menu

Accueil > Comprendre la Révolution > La chronologie des évènements > Quand Robespierre sauva 73 députés conventionnels de l’échafaud.

Quand Robespierre sauva 73 députés conventionnels de l’échafaud.

samedi 8 mai 2021

« Qu’aucun des membres présents ne puisse sortir de la salle. Que les portes soient fermées. » (Amar)

QUAND ROBESPIERRE SAUVA 73 DÉPUTÉS CONVENTIONNELS DE L’ÉCHAFAUD..

« Qu’aucun des membres présents ne puisse sortir de la salle. » « Que les portes soient fermées. » (Amar)

Ce 3 octobre 1793, on solde les journées des 31 mai et 2 juin 1793, celles de l’arrestation des Girondins. C’est Amar qui est chargé au nom du Comité de Sûreté générale de présenter l’« acte d’accusation contre plusieurs membres de la Convention nationale », 44 députés de la droite girondine dont Brissot, Vergiaud, Gensonné, Carra, Condorcet, Lasource. D’autres députés modérés, signataires des protestations des 6 et 19 juin contre l’arrestation des Girondins, les « 73 » sont décrétés d’arrestation. Présents à l’Assemblée ce 3 octobre, ils tombent, dira Michelet, dans un guet-apens « Pris comme au filet. […] Les voilà, parqués à la barre, pauvre troupeau marqué pour la mort. » Les portes sont fermées, les voilà pris au piège.

Robespierre, Séance à la convention

Durant cet automne de l’an II, la situation de la République française apparaît dramatique. Elle se résume par cette exaspération d’Albitte : « Les patriotes immolés à Marseille, la trahison de Toulon, le sang qui coule à Lyon, la dévastation de la Vendée, accusent les conspirateurs. » Pour les Montagnards les plus prononcés, les traîtres brissotins coupables d’avoir déclencher le fédéralisme doivent être traduits au Tribunal révolutionnaire et payer leurs crimes. L’heure est aux règlements de comptes. On décrète l’arrestation des girondins Ducos et Boyer-Fonfrède.

La liste s’allonge. Maribon-Montaut y ajoute Isnard. Albitte dénonce Aubry « Un traître, a signé la protestation. » Levasseur et Bentabole obtiennent le décret d’accusation contre Vigée. Duroy fait ajouter Richou « qui a toujours siégé du côté droit. » Billaud-Varenne fait renvoyer au Tribunal Révolutionnaire l’ex-Duc d’Orléans, Philippe Égalité et déclare : « Le temps est venu où tous les conspirateurs doivent être connus et frappés. »

C’est l’escalade. Sur proposition de Thuriot, les accusés appelés sortiront à mesure par la barre. Osselin réclame « Le décret d’accusation contre tous. Ceux-là sont à mes yeux des contre-révolutionnaires, qui ont signé des protestations, lorsque toute la République était en feu. » Les 73 pétitionnaires sont directement menacés de renvoi au Tribunal Révolutionnaire comme contre-révolutionnaires. Amar s’apprête à lire les preuves de leur complicité dans un vaste plan de conspiration concerté par Barbaroux. Leur vie est en jeu.

« La Convention nationale ne doit pas chercher à multiplier les coupables. » (Robespierre)

Maximilien Robespierre

Robespierre va les sauver. Il s’oppose à la lecture d’Amar ainsi qu’à l’appel nominal qui était demandé. Il se concentre uniquement sur les chefs girondins : « Je dis que la dignité de la Convention lui commande de ne s’occuper que des chefs. » Il prend la défense des 73, habilement et les arrache du Tribunal Révolutionnaire. « Je dis que parmi les hommes mis en état d’arrestation, il s’en trouve beaucoup de bonne foi, mais qui ont été égarés par la faction. » « Il y a des hommes qui ont été trompés, induits en erreur. » « Je dis que parmi les nombreux signataires de la protestation, il s’en trouve plusieurs, et j’en connais, dont les signatures ont été surprises. » Il faut toute la persuasion de Robespierre pour convaincre la Convention de laisser « les choses dans l’état où elles sont. » Les 73 sont sauvés. Ils resteront arrêtés et surveillés dans des maisons d’arrêt, les scellés apposés sur leurs papiers selon les exigences des montagnards Maribon-Montaut et Osselin. Ils sont emprisonnés mais sauvés de la guillotine. Michelet écrira : « Ils se voyaient dès lors suspendus à un fil:l’humanité de Robespierre ! » Robespierre fit preuve, contre la meute qui se déchainait, de modération et de clémence. Il sauva ces députés modérés du côté droit, qui pourtant n’hésitèrent pas, après Thermidor, lors de leur retour à l’Assemblée, à le calomnier avec ingratitude.

Pour l’heure, ils durent sortir dans la salle des pétitionnaires et affirmèrent qu’ils n’ont jamais conspiré contre la Patrie. On ne les écouta pas et on passa à l’ordre du jour.

Billaud-Varenne clôtura cette incroyable séance parlementaire : « La Convention nationale vient de donner un grand exemple de sévérité aux traîtres qui méditent la ruine de leur pays. » Et Billaud de cibler la plus grande conspiratrice : « Une femme, la honte de l’humanité et de son sexe, la veuve Capet, doit enfin expier tous ses forfaits sur l’échafaud. Je demande que le tribunal révolutionnaire prononce cette semaine sur son sort. »

Les jours de Marie-Antoinette étaient comptés. Il n’est pas étonnant que cette intervention décisive de Robespierre qui sauva 73 vies humaines, seul contre tous, députés montagnards et tribunes, fut enfouie dans le silence ensuite, car évidemment elle contredisait totalement la « légende noire » que les Thermidoriens écrivaient, les 73 compris.

Bruno DECRIEM,
Vice-président de l’ARBR
(février 2021).

Note de l’auteur :

Cet épisode du 3 octobre 1793 est très important et souvent « gêne » les historiens et autres écrivains antirobespierristes !
ils ont du mal à en parler car évidemment ça ne colle pas du tout au « Robespierre-sanguinaire ». Ils ont inventé ( dans le sillage de Michelet) un Robespierre calculateur qui comptait se servir d’eux contre ses adversaires montagnards ! Quant aux Thermidoriens, ils n’en parlent pas !!!
Robespierre sera bien mal remercié de cette intervention, car après la lâcheté de ces individus de droite ( lettres obséquieuses au fond de leur prison adressées à Robespierre), viendra leur réintégration thermidorienne où ils seront évidemment odieux envers Robespierre, l’an II et la Montagne !
Je trouve qu’il est temps de mettre en lumière cette intervention décisive de Robespierre, qui PROUVE sa modération dans cette période de l’an II !

Source principale :

Archives Parlementaires, Tome LXXV-75, du 23 septembre 1793 au 3 octobre 1793, 1909, 777 P. p. 520-777.