Accueil > Comptes-rendus de lecture > Claude Mazauric : Quelle histoire de la Révolution ?
Claude Mazauric : Quelle histoire de la Révolution ?
mardi 18 janvier 2022
- Claude Mazauric, historien de la Révolution française.
Quelle histoire de la Révolution ?
Quelle histoire de la Révolution ?
Claude Mazauric : D’histoire & d’historiens, chez Hermann,
Lundi 29 Novembre 2021 in l’Humanité
Pierre Chaillan
En français
Rappel des faits :
Claude Mazauric vient de publier D’histoire & d’historiens, chez Hermann, ouvrage de référence et de transmission salué par quatre praticiens. Avec Anne de Mathan, Historienne, Professeure des Universités à la Faculté Humanités et Sciences Sociales de Normandie Université à Caen, Pierre Serna, Professeur des universités à Paris-I Panthéon-Sorbonne et membre de l’Institut d’histoire de la Révolution française (IHRF), Anne Jollet, Maîtresse de conférences à l’université de Poitiers, coordonnatrice des Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique et Guillaume Roubaud-Quashie, Historien, directeur de la revue Cause commune
L’unité du processus et la spécificité française
- Anne de Mathan
- Anne de Mathan Historienne, professeure des Universités à la Faculté Humanités et Sciences Sociales de Normandie Université à Caen
Isabelle Laboulais et Pascal Dupuy font un beau cadeau aux esprits curieux de découvrir une histoire de la Révolution française, à tous ceux qui ont connu Claude Mazauric de près ou de loin, à leur maître, enfin, à qui ils rendent un hommage vibrant. Faut-il présenter ce grand historien, membre du Parti communiste depuis soixante-dix ans, qui a écrit pour le journal l’Humanité ? Né en 1932, Claude Mazauric a enseigné dans un lycée à Valence, puis à l’université de Rouen jusqu’en 1996, et a considérablement contribué à la recherche et la préparation du bicentenaire de 1989.
Le charme de ce recueil réside dans sa diversité : certains articles proviennent de publications académiques – actes de colloques, « Mélanges », en hommage à d’illustres prédécesseurs, revues comme les Annales historiques de la Révolution française, ou les Cahiers d’histoire, qui avaient publié en 2008 un magnifique numéro d’entretiens. D’autres sont plus confidentiels, et fort émouvants, comme le discours funèbre pour Michel Vovelle, « le condisciple, le collègue, le frère, ami et camarade ». Les quelques lignes présentant chaque texte glissent parfois, grâce à la distance du temps qui a passé, la confidence d’un regret ou d’un point de vue un peu changé. Tout choix s’expose à la discussion et l’on pourra s’étonner dans les thématiques traitées de l’absence de Babeuf. C’est que Claude Mazauric lui a encore consacré un livre en 2020 ! Mais l’ensemble frappe par la cohérence de ce parcours et le constat d’une indéfectible fidélité.
Fidélité à une conception marxiste de l’histoire : Mazauric bat en brèche une description hors-sol de la Révolution comme phénomène politique, voire discursif, sans déterminants économiques ou sociaux. Contre la métaphore du « dérapage » proposée par François Furet, qui stigmatise l’énergie révolutionnaire de l’an II parce qu’elle s’éloignerait du modèle libéral américain, il réaffirme l’unité du processus révolutionnaire et la spécificité de la voie française de transition vers le capitalisme portée par les catégories bourgeoises et populaires. Il livre de superbes études de cas flétrissant la peine de mort dont Robespierre réclama l’abolition en temps ordinaires. Reprenant la réserve rousseauiste à l’égard de la représentation, il souligne l’invention de pratiques favorisant la démocratie directe.
Il poursuit sans coup férir ce sport de combat : la constitution et la transmission d’un savoir immense, sans renoncement quant à l’actualité du message révolutionnaire, ni aveuglement sur les défis que constitue le changement climatique ; la constance d’une haute exigence intellectuelle qui nécessite une pratique intensive de la lecture, nourrissant un commerce fructueux avec les historiens d’hier et d’aujourd’hui, comme le montre ce bouquet de critiques minutieuses et constructives des auteurs qui comptent à ses yeux ; la volonté pugnace d’éclairer le passé, mais aussi les enjeux du présent, et de contribuer à l’émancipation de tous les humains.
Après de poignants Mémoires (1) pour l’année 2015, l’historien s’expose de bonne grâce à devenir lui-même objet d’histoire. Cette œuvre ouverte n’a point de conclusion, et c’est heureux. Libre au lecteur d’exercer à son tour sa raison critique et d’en faire son miel). Merci !
- Pierre Serna Professeur des universités à Paris-I Panthéon-Sorbonne et membre de l’Institut d’histoire de la Révolution française (IHRF)
La continuité des luttes et la rupture
Claude Mazauric publie deux ouvrages démontrant une énergie intellectuelle digne des faiseurs de la Révolution. « Voilà qui donne à penser », peut-on écrire en détournant une phrase destinée à Jean Nicolas et sa magnifique étude sur l’intranquillité française, analysée de façon magistrale dans l’Humanité, en 2002.
Le professeur exceptionnel, l’historien de grande qualité, le militant fidèle, ne recherche pas les compliments. Claude Mazauric est un historien inventeur. L’étude de la Révolution n’a de sens pour lui que si elle révèle de profondes dynamiques, capables de déconstruire le réel et le reconstruire, pour donner toujours davantage d’outils et de moyens politiques, de telle sorte que le processus de démocratisation et d’émancipation du plus grand nombre soit construit comme un horizon d’idéalité, reliant de façon dialectique le passé au présent. Claude Mazauric fait davantage dans ses ouvrages, car il est capable de penser le temps de la Révolution, défi le plus complexe pour tout historien de 1789. Trois questions lancinantes structurent une vie de recherches : quelles sont les origines d’une révolution ? Quand et pourquoi, à tel moment précis, commence une révolution et, interrogation plus polémique et délicate, quand se termine une révolution ? Ce différentiel de temporalités emboîtées pose toute la richesse d’une réflexion qui reconquiert, envers et contre l’héritage de Braudel, le temps long pour la politique. Longtemps, la construction longue de l’État moderne a accaparé les historiens. Mazauric pense autrement et insiste sur la continuité des luttes, sur le temps long d’une contestation depuis le XVIe siècle. Mais ce n’est pas tout, l’historien du jacobinisme fut un des plus importants acteurs au tournant des années 1970-1980 dans la reconquête de l’« événementialité » comme clé interprétative à ne pas laisser à l’histoire révisionniste. La chronologie de la rupture révolutionnaire et des journées populaires n’est pas une écume de l’histoire mais son moteur. Dans les pas d’Ernest Labrousse, Claude Mazauric continue de se poser la question : comment naissent les contingences et les agencements conjoncturels qui font basculer un gouvernement et le transforment en quelques semaines en un ancien régime, associant de façon complexe vitesse et progrès ? De nouveaux registres de temporalités apparaissent et c’est là que l’histoire devient conflit, lutte et combat pour la liberté, lorsque les révolutions provoquent des résistances et des réactions, celles d’un monde ancien qui s’accroche à ces privilèges et combat les idéaux d’une philosophie des Lumières, socle de notre pacte social.
Mazauric invente littéralement le concept d’« antirévolution » pour donner à voir cette part maudite de 1793 d’une désespérante actualité : le peuple tournant le dos à la Révolution. Plus encore, l’historien conceptualise trois formes-temps qui sont la clé de son legs principal. Reprenant l’idée de « rythmanalyse », il invente l’idée d’une intrication entre « la France révolutionnaire, la France en révolution et la France révolutionnée ». Sont superposés et cloisonnés les trois temps-actions de celles et ceux qui opèrent les bouleversements, de celles et ceux qui vivent pour ou contre les mutations de grande ampleur qu’implique l’invention de l’égalité et de la liberté ensemble, dans la fraternité ou la guerre, et enfin le temps des sempiternels thermidoriens, vainqueurs sans gloire mais avec beaucoup d’intérêts, qui tentent de finir les révolutions et de les définir à l’aune de leur capitaux, social et économique accumulés.
Claude Mazauric n’abandonne jamais l’idée du progrès, venant contrarier tous les contre-révolutionnaires, les antirévolutionnaires et les coquins thermidoriens de tout poil. À le lire, le chantier nouveau s’impose : comment penser la France républicaine, la France en République, et la France républicanisée, dans, par et pour 1789 ? La Révolution de France ?
Le temps renouvelé de l’engagement
- Anne Jollet Maîtresse de conférences à l’université de Poitiers, coordonnatrice des Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique
L’obsession du temps est le propre de l’historien·ne. Nous passons nos vies à déployer le temps, à l’allonger, le raccourcir. Claude Mazauric nous ramène depuis une vingtaine d’années avec une passion particulière sur cette dimension principielle de notre travail, mais avec une déclinaison particulière de l’effet du temps, polarisée sur l’histoire faite par l’historien·ne, et sur l’effet du temps sur l’historien lui-même. Nous avons publié dans les Cahiers d’histoire, au printemps 2008, un long texte, atypique pour la revue, dans lequel Claude Mazauric revenait sur le temps court d’une vie d’historien [1] (1). Il y a donc une quinzaine d’années déjà. Il s’agissait d’entretiens réalisés entre 2004 et 2006 par Julien Louvrier dans le cadre de sa thèse. L’entretien avec Claude Mazauric avait pris une dimension exceptionnelle qui justifia une publication spécifique de 150 pages. D’un commun accord, nous avons décidé de mette ce texte sous le chapeau « Histoire et engagement ».
Cette question de l’engagement de l’historien dans son temps est bien ce qui taraude Claude Mazauric. Sans aucun doute depuis longtemps. On pense à la photo choisie qui le montre dédicaçant son premier livre, en novembre 1962. Ce premier livre, c’était Babeuf et la conspiration pour l’égalité. Un engagement pour un jeune historien, publiquement connu comme membre du Parti communiste, que de choisir de publier l’audacieux porteur d’un projet d’égalité sociale et un vaincu, rendu vainqueur et porteur d’avenir par le travail d’historiens engagés. Par des successions de transmissions, d’héritages portés de génération en génération.
Du moins, étaient-ils un certain nombre à se voir ainsi, inscrits dans une généalogie, intellectuelle en même temps que politique. La réflexion, pleine de sentiment d’urgence, de Claude Mazauric sur son devenir est à associer, me semble-t-il, à la conscience que quelque chose qui pouvait donner l’illusion de l’atemporel est en train de disparaître, d’exiger de nous la remémoration pour mieux comprendre ce qui n’est plus et le nouveau qui advient.
Ces retours autobiographiques sont hantés par une interrogation sur ce qui a régi, de façon plus ou moins consciente et maîtrisée, un rapport à un présent perçu comme un monde de luttes sociales et de constructions volontaristes d’outils, utiles à court et moyen terme pour imposer des victoires. Quand on regarde le fil directeur des entretiens ou la liste des sigles et abréviations qui encadrent le texte, on est saisi par le sentiment de suivre une page d’histoire de France.
Une histoire du temps où l’engagement allait de soi (Claude Mazauric rappelle les lectures de Marx et de Sartre) mais aussi était caractérisé par l’engagement tous azimuts dans des structures. Monde des affiliations, des statuts internes, des élections, des luttes internes, de tendances ou pas. PCF, Cish, IHRF, CTHS, SER, Irem, Cern, Snesup, CRHCT, la longue liste, énigmatique pour les un·es, pleine de réminiscences pour certain·es, objets d’histoire pour d’autres, nous plonge dans un monde où la conviction était entrée dans des engagements publics, institutionnels, eux-mêmes inscrits dans l’histoire.
La transmission de mémoires comme de structures ne signifie pas que tout cela était sans dissensus.
Claude Mazauric mesure qu’aujourd’hui, où que nous soyons, l’implication dans les structures peut apparaître plus comme source de soumission aux injonctions des puissants que levier de conquête, créant la profonde « détresse » des travailleurs qu’il évoque en fin d’entretien.
Quinze ans après, l’évidence de la « détresse » est bien plus grande, mais en continuant à publier sur la Révolution Claude Mazauric fournit des outils historiens qui, faisant lien, secouent l’abattement et renouvellent l’affirmation d’une part de responsabilité des historien·nes à notre devenir social.
Un parcours à travers champs
Les éditeurs peuvent l’attester, le dater et le quantifier. Si on cherche là quelques indices matériels de ce mouvement d’idées. Depuis plus d’une décennie, l’intérêt pour Marx saisit de nouveau notre pays et, notamment de substantielles franges de sa jeunesse étudiante. Mais au jeune esprit qui tente de penser historiquement sans contourner Marx ni celles et ceux qui se sont efforcés – non sans contradictions – de travailler et de réfléchir dans ce sillage, quel livre digeste et récent, accessible et roboratif a-t-on à offrir ? Quelques titres viennent sans doute à l’esprit – à commencer peut-être par ce petit Marx et l’histoire d’Eric Hobsbawm édité en français il y a une dizaine d’années – mais il faudra désormais compter avec celui de Claude Mazauric que publient les éditions Hermann. Bien sûr, il est question en premier lieu de la Révolution française, qui demeure le principal objet d’interrogation et de travail de l’historien depuis un demi-siècle. Mais, au travers de ce champ d’études – qui n’est pas le mien –, c’est toute une série de questions de premier ordre qui sont abordées : le(s) temps, la transition, la révolution, l’État… Voici qui porte loin !
Dans ce mouvement, Mazauric n’hésite pas à s’éloigner des XVIIIe et XIXe siècles pour affronter, par exemple, dans la Suisse de 1915, « le concept léninien de situation révolutionnaire ». Claude Mazauric est de ces historiens que n’effraient pas l’effort de conceptualisation ni la confrontation avec les travaux théoriques d’hier et d’aujourd’hui. Il est de ceux qui portent pour la discipline historique l’ambition d’un surcroît d’intelligibilité de notre monde, loin des enfermements volontaires dans des spécialisations exclusives s’aveuglant sur les mouvements plus amples qui ont le mauvais goût de dépasser les circonscriptions réservées.
À travers la collection – fort partielle mais fort judicieuse – de textes rassemblés par deux de ses anciens étudiants, Pascal Dupuy et Isabelle Laboulais, c’est aussi tout un pan de l’historiographie mondiale qui se donne à lire, du Britannique Hobsbawm (déjà cité) au Soviétique Manfred en passant par l’Américaine Lynn Hunt ou le spécialiste de l’Espagne Pierre Vilar, sans oublier les grands maîtres et amis français Albert Soboul, Michel Vovelle… Mais ramener ce livre au seul marxisme est sans doute réducteur tant le travail et l’appétit historiens de Mazauric le tiennent à distance de tout « catéchisme ». Aussi arpentera-t-on tout aussi bien les terres cévenoles de la résistance avec Patrick Cabanel que les territoires de la Réforme avec Denis Crouzet. Dans ce parcours à travers champs, le lecteur apprendra beaucoup et trouvera plus d’une piste pour continuer à avancer par lui-même. Comme le notent ses deux anciens élèves aujourd’hui universitaires reconnus, si Claude Mazauric est un chercheur, il n’est pas moins profondément « passeur ». En cela aussi, ce livre vient à point nommé pour, si on osait la formule…, renouer une certaine chaîne des temps.
In English
A reminder of the facts :
Claude Mazauric has just published D’histoire & d’historiens, published by Hermann, a work of reference and transmission hailed by four practitioners. With Anne de Mathan, Historian, Professor at the Faculty of Humanities and Social Sciences of Normandy University in Caen, Pierre Serna, Professor at the University of Paris-I Panthéon-Sorbonne and member of the Institute of History of the French Revolution (IHRF), Anne Jollet, Lecturer at the University of Poitiers, coordinator of Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique and Guillaume Roubaud-Quashie, Historian, director of the journal Cause commune
The unity of the process and the French specificity
- Anne de Mathan
- Anne de Mathan Historienne, professeure des Universités à la Faculté Humanités et Sciences Sociales de Normandie Université à Caen
Isabelle Laboulais and Pascal Dupuy offer a beautiful gift to those curious to discover a history of the French Revolution, to all those who knew Claude Mazauric from near or far, and to their master, to whom they pay a vibrant tribute. Is it necessary to introduce this great historian, a member of the Communist Party for seventy years, who wrote for the newspaper l’Humanité ? Born in 1932, Claude Mazauric taught in a high school in Valence, then at the University of Rouen until 1996, and contributed considerably to the research and preparation of the 1989 bicentenary.
The charm of this collection lies in its diversity : some articles come from academic publications - symposium proceedings, ’Mélanges’ in homage to illustrious predecessors, journals such as the Annales historiques de la Révolution française, or the Cahiers d’histoire, which published a magnificent issue of interviews in 2008. Others are more private, and very moving, such as the funeral speech for Michel Vovelle, « the disciple, colleague, brother, friend and comrade ». The few lines presenting each text sometimes include, thanks to the distance of time that has passed, the confiding of regret or a slightly changed point of view. Every choice is open to discussion and one may be surprised by the absence of Babeuf in the themes treated. It is because Claude Mazauric has already devoted a book to him in 2020 ! But the whole is striking for the coherence of its approach and observing an unfailing fidelity.
Fidelity to a Marxist conception of history : Mazauric knocks to the ground a description of the Revolution as a political phenomenon, even discursive, without economic or social determinants. Against the metaphor of the « dérapage » proposed by François Furet, who stigmatizes the revolutionary energy of the second year because it would move away from the American liberal model, he reaffirms the unity of the revolutionary process and the specificity of the French path of transition to capitalism carried by the bourgeois and popular classes. He delivers superb case studies condemning the death penalty, of which Robespierre called for abolition in ordinary times. Taking up Rousseau’s reservation about representation, he emphasises the invention of practices favouring direct democracy.
He pursues this combat sport without a hitch : the constitution and transmission of an immense body of knowledge, without renouncing the topicality of the revolutionary message, or being blind to the challenges posed by climate change ; the constancy of a high intellectual demand which requires an intensive reading practice, nourishing a fruitful trade with the historians of yesterday and today, as shown by this bouquet of meticulous and constructive criticisms of the authors who count in his eyes ; the pugnacious will to enlighten the past, but also the stakes of the present, and to contribute to the emancipation of all human beings.
After the poignant Memoirs (1) for the year 2015, the historian willingly exposes himself to become an object of history. This open work has no conclusion, and that is fortunate. The reader is free to exercise his critical reason and to make his own. Thank you !
- Pierre Serna Professeur des universités à Paris-I Panthéon-Sorbonne et membre de l’Institut d’histoire de la Révolution française (IHRF)
The continuity of struggles and the rupture
Claude Mazauric has published two works that demonstrate an intellectual energy worthy of the makers of the Revolution. « That’s something to think about », we can write, hijacking a phrase intended for Jean Nicolas and his magnificent study on French intranquillity, masterfully analysed in L’Humanité in 2002.
The exceptional professor, the high quality historian, the faithful activist, does not seek compliments. Claude Mazauric is an inventor historian. The study of the Revolution only makes sense to him if it reveals deep dynamics, capable of deconstructing reality and reconstructing it, in order to provide ever more political tools and means, so that the process of democratisation and emancipation of the greatest number of people is constructed as a horizon of ideality, dialectically linking the past to the present. Claude Mazauric does more in his works, because he is able to think the time of the Revolution, the most complex challenge for any historian of 1789.
Three nagging questions structure a lifetime of research : what are the origins of a revolution ? When and why, at such and such a precise moment, does a revolution begin and, a more controversial and delicate question, when does a revolution end ? This differential of interlocking temporalities provides the richness of a reflection that reclaims, against Braudel’s legacy, the long time for politics. For a long time, historians have been preoccupied with the long construction of the modern state. Mazauric thinks differently and insists on the continuity of struggles, on the long time of contestation from the 16th century. But that is not all, the historian of Jacobinism was one of the most important actors at the turn of the 1970s and 1980s in the re-conquest of « eventuality » as an interpretive key not to be left to revisionist history. The chronology of the revolutionary rupture and the popular days is not a mere flotsam of history but its motor. Following in the footsteps of Ernest Labrousse, Claude Mazauric continues to ask the question : how do the contingencies and conjunctural arrangements that cause a government to topple and transform itself into an old regime in a few weeks come into being, combining speed and progress in a complex way ? New registers of temporalities appear and it is here that history becomes conflict, struggle and fight for freedom, when revolutions provoke resistance and reactions, those of an old world that clings to its privileges and fights against the ideals of an Enlightenment philosophy, the basis of our social pact.
Mazauric literally invents the concept of « anti-revolution » to show this cursed part of 1793 a desperate topicality : the people turning their back on the Revolution. Moreover, the historian conceptualizes three time-forms that are the key to his main legacy. Taking up the idea of « rythmanalysis », he invents the idea of an entanglement between « revolutionary France, France in revolution and revolutionized France ». Superimposed and compartmentalised are the three time-actions of those who operate the upheavals, those who live for or against the large-scale mutations implied by the invention of equality and freedom together, in fraternity or war, and finally the time of the sempiternal Thermidorians, victors without glory but with a lot of interest, who try to finish the revolutions and define them in terms of their accumulated social and economic capital.
Claude Mazauric never abandons the idea of progress, countering all the counter-revolutionaries, anti-revolutionaries and Thermidorian rascals of all stripes. When you read it, the new task is obvious : how to think about republican France, France in the Republic, and republicanised France, in, through and for 1789 ? The French Revolution ?
The renewed time of commitment
- Anne Jollet Maîtresse de conférences à l’université de Poitiers, coordonnatrice des Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique
The obsession with time is the hallmark of the historian. We spend our lives deploying time, lengthening it, shortening it. Claude Mazauric has been bringing us back to this principal dimension of our work with a particular passion for the last twenty years, but with a particular variation on the effect of time, polarised on the history made by the historian, and on the effect of time on the historian himself. In the spring of 2008, we published a long text in Cahiers d’histoire, atypical for the journal, in which Claude Mazauric returned to the short time of a historian’s life (1). That was some fifteen years ago. These were interviews conducted between 2004 and 2006 by Julien Louvrier as part of his thesis. The interview with Claude Mazauric had taken on an exceptional dimension that justified a specific publication of 150 pages. By mutual agreement, we decided to put this text under the heading « History and Commitment ».
This question of the historian’s commitment to his time is indeed what has been bothering Claude Mazauric. No doubt for a long time. One thinks of the photo chosen to show him signing his first book, in November 1962. This first book was Babeuf and the Conspiracy for Equality. It was a commitment for a young historian, publicly known as a member of the Communist Party, to choose to publish the daring bearer of a project for social equality and a defeated man, made a winner and a bearer of the future by the work of committed historians. Through a succession of transmissions, of legacies carried from generation to generation.
At least, a certain number of them saw themselves as part of an intellectual and political genealogy. Claude Mazauric’s reflection, full of a sense of urgency, on his future is to be associated, it seems to me, with the awareness that something that could give the illusion of atemporality is disappearing, requiring us to remember in order to better understand what is no longer and the new that is coming.
These autobiographical returns are haunted by a questioning of what has governed, in a more or less conscious and controlled way, a relationship to a present perceived as a world of social struggles and of voluntarist constructions of tools, useful in the short and medium term to impose victories. When you look at the main thread of the interviews or the list of acronyms and abbreviations that frame the text, you get the feeling that you are following a page of French history.
A history of the time when commitment was self-evident (Claude Mazauric recalls his reading of Marx and Sartre) but also characterised by a commitment to all kinds of structures. A world of affiliations, internal statutes, elections, internal struggles, of trends or not. PCF, Cish, IHRF, CTHS, SER, Irem, Cern, Snesup, CRHCT, the long list, enigmatic for some, full of reminiscences for others, objects of history for others, plunges us into a world in which conviction had entered into public and institutional commitments, themselves inscribed in history.
The transmission of memories and structures does not mean that all this was without dissent.
Claude Mazauric reckons that today, wherever we are, involvement in structures can appear more as a source of submission to the injunctions of the powerful than as a lever for conquest, creating the profound « distress » of workers that he evokes at the end of the interview.
Fifteen years later, the evidence of this « distress » is much greater, but by continuing to publish on the Revolution Claude Mazauric provides historical tools which, by creating a link, shake off the despondency and renew the affirmation of a share of responsibility of historians in our social future.
A Cross-country Run
The publishers can attest to this, date it and quantify it. If we look here for some material evidence of this movement of ideas. For more than a decade now, interest in Marx has been returning to our country, and in particular to substantial sections of its young students. But for the young mind that tries to think historically without bypassing Marx or those who have tried - not without contradictions - to work and think in his wake, what digestible and recent, accessible and invigorating book do we have to offer ? A few titles come to mind - starting perhaps with Eric Hobsbawm’s little Marx and History, published in French ten years ago - but from now on we will have to reckon with Claude Mazauric’s book, published by Hermann. Of course, it is primarily a question of the French Revolution, which has remained the main object of interrogation and work for the historian for half a century. But, through this field of study - which is not mine - a whole series of questions of the first order are tackled : time(s), transition, revolution, the State... This is a long way to go !
In this movement, Mazauric does not hesitate to move away from the eighteenth and nineteenth centuries to confront, for example, in the Switzerland of 1915, « the Leninian concept of revolutionary situation ». Claude Mazauric is one of those historians who are not afraid of the effort of conceptualisation nor of the confrontation with the theoretical works of yesterday and today. He is one of those who have the ambition to increase the intelligibility of our world for the historical discipline, far from the voluntary confinement in exclusive specializations that blind themselves to the wider movements that have the bad taste of going beyond the reserved circumscriptions.
Through the collection - very partial but very judicious - of texts gathered by two of his former students, Pascal Dupuy and Isabelle Laboulais, it is also a whole section of world historiography that is presented, from the British Hobsbawm (already mentioned) to the Soviet Manfred, including the American Lynn Hunt and the Spanish specialist Pierre Vilar, not forgetting the great French masters and friends Albert Soboul, Michel Vovelle... But to reduce this book to Marxism alone is undoubtedly reductive, as Mazauric’s work and historical appetite keep him at a distance from any « catechism ». We will also survey the Cévennes territory of the Resistance with Patrick Cabanel as well as the territories of the Reformation with Denis Crouzet. In this cross-country run, the reader will learn a lot and will find more than one lead to continue to advance by himself. As his two former students, who are now recognised academics, note, if Claude Mazauric is a researcher, he is no less profoundly a « passer-by ». In this respect too, this book comes at the right time to, if one dares to use the expression... renew a certain chain of time.
Voir en ligne : Pour commander en ligne
[1] (1)Au bord du gouffre, de Claude Mazauric (Arcane 17, 2016). Voir l’Humanité du 11 avril 2016. (1) « Histoire et engagement avec Claude Mazauric », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, avril-juin 2008.