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La voix des clubs populaires à la Convention : la pétition de Jacques Roux.

lundi 8 juin 2015

La voix des clubs populaires à la Convention :

la pétition de Jacques Roux.

Le 24 juin 1793 la Constitution de 1793 (ou de l’An un) est adoptée par la Convention qui décide de la soumettre à la ratification populaire.
Cette Constitution montre que la Montagne ne veut ni l’anarchie ni la dictature, est brève et simple. Elle établit un primat écrasant du législatif sur l’exécutif et elle rétablit administrativement l’importance des grandes villes par rapport aux campagnes.

Le Moniteur universel : Le 25 juin 1793

Le 25 au soir, une députation de la section des Gravilliers, réunie à des citoyens de celle de Bonne Nouvelle et à des membres du club des Cordeliers, fut admise à la Convention [1].
 Son chef, Jacques Roux, prit la parole pour exposer ses revendications. Il exprime le programme économique, social et politique des Enragés, avec de vives critiques contre la Constitution et contre la Montagne.

 Jacques Roux, orateur de la députation :
« Mandataires du peuple, depuis longtemps vous promettez de faire cesser les calamités du peuple ; mais qu’avez-vous fait pour cela ? (violents murmures).
Vous venez de rédiger une constitution que vous allez soumettre à la sanction du peuple. Y avez-vous proscrit l’agiotage ? Non.
Y avez-vous prononcé une peine contre les accapareurs et les monopoleurs, Non.
Eh bien, nous vous déclarons que vous n’avez pas tout fait. Vous qui habitez la Montagne, dignes Sans-Culottes, resterez-vous toujours immobiles sur le sommet de ce rocher immortel ? Prenez-y garde, les amis de l’égalité ne seront pas dupes des charlatans qui veulent les assiéger par la famine, de ces vils accapareurs dont les magasins sont des repaires de filoux. Mais, dit-on, qui sait comment les choses tourneront ? (Murmures)
C’est ainsi que, par la crainte de la contre-révolution, on cherche à faire hausser le prix des denrées : mais ne sait-on pas que le peuple veut la liberté ou la mort ?
Quel est le but de ces agioteurs qui s’emparent des manufactures, du commerce, des productions de la terre, sinon de porter le peuple au désespoir, pour l’obliger de se jeter dans les bras du despotisme ?
Jusqu’à quand souffrirez-vous que ces riches égoïstes boivent encore dans des coupes dorées le sang le plus pur du peuple ?
Il ne faut pas craindre d’encourir la haine des riches, c’est-à-dire des méchants ; il faut tout sacrifier au bonheur du peuple.
Vous avez à craindre qu’on ne vous accuse d’avoir discrédité le papier-monnaie, et d’avoir ainsi préparé la banqueroute
. (On murmure dans toutes les parties de la salle).
Sans doute, il est des maux inséparables des grandes révolutions, et notre intention est de faire tous les sacrifices nécessaires au maintien de la liberté ; mais le peuple se ressouvient qu’il a été déjà trahi deux fois par deux législatures.
Il est temps que les Sans-Culottes qui ont brisé le sceptre des tyrans terrassent toute espèce de tyrannie…

Députés de la Montagne, fondez les bases de la prospérité de la République, ne terminez pas votre carrière avec ignominie. (De nouveaux murmures éclatent avec plus de force). »

Un citoyen de la députation :
« je déclare que ce n’est pas là la pétition à laquelle la Section des Gravilliers a donné son adhésion. »

On demande que l’orateur soit mis en état d’arrestation.

Plusieurs membres :
« Non, non, il faut l’entendre. »

L’orateur continue :
« Les Sans-Culottes, opprimés des départements, vont arriver ; nous leur montrerons ces piques qui ont renversé la Bastille, ces piques qui ont dissipé la faction des hommes d’État, ces piques qui ont détruit la putréfaction de la Commission des douze : alors nous les accompagnerons dans le sanctuaire des lois, et nous leur montrerons le côté qui voulut sauver le tyran, et celui qui prononça sa mort [2]. »

Finalement, après un violent débat où prirent part Thuriot, Robespierre, Billaud-Varennes et Legendre, Jacques Roux fut expulsé de la Convention.

La Convention hue Jacques Roux, mais le soir, la section des Gravilliers se solidarise avec lui.

Bernard Vandeplas, Docteur en Histoire contemporaine

[1Albert Mattiez, parle de « Manifeste des enragés ».

[2Le Moniteur universel, n°179, p. 772.