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Pierre Serna : Le droit à la sûreté des personnes et des biens. Impératifs du marché et droit à la bienfaisance.
L’exemple d’Orléans
lundi 13 janvier 2025

Pierre SERNA
Le droit à la sûreté des personnes et des biens. Impératifs du marché et droit à la bienfaisance : une contradiction du gouvernement révolutionnaire en l’an II ? l’exemple d’Orléans.
Professeur des Universités Panthéon Sorbonne
Pour se rendre à l’Office Culturel :
Samedi 8 février 2025 14 heures 30 à l’Office Culturel d’Arras
Pour suivre en visio-conférence par zoom
Sujet : Conférence de Pierre Serna
Heure : 8 févr. 2025 14:30 Paris
https://us02web.zoom.us/j/682939616...
ID de réunion : 682 939 6164
Code secret : UYvA3P
Lors de sa conférence Pierre Serna présentera son nouveau livre :
Le mot du Président
C’est un honneur pour l’ARBR d’accueillir, pour la première fois, l’historien Pierre Serna dans la cité de Robespierre.
Notre ami, fort occupé par ailleurs, n’avait pas oublié l’ARBR en 2023 à laquelle il avait offert quelques pages du numéro spécial de l’Humanité consacré à l’année 93. Cela nous avait permis de mettre en valeur plus de trente années de travaux divers consacrés à faire connaître autrement la vie et l’œuvre de l’Incorruptible et plus largement les réalités de la Révolution Française et en particulier le travail patient que nous menons localement pour l’ouverture d’un espace muséal consacré au plus célèbre mondialement connu de ses citoyens.
Dans mon passé professionnel j’ai exercé cinq années à Orléans. Et l’on peut comprendre aisément avec quelle curiosité je me suis plongé dans l’ouvrage récent de Pierre Serna. C’est une évidence, dans une ville dont Jeanne d’Arc est le personnage incontournable de son passé, je me suis souvent demandé comment cette ville « du centre » à une centaine de kilomètres de Versailles et de Paris qu’elle devait alimenter en grains, en vins ou en bois, avait vécu la période troublée de la Révolution. Je n’ai même pas souvenir qu’il y figurât une rue évoquant son souvenir.
J’ai donc au fil de ma lecture retrouvé des lieux d’une ville ayant « oublié » sa révolution ; une ville que j’avais fréquentés et donc redécouvert grâce à cet énorme travail d’érudition auquel Pierre Serna s’est livré. Comment cette cité avait pu être un exemple concret à la fois urbain et régional de mise en pratique de la République démocratique et sociale décrétée en l’an II et une sorte de laboratoire politique observé par Paris et la Convention ? Telle est la problématique de l’auteur.
Le Peuple d’Orléans est au cœur de l’ouvrage qui allie aux travaux précédents le fruit du dépouillement de nombreuses archives en particulier les procès-verbaux des sections et les extraits de journaux intimes d’orléanaises. Le tout donne vie à ce remarquable travail d’érudition accompli par notre invité.
On vit au quotidien les tentatives de création institutionnelle inouïes, la prise en compte de la misère sociale de ces temps troublés et de l’effort de guerre, et de l’influence de la présence militaire dans une ville au carrefour du passage des armées du Nord et de celles se rendant en Vendée.
C’est un grand livre, qui reflète au concret politique et moral quarante années de l’histoire d’une ville ses affrontements et les luttes de classes qui s’y déroulent.
C’est une manière inspirée et originale, d’interroger les réalités de la Révolution française et les années qui ont suivi. Gageons que l’exemple que Pierre Serna inspirera d’autres historiens pour interroger ainsi l’histoire d’autres villes et pourquoi pas Arras, selon la même méthodologie.
Je suis personnellement convaincu qu’il saura traduire dans sa conférence avec passion la question qui lui a été posée : celle du droit à l’existence. L’exemple d’Orléans arrive fort à propos pour illustrer notre thème annuel.
Merci, citoyen de venir visiter les Arrageois.
La Révolution oubliée. Orléans, 1789-1830, de Pierre Serna : Commentaire de Claude Mazauric
Nous reproduisons ici l’article que lui a consacré Claude Mazauric dans l’Humanité du 16 octobre 2024.
Voilà un récit érudit des bouleversements et inventions du moment révolutionnaire à travers le prisme de la cité. Pierre Serna le produit grâce à un travail monumental sur les archives.

Pierre Serna nous entraîne dans un long et magnifique récit consacré à l’histoire de la ville d’Orléans, observée et analysée en profondeur depuis les prémisses de la Révolution française de 1789 jusqu’au terme de la tentative de restauration monarchique, en 1830.
La cité d’Orléans, la voici ici, saisie dans l’espace régional, urbain, social mais aussi culturel, comme une grande ville de ce temps. Avec ses 50 000 habitants, Orléans est l’une des douze plus grandes villes du royaume après Paris. Elle s’affiche alors avec son histoire sacralisée (celle de Jeanne d’Arc, la Pucelle d’Orléans) et montre sa forte personnalité urbaine, sa position privilégiée au sud des grandes plaines à blé, sa proximité avec Paris, donc avec Versailles d’où règne le roi de France.
Dès le début du livre, nous la saisissons vigoureuse vers cette fin du XVIIIe siècle, étalant sa puissance économique, négociante, manufacturière, financière, sucrière, administrative et, en raison de sa situation de ville-pont au sud de la Loire navigable, son activité de transbordement fluvial et routier en bordure méridionale du Bassin parisien…
Affichant même sa part dans les bénéfices de l’exploitation esclavagiste en étant quasiment le point d’arrivée des importations de sucre de Saint-Domingue, dont la consommation connaît une croissance exponentielle.
Bien des auteurs, et non des moindres, comme Georges Lefebvre et ses Études orléanaises, recueil posthume paru en 1962, ont abordé cette histoire orléanaise, mais jamais avec cette fougue et surtout cette ambition de couvrir exhaustivement et synthétiquement les quarante et une années.
Le grand ouvrage doit une part de sa réussite à la richesse des sources sur lesquelles se fonde le développement du propos. Outre les travaux contemporains, Pierre Serna a repéré et dépouillé une masse impressionnante d’archives.
Ainsi en va-t-il, par exemple, des 17 cartons où se trouvent les PV, si rares ailleurs en France, des délibérations des sections d’Orléans en l’an II de la République, ou encore des 15 volumes du journal si précieux du lucide abbé Pataud qui couvrent les années 1794-1816. Tout un ensemble documentaire qui donne à cet ouvrage une matérialité événementielle qui ravira le lecteur ou la lectrice.
On voit « basculer » Orléans, « ville riche remplie de pauvres », dans le cycle révolutionnaire créateur des nouveautés institutionnelles inouïes, pour devenir ensuite, la crise sociale et la guerre aidant, un bastion de la République en guerre dominé par l’effort patriotique mais aussi marqué par une lutte de classes à dimension politique et même morale, notamment au moment et en liaison avec la mission controversée du représentant Laplanche.
Puis, cette ville d’Orléans, la voilà, après le renversement du gouvernement révolutionnaire, exposée successivement à un terrible moment de « vengeance et de règlements de comptes » et aux effets d’un banditisme endémique, mais accompagné, durant tout le temps du Directoire, de cinq années paradoxalement créatrices d’institutions juridiques, administratives et culturelles qui préfigurent la France bientôt « révolutionnée ».
Le dernier chapitre est admirable de lucidité, sur la tentative et l’échec en 1830 de la « Restauration » monarchique, à quoi aurait dû, ou pu, conduire, par-dessus le « temps de la Révolution », la réussite du tour de vis politique et réactionnaire à contretemps qui accompagna la « politique de l’extrême centre », selon le concept déjà antérieurement produit par Serna.
Ainsi s’achève ce moment de transition entre la France de l’Ancien Régime et cette « France contemporaine » qui pointe à l’horizon mais déjà se révèle émancipée. Toute transformée, Orléans, devenue « modérée », est ainsi « rentrée dans le rang » (jolie formule !) : ce qu’elle y a gagné ou perdu est à la mesure du destin que la nation lui a réservé. L’auteur nous dit en conclusion que « l’histoire n’est pas un roman », certes ! Mais l’histoire d’Orléans en Révolution (et après) n’en a-t-elle pas été comme un « condensé (sic) », exemplaire par son originalité : l’auteur nous donne à le penser.
Un grand livre écrit par un auteur inspiré et instruit qui aide le lecteur et la lectrice à grandir : que demander de plus précieux ?