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Collection des discours de Robespierre sur la liberté des cultes

samedi 3 décembre 2022

Les textes choisis ici, moins bien connus, démontrent de façon claire et concise un aspect fondamental de la politique religieuse de Robespierre, adoptée par une majorité de la Convention : le respect de la liberté des cultes. Dans ces discours, fondamentaux, Robespierre expose sa conception de l’utilité sociale d’un culte civique, ainsi que sa propre foi en la « Providence ».

« Hier, à la fin de la séance, vous avez chargé le Comité de salut public de vous présenter aujourd’hui un projet de loi sur les moyens d’assurer le libre exercice des cultes. Je ne vous ferai aucune observation préalable ; je me contenterai de vous lire le projet de décret. Il est adopté en ces termes :

« La Convention nationale considérant ce qu’exigent d’elle les principes qu’elle a proclamés au nom du peuple français, et le maintien de la tranquillité publique ;

1° Défend toutes violences ou menaces contraires à la liberté des cultes.

2° La surveillance des autorités constituées et l’action de la force publique se renfermeront à cet égard, chacun pour ce qui les concerne, dans les mesures de police et de sûreté publique.

3° La Convention, par les dispositions précédentes, n’entend déroger en aucune manière aux lois répressives ni aux précautions de salut public contre les prêtres réfractaires ou turbulens, et contre tous ceux qui tenteroient d’abuser du prétexte de la religion pour compromettre la cause de la liberté. Elle n’entend pas non plus fournir à qui que ce soit aucun prétexte d’inquiéter le patriotisme, et de rallentir l’essor de l’esprit public.

La Convention invite tous les bons citoyens, au nom de la patrie, à s’abstenir de toutes disputes théologiques ou étrangères aux grands intérêts du peuple français, pour concourir de tous leurs moyens au triomphe de la République et à la ruine de ses ennemis. […] » »

Intervention de Robespierre à la Convention le 16 frimaire an II - 6 décembre 1793, d’après le Journal des Débats et des Décrets, OMR, t. X, p. 239.

« Ceux qui connoissent l’opinant [Lequinio], ne doute pas de son patriotisme. Ce ne sont pas ses ouvrages qui pourront nous en faire douter d’avantage ; mais ce n’est pas pour cet objet que je prends la parole. C’est pour dévoiler l’intrigue qui prend plaisir à s’attacher aux choses les plus utiles. Il me semble que lorsqu’on agite les grandes questions, la malveillance cherche toujours à donner le change, en confondant les choses les plus différentes.

Lorsque nous avons développé les principes immortels qui servent de bases à la morale, nous en avons parlé en hommes publics et sous le rapport de l’intérêt sacré de la liberté ; mais la Convention a-t-elle voulu descendre dans la pensée de chaque particulier, a-t-elle prétendu se mêler de leurs opinions individuelles ? Non, son intention n’alloit pas au-delà de ce qui intéresse le salut de la France libre. Que nous importe ce que tel a dit, ce qu’il a écrit ? Ce qui nous intéresse est de savoir si tel est un conspirateur, s’il a jetté dans la société civile des fermens de discorde pour détruire la liberté, en un mot s’il a été attaché à la faction de l’étranger. C’est sous ce point de vue que nous avons agité la question et que nous avons établi les grands principes ; il ne s’agit pas de nous laisser entraîner dans des discussions et des disputes théologiques, mais seulement de consacrer la morale publique, et de confondre les scélérats ; ainsi nous demeurerons invariablement attachés aux principes de la saine politique, en écartant avec soin les principes minutieux et les tracasseries ridicules. Lorsque nous songeons à consolider les bases des vertus et du patriotisme, nous sommes bien éloignés de vouloir devenir des persécuteurs. »

Intervention de Robespierre à la Société des Amis de la Liberté et de l’Égalité, siégeant aux Jacobins de Paris le 26 floréal an II - 15 mai 1794, d’après le Journal de la Montagne, OMR, t. X, p. 468-469.

Pour aller plus loin, voir :

Paul Chopelin, « Le mythe du « grand prêtre » de la Révolution. Robespierre, la religion et l’Être Suprême », dans Michel Biard et Philippe Bourdin, éd., Robespierre. Portraits croisés, Paris, Armand Colin, 2012, p. 129-144 ;
Sophie Wahnich, « La fête de l’Être suprême : est-ce seulement la faute à Rousseau ? » dans Bruno Bernardi, éd., Rousseau et la Révolution, Paris, Gallimard, 2012, p. 140-157 ;
Michel Vovelle, La Révolution contre l’Église. De la Raison à l’Être Suprême, Bruxelles, Éditions Complexe et Paris, PUF, 1988
Albert Mathiez, « Robespierre et le culte de l’Être suprême », réédité le plus récemment par Yannick Bosc et Florence Gauthier dans Robespierre et la République sociale, Paris, Éditions Critiques, 2018 (éd. orig. 1910).

Textes sélectionnés et présentés par Suzanne Levin, docteure en histoire.