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Portrait de robespierre écrit en 1792
Archives départementales du Pas-de-Calais B 1814
mardi 6 février 2018
Celui qui suit figure dans une brochure [1] intitulée :
« LES VERITABLES PORTRAITS DE NOS LEGISLATEURS » parue en 1792, juste après la séparation de la Constituante.
« Général des Sans-culottes, ennemi de toute domination, défenseur intrépide des droits du peuple, il ne manquait à ROBESPIERRE qu ’un physique imposant, un organe à la Danton, et quelquefois moins de présomption et d’opiniâtreté. Ces petits défauts souvent nuisent à la cause qu ’il défendait ; il était orgueilleux et jaloux, mais juste et vertueux. Jamais ses plus grands détracteurs n ’ont pu lui reprocher un instant d’égarement. Toujours ferme dans les principes les plus austères, jamais il n ’a dévié : tel il fut au commencement, tel on le trouva à la fin et cet éloge est applicable à peu d’individus.
Robespierre ne fut à l’Assemblée constituante ni président, ni secrétaire, ni d’aucun comité ; les patriotes eux-mêmes l’estimaient mais ne l’aimaient pas. Le motif en est simple : cet homme nourri de la morale de ROUSSEAU se sentait le courage d’imiter son modèle ; il en eut l’austérité sauvage, l’esprit inconciliant, l’orgueilleuse simplicité, et même la morosité ; il n ’en eut pas les talents, mais ROBESPIERRE n’était pas pour cela un homme ordinaire. Ne prenant jamais de conseil que de son cœur, il eut souvent de la défaveur dans ses opinions considérées comme toujours exagérées, parce que ROBESPIERRE qui jamais n ’avait voulu de monarchie, qui ne croyait à la liberté que dans un état d’égalité parfaite, parlait toujours d’après son principe, et s’exprimait au moment de la terminaison de notre constitution, comme si ces modifications n’eussent pas existé.
ROBESPIERRE eut assez de discernement pour mépriser constamment, BARNAVE, les LAMETH et de toute cette minorité de la noblesse qui n’avait trahi son ordre que pour s’élever individuellement sur ses ruines. Les calomnies, les outrages mêmes que ne l’ont jamais rebuté. Je l’ai vu résister à l’assemblée entière, et demander en homme qui sent sa dignité, que le président la rappelât à l’ordre.
Les Jacobins ont plus contribué à sa gloire que l’assemblée nationale ; il avait là des amis, il était écouté, encouragé, et souvent il y développa d’excellentes idées ; rarement il eut cet avantage à l’assemblée nationale. Dans les commencements il fut presque nul, montra même dans les délibérations qui ne lui plaisaient pas une insouciance condamnable ; alors il eut autant aimé l’esclavage qu’une liberté limitée. Il refusa d’opiner pour le veto suspensif, parce qu’il n’en voulait aucun ; il avait raison, mais la cause étant perdue, valait-il mieux laisser aux intrigants la faculté d’accorder le veto absolu. Après la mort de Mirabeau, la défection du parti patriote, la trahison des LAMETH, ROBESPIERRE montra un grand caractère, et malgré l’extrême défaveur de ses opinions, il força l’estime de ses ennemis ; il en triompha même dans quelques circonstances très épineuses, et du moins les priva du droit d’intriguer dans la législative suivante.
J’ignore si ROBESPIERRE connaissait bien la tactique de l’assemblée ; cela n ’est pas probable, car il eut sacrifié son zèle ou son amour propre au bien public ; il ne se fut pas placé exprès au bureau pour s’y emparer de la parole, et la garder avec obstination. Il eût connu que les intrigants meneurs de l’assemblée l’appelaient « leur MAURY », lui laissaient exprès le champ libre par préférence (et alors le président était à leurs ordres) pour indisposer les modérés, fixer leur opinion et s’assurer la majorité. Il aurait vu que, s’il acquérait de la gloire par le canal des journaux et des tribunes, il préjudiciait à la chose publique dans le sein de l’assemblée. Enfin il aurait laissé parler des hommes aussi purs, mais moins exagérés que lui, moins entiers dans leurs opinions, et qui en termes plus ménagés auraient ramené l’attention de l’assemblée vers ses devoirs et les principes de la constitution. Cependant rendons justice à la vertu, à l’honneur et à la probité. ROBESPIERRE n’a jamais été d’aucune intrigue ; toujours seid avec son cœur, il a fait tête, avec un grand courage aux plus violents orages. Si l’assemblée n’eût été composée que de ROBESPIERRE, la France ne serait peut-être qu’un monceau de ruines ; mais au milieu de tant d’intrigues, de bassesses, de vices, de corruption, dans le choc de tant d’intérêts opposés, d’opinions diverses, au milieu du tumulte, des calomnies, des craintes, des assassinats, ROBESPIERRE fut un rocher et un rocher inexpugnable.
Il a donc fait son devoir, il a bien mérité de sa patrie et son exemple est un modèle pour nos successeurs.
[1] Archives départementales du Pas-de-Calais B 1814