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Que s’est-il passé le Premier Prairial an III ? (20 mai 1795)

une insurection populaire

dimanche 10 juillet 2022

« Le peuple arrête ce qui suit :
Article 1er. Aujourd’hui, sans plus tarder, les citoyens et les citoyennes de Paris se porteront en masse à la Convention nationale pour lui demander :
1° Du pain ;
2° L’abolition du gouvernement révolutionnaire dont chaque faction abusa tour à tour pour ruiner, pour affamer et pour asservir le peuple ;

Le Premier Prairial an III Le décret insurrectionnel populaire

( 20 mai 1795).

Dès cinq heures du matin, le 1er prairial an III, (20 mai 1795), les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau étaient sur pied et en armes. Dans la nuit, on avait affiché sur les murs une proclamation, en tête de laquelle on lisait :

Insurrection du peuple pour obtenir du pain et reconquérir ses droits.

Suivait le texte du décret insurrectionnel :

« Le peuple arrête ce qui suit :

Article 1er. Aujourd’hui, sans plus tarder, les citoyens et les citoyennes de Paris se porteront en masse à la Convention nationale pour lui demander :
1° Du pain ;
2° L’abolition du gouvernement révolutionnaire dont chaque faction abusa tour à tour pour ruiner, pour affamer et pour asservir le peuple ;
3° Pour demander à la Convention nationale la proclamation et l’établissement, sur-le-champ, de la Constitution démocratique de 1793 ;
4° La destitution du gouvernement actuel, son remplacement instantané par d’autres membres pris dans le sein de la Convention nationale, et l’arrestation de chacun des membres qui composent les comités actuels de gouvernement, comme coupables du crime de lèsent nation et de tyrannie envers le peuple ;
5° La mise en liberté, à l’instant, des citoyens détenus pour avoir demandé du pain, et émis leur opinion avec franchise ;
6° La convocation des assemblées primaires aux 25 prairials prochains, pour le renouvellement de toutes les autorités qui, jusqu’à cette époque, seront tenues de se comporter et d’agir constitutionnellement.
Les personnes et les propriétés sont mises sous la sauvegarde du peuple…

Le mot de ralliement du peuple est : « Du pain et la Constitution démocratique de 1793. »

À onze heures du matin, la Convention ouvrit sa séance. Ysabeau donna lecture de la proclamation du peuple. Les tribunes étaient remplies d’une foule hostile à la majorité de l’Assemblée.

Un député s’écrie : « La Convention saura mourir à son poste ! » Et Clauzel, un autre député de la droite dit : « Ceux qui nous remplacerons, en marchant sur nos cadavres ne marcheront pas avec plus de zèle au salut du peuple. Citoyen, songez-y bien, les chefs du mouvement seront punis, et le soleil ne se couchera pas sur leurs forfaits… »

Ce qui frappe dans les mouvements du printemps 1795 et en particulier dans l’insurrection du 1er prairial, c’est la conscience, qu’il s’agissait de la victoire ou de la défaite soit des possédants soit des non possédants.
Le thermidorien Thibaudeau nomme trois catégories de gens qui vinrent à la rescousse de la Convention, le 1er prairial : « Les républicains honnêtes, par amour de la liberté ; les gens qui avaient quelque chose à perdre, par crainte du pillage, les royalistes mêmes pour sauver leurs têtes [1]… »

Le conventionnel Rovère affirme que jamais la Convention n’avait couru de si grands dangers que pendant les journées de prairial. Elle doit son salut aux « bons citoyens choisis un à un dans chaque section » et appelés à sa défense. Si l’on s’était contenté de lever les sections en masse, tout était perdu car « les scélérats dominaient partout et les honnêtes gens rougissaient de se mêler avec eux ». On avait alerté que les « bons citoyens qui avaient quelque chose à défendre [2].
Dans une lettre de David à Merlin, il est également évoqué ce rassemblement par convocation personnelle de « l’élite des citoyens ».
Pour David « , l’élite des citoyens » constituait la force principale, et les troupes de ligne ne faisaient que les accompagner [3].

Sitôt après la victoire, le désarmement du peuple ainsi que les arrestations, sur les rapports de la police et les dénonciations des particuliers, reprirent avec une énergie décuplée.

À la différence du 14 juillet 1789, des 5 et 6 octobre 1789, du 10 août 1792, des 31 mai et 2 juin 1793, les « petits » des faubourgs n’avait aucun allié ou fort peu dans la bourgeoisie. En germinal et en prairial, la contestation était dirigée contre les accapareurs, les spéculateurs, les « riches » et contre la Convention thermidorienne.
Seuls les restes de la Montagne soutiennent les revendications des faubourgs. Cependant, faute de chefs et d’un nombre suffisant de députés appuyant les revendications des « petits », l’affrontement tourna à l’avantage des thermidoriens. Ceux-ci en profitèrent pour éliminer les restes de la Montagne et désarmer les faubourgs.

Après le 4 prairial, les faubourgs sont réduits à l’impuissance pour plusieurs années.
Le désarmement des « petits » est un fait historique tout à fait remarquable puisqu’il réduit à l’impuissance les plus humbles. Plus que jamais, les deux camps avaient compris et interprété les événements comme une lutte sans merci entre des non-possédants contre des possédants.

Le décret du 1er prairial montre la volonté des plus humbles à changer leurs conditions de vie et plus globalement il reflète l’espoir d’un monde plus égalitaire et libre. La contre-révolution anéantie se rêve pour de longues années.

Vandeplas Bernard, docteur en Histoire Contemporaine.

[1Thibaudeau, « Mémoires sur la Convention », Paris, 2 volumes, XIXe siècle.

[2Correspondance intime du conventionnel Rovère avec Goupilleau de Montaigu en mission dans le midi après la Terreur, 1908, Nîmes.

[3Bibliothèque nationale.