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« Les députés peuvent permettre d’écrire l’histoire de la Première République »
mercredi 9 novembre 2022
Les Archives parlementaires sont le cœur de la démocratie représentative telle qu’elle s’est construite entre 1789 et 1795, et la façon dont elle a évolué sous le Directoire. C’est la somme d’un travail colossal qui réunit les procès-verbaux des Assemblées des députés de la nation, avec le croisement de 17 journaux d’époque, pour reconstituer les débats des représentants, ainsi que les discours imprimés, prononcés par les députés lors de l’exposition des rapports faits en comité pour préparer le vote des décrets.
« Les députés peuvent permettre d’écrire l’histoire de la Première République »
Que représentent les Archives parlementaires et pourquoi leur parution est-elle, à chaque volume, un événement ?
En 1937, Georges Lefebvre créa l’Institut d’histoire de la Révolution française (IHRF). Durant la période du Front populaire, conscient de la menace fasciste qui monte, sa riposte sera la construction du volet scientifique de la préparation du 150e anniversaire de 1789. Le professeur en Sorbonne était fortement soutenu par Jean Zay, qui sera lâchement assassiné par la milice en 1944. Dès l’origine de l’IHRF, Georges Lefebvre voulut relancer la publication des Archives parlementaires, commencée en 1856, soutenue fortement au début du XXe siècle par Jean Jaurès, prenant l’initiative de publier également les cahiers des États généraux et les documents d’histoire sociale et économique de la période révolutionnaire. Il fallut convaincre le CNRS, autre création du Front populaire, de participer à cette aventure, après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui paraît le volume 103, qui retrace la période du 13 au 27 frimaire an III. Du 3 au 17 décembre 1794.
Que raconte ce volume 103 ?
C’est un moment clé de la réaction thermidorienne. Les attaques contre les Jacobins et les Montagnards, qui défendent un programme de dirigisme économique et d’émancipation sociale, sont incessantes. Le groupe des dantonistes, allié aux hommes de l’extrême centre en train de se former, par l’exclusion du peuple de la politique, organise le retour des députés girondins proscrits. Surtout, le grand procès de l’an II et de la volonté de fonder une République démocratique se poursuit. Mais c’est aussi, on l’a oublié, le moment où les députés votent les subsides essentiels pour la fondation du Muséum d’histoire naturelle, comme chef-d’œuvre républicain, encore très actif, legs oublié mais bien vivant de la Convention.
Mais, comment se fait-il que, dans ce travail, nous n’en soyons encore qu’en 1794 ?
Les Archives parlementaires sont le cœur de la démocratie représentative telle qu’elle s’est construite entre 1789 et 1795, et la façon dont elle a évolué sous le Directoire. C’est la somme d’un travail colossal qui réunit les procès-verbaux des Assemblées des députés de la nation, avec le croisement de 17 journaux d’époque, pour reconstituer les débats des représentants, ainsi que les discours imprimés, prononcés par les députés lors de l’exposition des rapports faits en comité pour préparer le vote des décrets. C’est un travail de fourmi, essentiel pour connaître l’histoire de la Première République. Et c’est là qu’est le problème : nous n’avons même pas fini la Convention alors que les historiens du monde entier se demandent ce que fait l’État français avec son histoire ? Toujours moins de moyens, toujours plus de menaces sur l’Institut font qu’à ce rythme nous arriverons dans deux cent cinquante ans au 18 Brumaire ! Un authentique gâchis scientifique et intellectuel…
Comment faire pour améliorer cette situation ?
Il faut que les institutions concernées se concertent et créent des postes de travail qui ne vont pas ruiner les finances publiques, loin de là. L’université de Paris-I, qui a dans ses murs l’IHRF, désormais regroupé au sein de l’Institut d’histoire moderne et contemporaine, le CNRS, le ministère de l’Enseignement supérieur, mais surtout l’Assemblée nationale doivent se responsabiliser. Le député Pierre Dharréville, avec qui nous travaillons, connaît bien le dossier. Il a contacté d’autres députés et a la volonté d’aboutir. Son sérieux est un espoir pour les historiens. Si les députés le veulent, ils peuvent enfin permettre d’écrire l’histoire de la Première République et que l’on en finisse pour léguer les Archives parlementaires, tel un monument d’histoire républicaine et démocratique, aux générations futures. Les historiens sont prêts. Que les institutions de la République se mobilisent, et ça ira !