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Robespierre en carrosse de Paris à Arras

Un article de Christian Lescureux

jeudi 26 septembre 2024

Robespierre en carrosse de Paris à Arras

On est fin août 1781 ; Maximilien Robespierre, diplôme d’avocat en poche, hésite à faire carrière à Paris, où son jeune frère poursuit ses études. Finalement il décide de quitter la capitale et de rejoindre à Arras où il suppose pouvoir compter sur quelques solides appuis.
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Son bagage fait, il se rend au Bureau des Voitures publiques, fixé au Grand Cerf, rue Saint-Denis. Il a appris qu’un carrosse part tous les mardis et qu’il va jusqu’à Saint-Omer en passant par Arras. Bien que pressé de rentrer, notre jeune avocat est trop désargenté pour choisir la chaise poste, bien plus coûteuse, mais qui l’aurait ramené en Artois en moins d’une journée et demie.

Le prix de la place en carrosse est de 21 livres par personne. 21 livres c’est à peu près ce que gagne un simple ouvrier en un mois. Voyager coûte cher car il faut ajouter à cette somme les dépenses aux différents relais. Il faut payer en plus 3 sous par livre de bagage.

Le départ est fixé à cinq heures du matin. Une heure plus tard le carrosse est à La Villette et à sept heures au Bourget. Il a parcouru quatre lieues (soit un peu de plus de seize km) et c’est le premier relais. Il faut remplacer les chevaux et repartir. Prochain relais, quatre lieues plus loin, à Louvres-en-Parisis, pour renouveler les montures et dîner : il est dix heures et demie. On repart deux heures plus tard. Les relais suivants se font à la Chapelle en Serval, puis à Pont-Sainte Maxence, où l’on s’arrête à dix-huit heures trente et pour la nuit.

En carrosse on ne voyage pas dans l’obscurité. On a parcouru ce premier jour quatorze lieues un quart.

Chaque relais est aussi une hôtellerie. Le repas pris, des chambres attendent les voyageurs qui se répartissent les lits souvent disposés dans une même chambre

Le lendemain, mercredi, on repart à cinq heures pour arriver à Roye à dix-huit heures, après avoir dîné à Gournay. On a relayé en tout quatre fois et parcouru dix-neuf lieues un quart. La route du nord est réputée fatigante

et, sur bien des endroits, le « pavé du roi » est en mauvais état.

Le vendredi Robespierre arrive enfin à Arras : il est dix heures du matin. Le voyage a duré trois jours et demi ; on a changé quinze fois de chevaux et avalé quarante quatre lieues et demie (soit un peu plus de 185 km). Le tracé de la route d’Arras à Paris est alors fort semblable à celui qu’on emprunta le plus souvent avant la création de l’autoroute Al.

L’almanach d’Artois de cette époque nous apprend qu’au départ d’Arras pour Paris le carrosse partait les mardis et vendredis à six heures du matin . Il y avait aussi un carrosse pour Saint-Omer, passant par Béthune et Aire à six livres la place, une voiture pour Saint-Pol à trente sous la place, un chariot pour Cambrai les lundis et jeudis à deux livres dix sols...

Le député Robespierre ne reprendra la route pour Paris et Versailles qu’en avril 1789, et ne reviendra qu’une seule fois à Arras (et Béthune et Lille) : en octobre 1791.

Comme la plupart de ses contemporains il aura peu voyagé. Dans son ouvrage « Quand Robespierre et Danton inventaient la France » l’académicien André Stil fait remarquer que : « Bien qu ’il ait gouverné la France, Robespierre n’a jamais vu la mer  »... et pas plus de sommets que ceux des collines d’Artois.

Comment imaginer aujourd’hui un chef d’état qui n’ait pas sillonné la planète ?

Christian Lescureux