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La presse de la Révolution : un apprentissage de la politique.
jeudi 29 décembre 2022
La presse de la Révolution : un apprentissage de la politique.
Au cours des années révolutionnaires, se forge une France nouvelle. La vie politique devient plus largement active et une partie des Français, grâce à la liberté quasi-totale de réunion et d’expression, se passionne pour le profond bouleversement des institutions.
En effet, les clubs se sont multipliés, mais aussi les sociétés populaires et enfin la presse se développe considérablement dès l’année 1789.
Après la parole, l’écrit connaît un formidable accroissement tant à Paris qu’en province. « Rien qu’en 1789 il se créé 140 journaux à Paris. Il y a alors 200 journaux dans la capitale, le double l’année suivant, avant un reflux dû à l’interdiction de la presse royaliste en 1792, des journaux girondins en 1793 [1] ».
La presse se modifie et se politise au rythme des événements. Elle joue durant la Révolution un rôle fondamental dans les développements politiques du temps.
« Il n’y a pas de petits villages en France où l’on ne reçoive quelques-uns de nos papiers publics, et que l’on ne se réunisse pour en faire des lectures. Qui pourrait ravir la liberté à un peuple chez qui la presse est devenue libre [2] ? ».
Lorsque nous consultons aux archives départementales les registres des sociétés populaires des années 1790-1794, l’ouverture des séances de celles-ci se fait par la lecture de la presse soit locale ou venant de Paris (souvent les Sociétés sont abonnées à un journal parisien (voir les sociétés populaires du Cantal, de l’Aveyron ou des Gers que je connais personnellement).
Quelques chiffres : plus de 200 journaux en 1789, plus de 400 en 1790, 300 en 1793, 130 en 1794. « Cette dernière évaluation à la baisse rend aussi compte, paradoxalement, de l’importance de la presse dans la vie politique. Si les journaux royalistes sont proscrits en 1792 et que la presse girondine est interdite en 1793, c’est que les autorités craignent justement leur pouvoir et leur influence. De même, si sous le Directoire, on constate une remontée significative du nombre de journaux, en particulier entre l’an III et l’an IV, le nouveau pouvoir en place réactivera la censure… [3] » et Napoléon liquidera totalement la liberté de la presse en 1810.
Si les journaux se multiplient, ces feuilles de petit format en général, souvent constituées d’un seul article, paraissent deux ou trois fois par semaine ; certaines donnent un compte-rendu de la séance de l’Assemblée. Le tirage reste faible souvent inférieur à 10 000 exemplaires. Le « Patriote Français » de Brissot, « les Révolutions de France et de Brabant » de Desmoulins, « L’Ami du Peuple » de Marat, « Le Père Duchêne » d’Hébert sont les plus lus des journaux révolutionnaires.
La capitale, mais pas uniquement, voir certaines villes et gros bourgs de province sont le théâtre d’une vie politique intense favorisée par la liberté de la presse et la multiplication des clubs politiques comme le club des jacobins.
Le grand principe sur lequel repose désormais la vie politique est celui de la souveraineté nationale : c’est la Nation qui dirige et non plus le Roi. Le sujet français est devenu citoyen français.
Au même titre que le processus électoral et que les sociétés politiques, la presse, dans sa diversité politique, a favorisé l’affirmation d’une citoyenneté certes, encore incomplète, mais qui demeure le moteur de la démocratie en action.
Le journal est donc plus qu’un organe d’information. Il est un des éléments qui forme et influence l’opinion public aux débats politiques. Il participe à l’apprentissage politique du plus grand nombre. Organe de la vie publique, il est également l’organe de la liberté d’expression.
« Pour le meilleur et pour le pire, la presse et la politique de la période révolutionnaire ne font qu’un. L’affirmation de Pierre Rétat selon laquelle « la naissance du journal (révolutionnaire) coïncide avec celle d’une ère nouvelle s’applique à la décennie révolutionnaire tout entière ». ils ont montré la puissance de la parole imprimée. « Grace aux journaux, le lectorat des Lumières devient une Nation de Citoyens politiquement actifs [4] ». Malgré leur courte durée, ces journaux ont globalement montré la puissance de la parole imprimée. Depuis, le droit à la parole, le droit à l’écriture reste une des base même de notre liberté à tous.
Pour conclure je donne la parole à Robespierre [5] concernant la liberté de la presse :
« Après la faculté de penser, celle de communiquer ses pensées à ses semblables est l’attribut le plus frappant qui distingue l’homme de la brute… Le lien, l’âme, l’instrument de la société, le moyen unique de la perfectionner, d’atteindre le degré de puissance, de lumières et de bonheur dont il est susceptible… La liberté de la presse ne peut-être distinguée de la liberté de parole ; l’une est sacrée comme la nature ; elle est nécessaire comme la société même… La liberté de la presse est le plus redoutable fléau du despotisme… Le despotisme est contraint de reculer ou de venir se briser contre la force invisible de l’opinion publique et de la volonté générale. Le droit de communiquer ses pensées par la parole, par l’écriture ou par l’impression, ne peut-être gêné ni limité en aucune manière… La liberté de la presse doit-être entière et indéfinie, ou elle n’existe pas… ».
- Détail de l’exposition de l’Association C.Desmoulins (2)
[1] Jacques-Olivier Boudon, Citoyenneté, République et Démocratie en France 1789-1889, édition Armand Colin, Paris, 2014.
[2] Michel Biard, Pascal Dupuy, La révolution française : Dynamiques, influences, débats 1787-1804, édition Armand Colin, Paris, 2004. Citation extraite de l’ouvrage p. 139.
[3] Idem.
[4] Jeremy Popkin, La Presse de la Révolution : journaux et journalistes (1789-1799), édition Odile Jacob, Paris, 2011.
[5] D’après Les grands orateurs républicains, tome V, Robespierre, édition Hemera.