des principes sera comparée à la force de la tyrannie et à la violence des factions ; que ta confiance et ton estime seront des titres de proscription pour tous tes amis ; que les cris du patriotisme opprimé seront appelés des cris de sédition, et que, n’osant t’attaquer toi-même en masse, on te proscrira en détail dans la personne de tous les bons citoyens, jusqu’à ce que les ambitieux aient organisé leur tyrannie.

Tel est l’empire des tyrans armés contre nous : telle est l’influence de leur ligue avec tous les hommes corrompus, toujours portés à les servir.

Ainsi donc, les scélérats nous imposent la loi de trahir le peuple, à peine d’être appelés dictateurs.

Souscrirons-nous à cette loi ? Non : défendons le peuple, au risque d’en être estimés ; qu’ils courent à l’échafaud par la route du crime, et nous par celle de la vertu.

Dirons-nous que tout est bien ? Continuerons-nous de louer par habitude ou par pratique ce qui est mal ? Nous perdrions la patrie, Révélerons-nous les abus cachés ? Dénoncerons-nous les traîtres ? On nous dira que nous ébranlons les autorités constituées ; que nous voulons acquérir à leurs dépens une influence personnelle.

Que ferons-nous donc ? Notre devoir.

Que peut-on objecter à celui qui veut dire la vérité, et qui consent à mourir pour elle ?

Disons donc qu’il existe une conspiration contre la liberté publique ; qu’elle doit sa force à une coalition criminelle qui intrigue au sein même de la Convention ; que cette coalition a des complices dans le Comité de sûreté générale et dans les bureaux de ce Comité qu’ils dominent ; que les ennemis de la République ont opposé ce Comité au Comité de salut public, et constitué ainsi deux gouvernements : que des membres du Comité de salut public entrent dans ce complot ; que la coalition ainsi formée cherche à perdre les patriotes et la patrie.

Quel est le remède à ce mal ? Punir les traîtres, renouveler les bureaux du Comité de sûreté générale, épurer ce Comité lui-même, et le subordonner au Comité de salut public ; épurer le Comité de salut public lui-même, constituer l’unité du gouvernement sous l’autorité suprême de la Convention nationale, qui est le centre et le juge, et écraser ainsi toutes les factions du poids de l’autorité nationale, pour élever sur leurs ruines la puissance de la justice et de la liberté : tels sont les principes.

S’il est impossible de les réclamer sans passer pour un ambitieux, j’en conclurai que les principes sont proscrits, et que la tyrannie règne parmi nous, mais non que je doive le taire : car que peut-on objecter à un homme qui a raison, et qui sait mourir pour son pays ?

Je suis fait pour combattre le crime, non pour le gouverner. Le temps n’est point arrivé où les hommes de bien peuvent servir impunément la patrie : les défenseurs de la liberté ne seront que des proscrits, tant que la horde des fripons dominera.


Voir en ligne : Portrait de Robespierre à la convention : Gallica


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