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« Vaincre ou mourir » ...d’ennui au Puy du Fou

dimanche 29 janvier 2023

La droite conservatrice et contre-révolutionnaire s’active. Sorti du Puy, « Vivre ou mourir » la récente production du clan De Villiers, vaudrait-elle que l’on s’y attarde sur notre site , tant la critique des médias sérieux rejoint notre point de vue : À fuir au galop ! Au risque de mourir d’ennui !

Nous n’aurions pas consacré trois lignes à ce navet. Mais …

« Vaincre ou mourir » ...d’ennui au Puy du Fou :

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Il nous semblait que nous avions déjà bien rendu compte des travaux et de l’historiographie récente notamment le travail de Jean-Clément Martin et des autres chercheurs universitaires pour que nous n’ayons pas à revenir sur l’épiphénomène commercial du Puy du Fou et ses mensonges historiques qui font les beaux jours financiers du clan De Villiers.

Nous avions souri de voir le Président de la République cautionner de sa présence notre Disney ultra-droitier de la Vendée (85) et témoigner son amitié au chef de famille.

Mais cette ultra-droite, catholique conservatrice, peaufine sa communication et choisit ses cibles. Voilà que sort en ce moment sur nos écrans un film d’action faisant l’apologie chevaleresque du héros vendéen de Charrette, « le bon », résistant avec vaillance « aux méchants » barbus hirsutes des armées de la République, né de l’imagination des scénaristes du fond du Puy, auxquels s’est associé Mel Gibson, le gars musclé de l’Empire complotiste de Trump toujours prompt à pourfendre les forces du mal. Avec la holding DeVilliers on doit s’attendre à tout.

Drapeau vendéen

Et par le même temps, un ami robespierriste du département voisin nous informe que ce même clan vient de faire distribuer aux frais du département de la Vendée une bande dessinée à tous les collégiens, sans que cela n’émeuve l’Éducation Nationale semble-t-il, un brûlot anti-républicain et anti révolutionnaire du même acabit dont notre vigilant ami nous fournit un extrait et un commentaire :
« Première phrase du texte : « Ils ont brûlé la Chemairière, la Bouchelaudière, la Riblauderie, la Boisselière. Ils ont mis le feu à notre petite église des Moines du XII ième siècle. Le retable de la Charité a été la proie des flammes. Ils ont violé les femmes et fait rôtir les petits enfants dans les fours. »
Vous devinez de qui on parle, poursuit-il. Les diatribes contre la Révolution sont incluses dans une histoire locale tenant au « roman national » où les gaulois sont les ancêtres revendiqués, les vendéens devenant français grâce à Clovis, puis Charles Martel, la « merveilleuse bergère d’Arc » et Aliénor d’Aquitaine qui est « perpulchra » etc...
Mais les personnages célèbres ne sont pas seuls : une ribambelle de curés suit la trace du Saint Montfort, créant écoles, citées avec révérence, et propageant la foi !
Cet ouvrage est dessiné par François Ruiz et écrit par Yves Viollier, collaborateur de l’hebdomadaire catholique « La Vie » et écrivain. Aucun historien n’est mentionné. Les éditions religieuses « Le Signe » ont matérialisé cette œuvre donnée, en l’occurrence, aux élèves de 6e du collège (public) de Fontenay-le-Comte et appelée à être distribuée à tous.
Nul doute qu’un enfant de 11 ans (ainsi que sa famille) peut être marqué par ce genre de récit. S&F (signe-t-il comme il se doit en vrai républicain ! )"

On ne peut mieux dire alors que Pierre Serna, Directeur de l’Institut d’histoire de la Révolution Française intégré à l’institut d’histoire moderne de la Sorbonne pour éclairer nos internautes et apporter les éléments historiques et scientifiques permettant de « démonter » les mécanismes de la manipulation de nos contre- révolutionnaires.
Nous reproduisons donc ici l’article qu’il vient de publier dans le Journal l’Humanité pour mettre en garde celles et ceux qui se laisseraient tenter à regarder « cette alléchante production ».

Leur démarche est d’une rare habileté et trompeuse si l’on n’y prend garde. Elle tend d’ailleurs à envahir nombre de médias. Cela consiste principalement à :

  • détourner les éléments structurants de nos représentations et de leurs images (De Charette le héros empruntant les costumes de héros populaires.)
  • utiliser en inversant et décontextualisant le sens des concepts ou des slogans culturels (voir le titre lui-même.)
  • user abondamment du manichéisme réducteur de l’Histoire et réifier les connaissances.
  • et procéder à coup d’anachronismes douteux la récupération de valeurs progressistes à leur profit et masquant ainsi la nature profonde de leur idéologie.

Pratiques habituelles de certains médias et réseaux sociaux.

Merci donc à Pierre Serna d’en démonter les mécanismes et les tromperies historiques de fond.

La Rochejacquelin

Mais la forme ne vaut guère mieux.
N’est pas Bertrand Tavernier [1] qui veut . Lui au moins sut nous donner à voir des films historiques d’une rare qualité sans tricher avec l’Histoire. .

En résumé gardons ces formules empruntées à la critique cinématographique.

« Vivre ou mourir »,.... d’ennui surtout (France-Inter)

« Si les guerres de Vendée m’étaient contées avec des lunettes de Chouan et de gros sabots (Télérama)

Alors ami(e)s internautes, ne vous y laissez pas prendre !

A la réflexion, l’ARBR qui milite pour une véritable éducation populaire historique ne manque toujours pas de travail.

Et pour en savoir plus , consultez notre site

  • Jean Clément Martin : Penser les échecs de la Révolution française (Taillandier. 2022)
  • Jean Clément Martin : Les échos de la Terreur : Vérités et mensonges d’État (Belin 2018)
  • Michel Biard, Hervé Leuwers : Visages de la Terreur (Armand Colin 2014)
  • Peter Mac Phee : (Australie) : Robespierre, une vie révolutionnaire, (Garnier traduction 2022)
  • Etc (plus de 30 000 ouvrages ont été consacrés à la Vendée)

« Le clan Villiers nous mène en Charette » : le point de vue de Pierre Serna

CINÉMA Produit par l’équipe du Puy du Fou, « Vaincre ou mourir », œuvre spectaculaire, tente de détourner les valeurs républicaines au profit de la réhabilitation d’un chef vendéen.

Ce ne sont pas Charette et ses valeurs qui portent le personnage que l’on nous présente, mais un autre héros populaire français, adoré par les républicains de la fin du XIXe siècle : Cyrano de Bergerac. (Ch. Tamalet Tamalet Christine)

Aux manettes, le père, Philippe de Villiers, qui jeta son dévolu sur la figure rebelle de François Athanase Charette de La Contrie, chef vendéen, pour en faire son héros dans un roman paru en 2012. Il constitue la trame scénaristique du film. À la production, le fils, Nicolas de Villiers, ayant épousé la cause paternelle en réhabilitant la figure controversée et complexe du contre-révolutionnaire.

À la réalisation, l’armée des anonymes du Puy du Fou et de sa ciné-scénie impressionnante et spectaculaire, à l’origine d’un succès populaire très bien entretenu.
À la régie, l’inspiration de l’équipe issue de l’ultra-catholique et hyper-conservateur Mel Gibson ayant décidé de réécrire l’histoire du monde à sa manière, dans des parcs à thème, louant les valeurs de l’Occident chrétien et sa résistance aux forces du mal. Avec tant d’atouts, le film se laisse regarder non sans plaisir parfois. Et il faut le reconnaître, la seconde partie, celle où le général vendéen se confronte directement à Hoche et à Rouault, des chefs républicains humains et fins politiques, est bien plus nuancée que le début. À moins de tordre le cou à l’histoire, les auteurs doivent bien reconnaître la grandeur d’âme et l’intelligence des généraux bleus devant le courage indiscutable du chef blanc.
Et pourtant quelque chose cloche que les spectateurs non avertis ne pourront déceler, croyant voir le beau récit d’un homme combattant pour son roi et sa foi, là où des connaisseurs saisiront tout de suite la ruse à l’œuvre pour détourner le sens de la Révolution, voire inverser le sens tout court de l’histoire.
À commencer par le titre, un vrai hold-up intellectuel qui ne saurait fonctionner dans les colonnes du journal de Jaurès. « Vaincre ou mourir ». Vraiment ? M. de La Contrie, vous reconnaissez-vous dans cette devise qui est la marque rouge des armées républicaines ? Votre éthique et votre foi qu’on fait parler contre vous-même vous auraient interdit un tant soit peu de revendiquer cette phrase typiquement républicaine, démocratique et sociale. Pour vous c’est « la soumission au roi et la mort quand Dieu le veut qui ouvrent les portes du paradis ». Soit exactement le contraire de la devise des soldats de l’an II, pour qui il n’y a qu’une solution et qu’un seul devoir, vaincre les rois coalisés et les Vendéens soulevés contre la République ou mourir pour de bon avec la République.
Des images bien léchées qui vont tromper les spectateurs

Mais la supercherie ne s’arrête pas là, et se poursuit, insidieuse, et quasi imperceptible si l’on se laisse embarquer dans la charrette des images bien léchées. Ce ne sont pas Charette et ses valeurs qui portent le personnage que l’on nous présente, mais un autre héros populaire français, adoré par les républicains de la fin du XIXe siècle : Cyrano de Bergerac.
Le film joue en permanence sur cette confusion, Charette est un Cyrano qui s’ignore. Il n’a que les mots d’honneur et de panache à la bouche, combattant seul dans son camp, insolent comme son inspirateur, aussi courageux et sombre, batailleur et brétailleur, prononçant les bons mots au bon moment. Charette est un chef sûrement doué pour la guérilla, mais il ne saurait incarner les valeurs de la chevalerie française, tout au plus la bravoure nobiliaire, là où précisément Cyrano, bien que noble, représente la figure des idées républicaines de Rostand qui finira par écrire, en 1917, son Vol de la Marseillaise, puissante ode dédiée aux armées et aux soldats de l’an II.
Un vol d’idées républicaines pour les retourner en ritournelles pseudo-modernistes

Dans cette confusion des genres au sens littéral, le coup de bluff cinématographique éclate avec les « amazones » (sic) de Charette. Le mot apparaîtrait pour la première fois, sous la plume de critiques de la marquise de La Rochejaquelein, en 1877, lors d’un commentaire sur la réédition du texte de 1814, les Mémoires, rédigés pour porter témoignage après coup, de son action et de celle de son mari (le marquis de Lescure), mort durant la virée de Galerne (campagne de la guerre de Vendée du 10 octobre au 23 décembre 1793), avant qu’elle n’épouse le frère de l’autre chef vendéen La Rochejaquelein. Pour ces chefs, Charette est un personnage incontrôlable et individualiste, sûrement point entouré de femmes combattantes, même si elles existèrent, telle la belle Irlandaise (qui ne l’était point !).

L’anachronisme joue à plein, qui montre d’un côté une armée quasi mixte, celle des Vendéens, et une armée viriliste, celle des républicains, encore une fois inversant le sens d’une histoire bien plus complexe, où la citoyenneté politique des femmes ne fut jamais aussi forte que durant l’été 1793 avec le club des Citoyennes républicaines révolutionnaires de Paris. Il est passionnant de réaliser que la présence supposée de femmes autour de Charette a été à l’origine d’un scandale en 1884, lorsque le peintre républicain Flameng voulut justement représenter les femmes autour de Charette comme des cocottes parisiennes observant le corps des massacrés à Machecoul. Le roman pictural – la scène n’a jamais existé de cette façon et certains historiens remettent même en question la présence de Charette les jours de massacre – est exactement inversé par rapport au moment où la République triomphe à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, au moment où celle-ci est ­attaquée de toutes parts, Charette devient une figure de la défense des femmes vertueuses. À la fin, ce sont toujours les femmes demi-mondaines ou amazones qui sont utilisées comme faire-valoir ou repoussoir de Charette. Le comble du risible, et pourtant tristement réel, se produit quand Charette prononce : « Nous sommes la jeunesse du monde, et la Révolution déjà le monde ancien. » Encore une fois, la scène très bien tournée, construit un subterfuge et un vol d’idées républicaines pour les retourner en ritournelles pseudo-modernistes afin de cacher l’ultra-conservatisme du chef vendéen. Bientôt le second épisode de la saga Charette ? Et si l’ancien marin était le lointain ancêtre du Vendée Globe ? Chiche pour un Charette le retour, capitaine de vaisseau courage, combattant avec les Américains pour la liberté et ancêtre des exploits à la voile d’aujourd’hui ? Ce serait drôle de nous mener en bateau dans la légende, après nous avoir brinquebalés en charrette dans l’histoire [2] !


[1Voir : ses films « historiques » : Mlle de Montpensier, Que la fête commence, Capitaine Conan. Du contenu d’abord, et quelle qualité d’image !

[2 in journal l’Humanité du mercredi 25 janvier 2023