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Les FTP MOI, héritiers de la Révolution française.

Un article de Pierre Outteryck

dimanche 18 février 2024

Les FTP MOI, héritiers de la Révolution française.

La Révolution française demeure une période clef de l’histoire de France, de l’Europe et du monde. Entre temps, outre la monarchie et l’Église, deux fractions, toutes deux se disant républicaines, s’opposèrent… L’une défendait les intérêts de la bourgeoise commerçante, entrepreneuriale : les Girondins en demeurent l’archétype.

L’autre mettait en avant la satisfaction de revendications populaire et démocratiques, celles des citoyens dits passifs au seul fait qu’ils n’étaient pas riches. Cette seconde fraction a été, certes avec des différences, représentée par Robespierre, Saint-Just et les Montagnards, puis quelques années après par Babeuf et les babouvistes.

Cet héritage démocratique de la Grande Révolution va imbiber les courants démocratiques, socialistes et communistes dits utopiques du XIXe siècle. Jaurès fut l’historien de la Révolution. Réfugié en France, Lénine, ayant observé de près son déroulement, sût en tirer des leçons utiles en 1917 et au-delà.

Le Parti Communiste Français, issu d’une rupture avec la sociale démocratie (SFIO), est aussi héritier de la Grande Révolution, tout comme le fut la Commune de Paris. Avant 1914, rares étaient les socialistes qui s’étaient intéressés à l’immigration et aux peuples colonisées. Dès sa naissance, le PC rompit avec cet impensé. Il se mobilisa contre la guerre du Rif (1924-1925), et les bombardements de l’armée française sur les paysans du Tonkin (1931). Il chercha à organiser la main d’œuvre étrangère (MOE), nombreuse en France, en créant des groupes de langue : italien, arménien, polonais, serbo-croate, arabe, Yiddish… (Beaucoup d’émigrés étaient juifs et leur seule langue était le Yiddish). Refusant l’assimilation, le PC luttait pour intégrer cette main d’œuvre aux combats des travailleurs français. Ces groupes de langue lui permettaient de mobiliser, tout en les respectant, ces travailleurs qui ne parlaient pas le français.

En 1939, ces groupes s’appelleront « la MOI [1] ». De 1936 à 1939, la défense de la République et donc celle de la Révolution française, fut mise en avant par les communistes. Elle érigea les formations, les luttes engagées, s’opposant frontalement à l’hitlérisme et au fascisme. Dès 1940, des communistes venus d’Italie, de Pologne, d’Europe Centrale s’organisèrent en liaison avec le PC clandestin pour mener la lutte contre l’occupant et le gouvernement collaborateur de Vichy. Ils furent présents dès 40-41 dans le Nord de la France lors de la grande grève revendicative et patriotique des mineurs : certains groupes rassemblaient des immigrés venus de plusieurs pays, d’autres – souvent des Polonais – s’organisaient séparément.

Missak Manouchian fut l’organisateur de la « MOI » à Paris. En 1943, son groupe, connu sous le nom d’Affiche rouge, joua un rôle très important dans la capitale. Les forces de la Résistance avaient y subi une répression terrible, en 42-43. Il fallait relever le défi face à l’occupant. Le Service du Travail Obligatoire ayant été promulgué par Vichy, exécuté le chef du STO à Paris était donné une gifle magistrale aux nazis.

Ce groupe était pluri-ethnique. Tous avaient quitté leur pays pour venir en France. Maintenant, tous avaient choisi de prendre les armes pour défendre leur pays d’adoption et les conquêtes de la Révolution française, l’universalisme, la liberté, l’égalité, la fraternité en chassant l’occupant et le régime de collaboration.

Beaucoup de ces groupes prirent des noms évoquant la Grande Révolution de 1789 : Valmy, la Marseillaise, Marat, Robespierre,Carmagnole-Liberté, Kléber

Pierre Outteryck, agrégé d’Histoire
Membre du CA de l’ARBR

Notes :

Hugues Nancy, documentariste du documentaire : « Manouchian et ceux de l’Affiche Rouge »

Ce qui m’a frappé, c’est la prépondérance de la Révolution française dans leur imaginaire. On a retrouvé un album de photos prises par les prisonniers du camp de rétention de Gurs, dans les Pyrénées-Atlantiques, à la frontière espagnole : en 1939, les anciens brigadistes fêtaient les 150 ans de la Révolution. Ils sont tous étrangers et pourtant ! Cette idée de la France comme pays de la Révolution, c’est un élément crucial.

Serge Wolikow, historien

( à propos de Manoukian ) Son combat, au sein de la MOI puis des FTP, s’est nourri de sa rencontre avec le mouvement ouvrier français, de ses idéaux démocratiques et internationalistes, mais aussi de la culture française en écho à la défense et la survie de son identité arménienne.


[1Main-d’œuvre immigrée (MOI) : organisation syndicale créée par le Parti communiste français dans les années 1920 regroupant des travailleurs immigrés en France (Polonais, Italiens, Juifs, etc.), répartis au sein de la MOI en ’ groupes de langues ’, dotés d’un journal spécifique. Dénommée initialement ’ Main-d’œuvre étrangère ’ (MOE), cette organisation prend le nom de MOI en 1932. En 1942 la MOI rejoint les FTPF (voir définition).(fondation de la Résistance)