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Discours de Robespierre à propos du procès du roi
lundi 13 avril 2015
(3 décembre 1792)
En décembre 1792 [1], la Convention discuta de l’opportunité de faire le procès de Louis XVI ; Robespierre s’y opposa violemment et réclama une mise à mort immédiate.
« Il n’y a point ici de procès à faire. Louis n’est point un accusé, vous n’êtes point des juges ; vous êtes, vous ne pouvez être que des hommes d’Etat et les représentants de la Nation. Vous n’avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de Providence nationale à exercer. (On applaudit).
Quel est le parti que la saine politique prescrit pour cimenter la République naissante ? c’est de graver profondément dans les cœurs le mépris de la royauté, et de frapper de stupeur tous les partisans du roi. Donc, présenter à l’univers son crime comme un problème, sa cause comme l’objet de la discussion la plus imposante, la plus religieuse, la plus difficile qui puisse occuper les représentants du peuple français, mettre une distance incommensurable entre le seul souvenir de ce qu’il fut, et la dignité d’un citoyen …
Louis fut roi, et la République est fondée. La question fameuse qui vous occupe est décidée par ces seuls mots : Louis est détrôné par ses crimes ; Louis dénonçait le peuple Français comme rebelle ; il a appelé, pour le châtier, les armes des tyrans ses confrères.
La victoire et le peuple ont décidé que lui seul était rebelle. Louis ne peut donc être jugé, il est déjà condamné ; il est condamné, ou la République n’est point absoute (Applaudissements).
Proposer de faire le procès à Louis XVI, de quelque manière que ce puisse être, c’est rétrograder vers le despotisme royal et constitutionnel ; c’est une idée contre-révolutionnaire car c’est mettre la révolution elle-même en litige. En effet, si Louis peut être encore l’objet d’un procès, Louis peut être absous ; il peut être innocent ; que dis-je ! il est présumé l’être jusqu’à ce qu’il soit jugé. Mais si Louis peut être présumé innocent, que devient la révolution ?
N’est-elle pas encore incertaine et douteuse ? Si Louis est innocent, tous les défenseurs de la Liberté deviennent des calomniateurs et les rebelles étaient les amis de la vérité et les défenseurs de l’innocence opprimée ; tous les manifestes des cours étrangères ne sont que des réclamations légitimes contre une faction dominatrice ; la détention même que Louis a subi jusqu’à ce moment est une vexation injuste ; les fédérés, le peuple de Paris, tous les patriotes de l’empire français sont coupables, et le grand procès pendant au tribunal de la nature, entre le crime et la vertu, entre la liberté et la tyrannie, est enfin décidé en faveur du crime et de la tyrannie…
Les peuples ne juges pas comme les cours judiciaires ; ils ne vendent point de sentences, ils lancent la foudre ; ils ne condamnent pas les rois, ils les replongent dans le néant, et cette justice vaut bien celle des tribunaux. Si c’est pour son salut que le peuple s’arme contre ses oppresseurs, comment serait-il tenu d’adopter un mode de les punir qui serait pour eux un nouveau danger ?
Nous nous sommes laissé induire en erreur par des exemples étrangers qui n’ont rien de commun avec nous. Que Cromwel ait fait juger Charles 1er par une commission judiciaire, dont il disposait ; qu’Elisabeth ait fait condamner Marie d’Ecosse par des juges, il est naturel que des tyrans qui immolent leurs pareils, non au peuple, mais à leur ambition, cherchent à tromper l’opinion du vulgaire par des formes illusoires ; il n’est question là ni de principes, ni de liberté, mais de fourberie et d’intrigues. Mais le peuple, quelle autre loi peut-il suivre, que la justice et la raison, appuyées de sa toute puissance ? »
Pour Robespierre, le Roi n’a plus sa place dans une République qui se construit. Il doit mourir car il est une menace pour l’affermissement de celle-ci. Le roi sera décapité, le 21 janvier 1793 après un vote majoritaire de la Convention.
[1] Extrait du discours de Robespierre sur le procès de Louis XVI, d’après le Moniteur, n° 340 du 5 décembre 1792, p. 1441.