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Sur l’organisation des gardes nationales.

Robespierre dans le texte

mercredi 12 novembre 2025

En décembre 1790, un député présente à l’Assemblée un pro­jet d’organisation de la force publique qui prévoyait implici­tement l’exclusion des citoyens passifs des fonctions de la Garde nationale. Robespierre prononça aux Jacobins ce discours qui contribua à populariser sa figure de démocrate.

Pour lui la Garde nationale se conçoit comme un contre-pouvoir vis-à-vis du pouvoir exécutif et vis-à-vis de tout inté­rêt personnel. Ce ne doit pas être une armée et il faut empê­cher toute apparition d’un esprit de corps grâce aux élec­tions fréquentes du commandement et à l’absence de signes hiérarchiques extérieurs.

Robespierre dans le texte

SUR L’ORGANISATION DES GARDES NATIONALES

Gardes nationaux

Extraits :

[...] « Les gardes natio­nales ne peuvent être que la nation entière armée pour défendre, au besoin, ses droits ; il faut que tous les ci­toyens en âge de porter les armes y soient admis sans aucune distinction. Sans cela, loin d’être les appuis de la liberté, elles en seront les fléaux né­cessaires. Il faudra leur appliquer le principe que nous avons rappelé au commencement de cette discussion, en parlant des troupes de ligne dans tout Etat où une partie de la nation est armée et l’autre ne l’est pas, la première est maî­tresse des destinées de la seconde ; tout pouvoir s’anéantit devant le sien ; d’autant plus redoutable qu’elle sera plus nombreuse, cette portion privilégiée sera seule libre et souve­raine ; le reste sera esclave.

Etre armé pour sa défense personnelle est le droit de tout homme ; être armé pour défendre la liberté et l’existence de la commune patrie est le droit de tout citoyen. Ce droit est aussi sacré que celui de la défense naturelle et individuelle dont il est la conséquence, puisque l’intérêt et l’existence de la société sont composés des intérêts des existences indivi­duelles de ses membres. Dépouiller une portion quelconque des citoyens du droit de s’armer pour la patrie et en investir exclusivement l’autre, c’est donc violer à la fois et cette sainte égalité qui fut la base du pacte social, et les lois les plus irréfragables et les plus sacrées de la nature.

Mais remarquez, je vous prie, que ce principe ne souffre au­cune distinction entre ce que vous appelez citoyens actifs et les autres. Que les représentants du peuple aient cru, pendant quelque temps, qu’il fallait interdire à des millions de Fran­çais qui ne sont pas assez riches pour payer une quantité d’imposition déterminée, le droit de paraître aux assemblées où le peuple délibère sur ses intérêts ou sur le choix de ses représentants et de ses magistrats, je ne puis en ce moment que me prescrire sur ces faits un silence religieux : tout ce que je dois dire, c’est qu’il est impossible d’ajouter à la pri­vation de ces droits la prohibition d’être armés pour sa dé­fense personnelle, ou pour celle de sa patrie ; c’est que ce droit est indépendant de tous les systèmes politiques qui classent les citoyens, parce qu’il tient essentiellement au droit inaltérable, au droit immortel de veiller à sa propre conservation.

Si quelqu’un m’objectait qu’il faut avoir une telle es­pèce, ou une telle étendue de propriété pour exercer ce droit, je ne daignerais pas lui répondre. Eh ! que répon-drais-je à un esclave assez vil ou à un tyran assez cor­rompu pour croire que la vie, que la liberté, que tous les biens que la nature a départis aux plus pauvres de tous les hommes ne sont pas des ob­jets qui vaillent la peine d’ê­tre défendus ? Que répon-drais-je à un sophiste assez absurde pour ne pas comprendre que ces superbes domai­nes, que ces fastueuses jouissances des riches, qui seules lui paraissent d’un grand prix, sont moins sacrées aux yeux des lois et de l’humanité que la chétive propriété mobilière, que le plus modique salaire auquel est attachée la subsistance de l’homme modeste et laborieux ?

Quelqu’un osera-t-il me dire que ces gens-là ne doivent pas être admis au nombre des défenseurs des lois et de la Cons­titution, parce qu’ils n’ont point d’intérêt au maintien des lois et de la Constitution ? Je le prierai à mon tour de ré­pondre à ce dilemme : si ces hommes ont intérêt au main­tien des lois et de la Constitution, ils ont droit, suivant vos principes mêmes d’être inscrits parmi les gardes nationales ; s’il n’y ont aucun intérêt, dites-moi ce que cela signifie, si ce n’est que les lois, que la Constitution n’auraient pas été établies pour l’intérêt général ; mais pour l’avantage parti­culier d’une certaine classe d’hommes ;qu’elles ne seraient point la propriété commune de tous les membres de la so­ciété, mais le patrimoine des riches ; ce qui serait, vous en conviendrez sans doute, une supposition trop révoltante et trop absurde [...]

ROBESPIERRE, DANS LE TEXTE

Qui a fait notre glorieuse Révolution ? Sont-ce les riches ?

Serment des gardes nationaux

...Allons plus loin : ces mêmes hommes dont nous par­lons sont-ils suivant vous des esclaves, des étrangers ? ou sont-ils citoyens ? Si ce sont des esclaves, des étrangers, il faut le déclarer avec franchise et ne point chercher à dé­guiser sous des expressions nouvelles et assez obscures. Mais non ; ils sont en effet citoyens ; les représentants du peuple français n’ont pas dé­pouillé de ce titre la très grande majorité de leurs com­mettants ; car on sait que tous les Français sans aucune dis­tinction de fortune ni de coti­sation, ont concouru à l’élec­tion des députés à l’Assem­blée nationale : ceux-ci n’ont pu retourner contre eux le pouvoir qu’ils en avait reçu, leur ravir les droits qu’ils étaient chargés de maintenir et d’affermir, et par cela même anéantir leur propre autorité, qui n’est autre que celle de leurs commettants ; ils ne l’ont pas pu ; ils ne l’ont pas voulu, ils ne l’ont pas fait. Mais si ceux dont nous par­lons sont en effet citoyens, il leur reste donc des droits de cité ; à moins que cette qualité ne soit un vain titre et une dérision. Or, parmi les droits dont elle rappelle l’idée, trouvez m’en, si vous le pouvez, un seul qui y soit plus essentiellement attaché, qui soit plus nécessairement fon­dé sur les principes les plus inviolables de toute société humaine ; que celui-ci : si vous le leur ôtez, trouvez moi une seule raison de leur en conserver aucun autre. Il n’en est aucune. Reconnaissez donc comme le principe fondamental de l’organisation des gardes nationales, que tous les citoyens domiciliés ont le droit d’être admis au nombre des gardes nationales, et décrétez qu’ils pourront se faire inscrire comme tels dans les registres de la com­mune où ils demeurent.

C’est en vain qu’à ces droits inaliénables on voudrait op­poser de prétendus inconvénients et de chimériques ter­reurs. Non, non ; l’ordre social ne peut être fondé sur la violation des droits imprescriptibles de l’homme, qui en sont les bases essentielles. Après avoir annoncé d’une manière si franche et si imposante, dans cette déclaration immortelle où nous les avons retracés qu’elle était mise à la tête de notre code constitutionnel afin que les peuples fussent à portée de la comparer à chaque instant avec les principes inaltérables qu’elle renferme, nous n’affecterons pas sans cesse d’en détourner nos regards sous de nou­veaux prétextes, lorsqu’il s’agit de les appliquer aux droits de nos commettants et au bonheur de notre patrie.

L’humanité, la justice, la morale ; voila la sagesse des législateurs : tout le reste n’est que préjugé, intrigue, mauvaise foi. Partisans de ces funestes systèmes, ces­sez de calomnier le peuple et de blasphé­mer contre votre souverain, en le repré­sentant sans cesse indigne de jouir de ses droits, méchant, barbare, corrompu ; c’est vous qui êtes injustes et corrom­pus ; ce sont les castes fortunées aux­quelles vous voulez transférer sa puis­sance. C’est le peuple qui est bon, pa­tient, généreux ; notre Révolution, les crimes de ses ennemis l’attestent : mille traits récents et héroïques, qui ne sont chez lui que naturels, en déposent. Le peuple ne demande que tranquillité, jus­tice, que le droit de vivre ; les hommes puissants, les riches sont affamés de dis­tinctions, de trésors, de voluptés.

L’intérêt, le vœu du peuple est celui de la nature, de l’humanité ; c’est l’intérêt général. L’intérêt, le vœu des riches et des hommes puissants est celui de l’am­bition, de l’orgueil, de la cupidité, des fantaisies les plus extravagantes, des passions les plus funestes au bonheur de la société. Les abus qui l’ont désolée furent toujours leur ouvrage ; ils furent toujours les fléaux du peuple.

Aussi, qui fit notre glorieuse révolution ? Sont-ce les ri­ches ? Sont-ce les hommes puissants ?

Le peuple seul pouvait la désirer et la faire ; le peuple seul peut la soute­nir par la même raison et l’on ose nous proposer de lui ravir les droits qu’il a reconquis ! On veut diviser la na­tion en deux classes dont l’une ne semblerait animée que pour contenir l’autre, comme un amas d’esclaves toujours prêts à se mutiner ! et la première renfermerait tous les tyrans, tous les oppresseurs, toutes les sangsues publi­ques, et l’autre le peuple ! Vous dires après cela que le peuple est dangereux à la liberté : ah ! il en sera le plus ferme appui, si vous la lui laissez...

Incorruptible n° 74 page 8 décembre 2010