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Comment écrire l’histoire : la terreur … La Terreur … la « Terreur » ?

Note critique de Jean-Clément Martin

lundi 15 juin 2020

Comment écrire l’histoire : la terreur … La Terreur … la « Terreur »
Note critique
Jean-Clément Martin
Université Paris 1, IMHC-IHRF
Jean-Clément Martin

La question est plus importante qu’il n’y paraît. Elle fait écho aux interrogations actuelles sur les dénominations d’époques [1] et sur la façon dont les professionnels de l’Histoire se positionnent vis-à-vis des acteurs des temps écoulés [2]. Elle remet surtout en cause les traditions historiographiques qui ne prennent pas garde aux ruses de l’histoire.

Son acuité s’est révélée à la lecture de trois livres récents [3]. Tout part de ma surprise en voyant l’accord de facto unissant des auteurs appartenant à des courants historiographiques très éloignés les uns des autres, assurer que « la Terreur » (majuscule de rigueur) a une réalité, qu’elle s’est achevée le 9 Thermidor après une naissance inconnue et qu’elle est l’un des moteurs de l’histoire de la Révolution, et sans exagération, de l’Histoire mondiale. Les publications récemment consacrées à la même question, inscrite dans une autre perspective, ne sont qu’éventuellement mentionnées et pratiquement non discutées [4]. D’où cette note critique.

L’enjeu est de taille. Outre le rappel au respect de la discussion scientifique, le débat porte sur le cœur noir de la Révolution, cette part maudite, qui fascine et oriente tous les jugements, et qui est réputée être une énigme [5]. La compréhension de « la Terreur », citons-la ici en majuscule [6], constitue en effet un cas d’école exceptionnel, véritable point aveugle de l’histoire que nous faisons. L’objectif de ces pages est, tout au contraire, de mettre en lumière le caractère certes hors du commun de cette dénomination inventée par des acteurs, pour en expliquer la naissance et la complexité, la définir et l’insérer dans une approche proprement politique et sociale. L’originalité très particulière de ce moment délicat à nommer, au point où il conviendrait de chercher des équivalents dans d’autres lieux et dans d’autres temps, ne doit être ni minoré ni exacerbée, simplement comprise rationnellement.

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Le point d’orgue de 1989

Il n’est ni nécessaire, ni possible, de revenir, ici, sur toute l’historiographie de la Révolution [7]. Le bicentenaire de la Révolution français, en 1989, offre un point de départ permettant d’identifier trois grands récits interprétatifs. Pour une historiographie de droite, illustrée par le Dictionnaire Tulard [8], « la Terreur » est vue comme un « gouvernement de fait » du 10 août 1792 au 21 septembre 1792, de la chute de la royauté à la réunion de la Convention, puis comme un « régime d’exception », du 2 juin 1793, l’éviction des Girondins, au 9 Thermidor ; cette « Terreur politique » permet que l’ennemi soit repoussé mais cause un « génocide systématique » en Vendée.

A gauche, Claude Mazauric, dans le Dictionnaire Soboul [9], distingue la « violence populaire » de « la Terreur » dont le paroxysme est atteint entre juin et juillet 1794, après une première expérience dans l’été 1792. Elle est une « réaction défensive » qui se transforme en « volonté punitive » pour éviter les violences des sans-culottes. Le 5 septembre 1793, en mettant « la Terreur à l’ordre du jour », la Convention en fait le « mode ordinaire d’un gouvernement […] appelé […] à être révolutionnaire jusqu’à la paix ». Le 10 octobre, elle opère la « centralisation de la Terreur » à Paris, avant le paroxysme de la loi de juin 1794 dite de « Grande Terreur ». Le 9 Thermidor clôt cette phase, mais « la Terreur » se continue jusqu’en août - avant que n’apparaisse la Terreur blanche. « La Terreur » a été le produit des « circonstances » et la tentative de « recomposition égalitaire de la société » [10].

Pour Mona Ozouf et François Furet [11], la mise « de « la Terreur » à l’ordre du jour », le 5 septembre 1793, n’a été que l’institutionnalisation de pratiques et de décisions qui avaient installé de facto « la Terreur » depuis l’été 1789 [12]. Celle-ci est en définitive « une revendication » et un « trait de mentalité ». La restriction des droits est considérée comme inévitable devant les menaces, si bien que « la Terreur » a été mise « peu à peu » en place avant de devenir, le 5 septembre, un « système de gouvernement ». Mais cette montée de « la Terreur » est inversement proportionnelle aux risques véritables et n’est qu’une « réponse tardive », voire le résultat de « la dictature personnelle », de Robespierre. Dans cette lecture « Terreur » et Révolution sont indissociables, la première étant le prix à payer pour que l’autre régénère l’Homme, que ce soit en 1793 ou dans toute l’histoire mondiale moderne [13]. Cette position, inspirée notamment par Hannah Arendt avait été reprise par Claude Lefort estimant que si l’on peut utiliser le mot « terreur » pour qualifier toutes les violences possibles, en revanche « la Terreur à l’ordre du jour » crée une « nouvelle espèce politique » [14].

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La terreur maintenue

C’est dans une combinaison inédite des deux dernières perspectives que s’inscrivent M. Biard et M. Linton. Leur ouvrage s’ouvre sur un chapitre exposant brièvement la discussion sur la dénomination de « terreur ». Ils reconnaissent certes que la Convention n’a pas décrété « la mise à l’ordre du jour » de « la Terreur » mais n’y voient qu’un effet de langage qui ne mérite pas qu’on s’y arrête. Ils assurent leur besoin de s’éloigner des « querelles idéologiques » : adjectif que je ne comprends pas puisque la réflexion sur l’emploi du mot « terreur » ne minimise pas les violences recensées, pas plus qu’elle n’accable la Convention, si bien que je ne vois pas quelle idéologie serait en cause. Ils entendent mener un « vrai travail d’analyse historique » qui prennent en compte les « circonstances » et les émotions (p. 30), balayant toute autre lecture, déconsidérée sans plus d’explications. Leur but est d’établir les « origines de la Terreur » pour éviter d’imposer « rétrospectivement un sens téléologique aux événements », et de faire porter aux « révolutionnaires » la « paternité des formes de terreur étatique » du XXe siècle (p. 31-32) - ce qui était, à vrai dire, très explicitement mon objet dans Les Echos de la Terreur, dans lequel je suis les usages du mot jusqu’en 2001.

Les chapitres suivants de leur livre confirment l’abandon de cette discussion, tenue pour spécieuse et négligeable. Ils rappellent la signification du mot « terreur » au XVIIIe siècle (chapitre 2) et insistent sur le « poids des peurs et des émotions » (chapitre 3) pour montrer la banalité des terreurs, ressenties et perpétrées, accrues par « la radicalisation des affrontements et l’aggravation de la répression » (chapitre 4) ; il est donc inévitable que dans « un temps d’exception politique » (chapitre 5) des moyens « extraordinaires » soient employés. Ils en concluent que « les luttes politiques » ont été « un moteur de la « terreur » (chapitre 6) : on notera que la terreur a perdu sa majuscule [15]. Ce que confirme le chapitre 7 mettant « Paris et la « Vendée » au cœur de la « terreur ». Remarquons qu’ils ne font pas une lecture anthropologique de la violence politique, ne discutant pas les propositions de Sophie Wahnich sur le rapport aux émotions et sur la conscience historique qui serait née au moment de la Révolution [16].

Tout en étant agressive, la démonstration du livre demeure incertaine [17]. C’est le cas du bilan humain (chapitre 8) lacunaire et incompréhensible. Pourquoi parler de 240 morts à propos des massacres de septembre quand l’historiographie évoque au moins 1 100 voire 1 300 morts ? J’avais publié, dans un ouvrage dirigé par M. Biard et H. Leuwers, et sur leur demande, un bilan humain tournant autour des 500 000 morts (200 000 pour la Vendée). A mon étonnement, cette estimation n’est ni contestée ni même citée [18]. Le livre de M. Biard et M. Linton reprend la démonstration donnée par Timothy Tackett, qui en est le préfacier, dans Anatomie de la Terreur, traduction française de The Coming of the Terror in the French Revolution, livre que j’avais recensé en 2016 [19].

Ainsi, sans discussion, les auteurs s’arrêtent à une compréhension de la « terreur » fondée sur des faits hâtivement sélectionnés, recourent à des qualifications inappropriées, confondent « terreur » et violences, enfin et surtout, dénient tout intérêt aux paroles des acteurs de l’Histoire, privilégiant au contraire l’historiographie et la reprise de poncifs. Un exemple suffira. Mettant en scène des « girondins » opposés à des « robespierristes », ils négligent le fait que le premier terme ne s’est imposé vraiment qu’au XIXe siècle et, qu’en 1793, il était en concurrence avec « brissotins », et pire que le deuxième terme, « robespierriste », n’apparaît qu’en août 1794, donc après le 9 Thermidor. Le mot stigmatise un groupe imaginaire tenu pour seul responsable de « La Terreur », ce « système de la terreur », que Tallien a inventé, qu’ils ont jugé d’emblée comme de peu d’importance, simple jeu de mots [20]. Pourquoi utiliser ces désignations qui renvoient à des habitudes historiographiques déconnectées de ce qui a été vécu en 1793, qui réifient le raisonnement et figent les interprétations ?

Pour eux, la « terreur », avec cette graphie, est consubstantielle de la Révolution et si son sens n’est plus défini, elle désigne un mode d’action, des habitudes collectives et même une mentalité particulière marquée par les complots et les conspirations – étonnante conception de la Révolution. Dans cette perspective, la terreur semble n’apparaître qu’avec 1789 [21], oubliant les justices prévôtales, restaurées par la monarchie, qui appliquaient les procédures accélérées qui seront adoptées en 1793 [22]. La « terreur » est l’attribut de la Révolution, jusque dans ses excès, rouvrant les querelles historiographiques consacrées, à propos du recours à la violence et de son intensité.

Non seulement cette façon d’écrire l’histoire s’appuie sur des catégories de pensée qui ne tiennent pas compte de ce que les acteurs affirmaient en conscience, mais elle sous-entend que toute l’histoire de la Révolution est fatalement, marquée par la violence et par la terreur. L’exemple accompli de cette lecture est donné par un article dont les tous premiers mots assurent que la violence (die Gewalt) accompagne la Révolution depuis son début, avant de développer trois parties intitulées : « la terreur avant la terreur », la Terreur en 1793-1794 et « la Terreur après la Terreur » [23]. A vrai dire, on comprend mal que, dans cette perspective, les révolutionnaires et la Révolution soient coupables de quoi que ce soit, puisqu’ils ont été entraînés dans la violence dès les années 1770 !

L’apparition du mot « die Gewalt » ici mérite qu’on réfléchisse sur son emploi par un historien allemand. Die Gewalt désigne tout à la fois la violence et l’autorité mettant en tension entre ces deux dimensions que les mots français « violence » ou « terreur » ne lient pas entre eux [24]. La traduction insiste donc sur la nature ambivalente de la violence révolutionnaire [25], mais dans ce cas précis, la question est réglée : la violence prime sur la force. « La Terreur » est une catastrophe.

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La force des choses

Reprenons la question [26] en nous mettant « dans la position de celui qui ne sait pas comment les choses à venir vont se passer, ou en tout cas de celui qui n’entend pas tenir compte de ce qui va se passer pour comprendre ce qui est fait et dit à un moment donné de notre mise en récit » [27] - ou, dit autrement, en faisant de l’histoire.

En 1793, la terreur (sans guillemet, ni majuscule) est régulièrement évoquée dans les clubs et les assemblées, sans jamais devenir ni un programme d’action, ni un système de pensée. Elle est toujours connotée négativement, définie comme la pratique des despotes donc considérée comme dangereuse. La rupture se produit lorsque, le 5 septembre 1793, des sans-culottes, adoptant un mot d’ordre lancé par l’un d’eux, Royer, demandent que la Convention prenne des mesures de salut public, et évoquent « la mise de la terreur à l’ordre du jour », pour « donner l’éveil au peuple » et « le forcer à se sauver lui-même » [28].

Les députés, à la quasi-unanimité, se contentent de créer une « armée révolutionnaire » de 6 000 hommes et 1 200 canonniers (contre les 30 000 demandés), sans guillotine, ni tribunal – ce qui limite l’autonomie de cette armée placée sous le contrôle des Comités de salut public et de sûreté générale. Ils réduisent en même temps la liberté des assemblées sectionnaires et jettent en prison le meneur du courant sans-culotte le plus radical, Jacques Roux, qui va y mourir quelques mois plus tard. Ses amis dénoncent aussitôt « la terreur » exercée par la Convention et le Comité de salut public à leur encontre sans rien obtenir [29]. Car si le 5 septembre, Barère, au nom de l’Assemblée, a bien félicité les sans-culottes de leur intervention rappelant qu’ils avaient demandé que la terreur soit « mise à l’ordre du jour », aucun décret ne sanctionne une quelconque « mise à l’ordre du jour » d’une quelconque « terreur ». Aucun député n’a « choisi la Terreur », sauf peut-être Drouet quand il propose de combattre en employant les armes des « brigands », position qu’il abandonne devant le tollé suscité [30].

Pourtant des journalistes, des officiers et des représentants en mission invoquent ce mot d’ordre pour justifier leurs actes de répression [31]. Si bien que la Convention, le 19 septembre, peut, à nouveau, féliciter une délégation de soixante-et-onze sociétés populaires de la Drôme venue réclamer que « la terreur soit mise à l’ordre du jour » [32]. Quant au député Francastel, lors de sa mission à Angers, il espère que la terreur ne cesse pas d’être à l’ordre du jour [33], ce que dit Hébert à propos de la destruction des « brigands de la Vendée » [34]. Les choses ne sont pourtant pas si simples. Robespierre, dans son discours du 5 février 1794, ne justifie « la terreur » que si elle est employée, avec « la vertu », dans une association réservée aux membres des Comités, seuls capables d’exercer cette autorité dangereuse, qu’il appelle « le despotisme de la liberté ». Saint-Just se contente d’exprimer plus simplement son refus de « la Terreur, arme à double tranchant » qui affaiblit l’énergie révolutionnaire, déprave les individus et les assujettit à la peur [35]. Il ne faut y voir aucune « indulgence » mais la volonté de démasquer les démagogues réclamant la violence pour discréditer la Révolution.

Alors si, en avril 1794, une société populaire de Dordogne félicite la Convention d’avoir mis « la terreur et la vertu au grand ordre du jour », le 4 avril, le président chasse de la salle une délégation de Sète venue demander que « la mort soit mise à l’ordre du jour ». En outre, il la menace de poursuite parce que seule la justice doit être mise à l’ordre du jour, reprenant les mots prononcés par Thuriot, qui présidait l’Assemblée, le 5 septembre 1793, après Robespierre [36]. Quelques jours plus tard, le député Louchet félicite la Convention d’avoir supprimé les « scélérats » qui ont « emprunté les formes du patriotisme » et d’avoir mis « la terreur, la probité et toutes les vertus au grand ordre du jour » [37].

Pour reprendre une formule que j’ai proposée en 2006 : « la Terreur a été ET n’a pas été mise à l’ordre du jour » [38]. Ce qui se passe en septembre 1793, cette palinodie à propos d’une « terreur » ni précisée, ni institutionnalisée, a permis qu’une alliance conjoncturelle se noue entre les Conventionnels, menés par Barère, Robespierre et Billaud-Varenne, et les Hébertistes et les sans-culottes comme Vincent et Ronsin [39]. Faudrait-il aller jusqu’à penser que Danton, qui vient enflammer l’Assemblée, aurait cherché à radicaliser la discussion pour discréditer la Convention prenant des mesures aux conséquences incontrôlables ? A plusieurs reprises Robespierre prévient les revendications populaires, empêche la dissolution de la Convention, qui aurait dû avoir lieu après août 1793, et refuse de transformer le Comité de salut public en gouvernement pour éviter toute accusation de dictature [40]. Barère, Robespierre et Saint-Just se sont soumis à la force des choses, expression employée par les deux derniers, en attendant des temps meilleurs.

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Les jeux de la politique

Les jeux politiques sont subtils, et violents. Ils n’opposent pas seulement des « révolutionnaires » aux « contre-révolutionnaires », manichéisme récurrent qui explique tout quand il est allié au poncif qui veut que la Révolution dévore ses enfants. Ces formules n’expliquent rien et surtout pas les luttes pour le pouvoir, où tous les coups sont permis. Or pour durer la Convention cherche le compromis. La preuve en a été donnée entre juillet et août 1793 quand les députés approuvent la destruction des statues des rois dans les villes du pays, tout en créant un Musée qui regroupe et protège les monuments anciens, ainsi désacralisés. Faute de s’opposer frontalement à l’iconoclasme des sans-culottes, ils en limitent la « barbarie ». La tension est à son apogée en octobre quand les tombeaux de l’abbatiale de Saint-Denis sont dévastés, ce qui sera interprété comme du « vandalisme », quelques mois plus tard, quand l’équilibre aura changé, les députés reprenant le mot de l’abbé Grégoire [41].

Dans ce climat, si l’Assemblée a refusé, à plusieurs reprises, d’instituer « la terreur », les députés répétant qu’ils veulent « la justice » [42], il n’y a ni paradoxe ni jeux sur les mots. Dans un temps de guerre, civile et extérieure, ces hommes font la part du feu, utilisent à leur profit les rivalités entre les groupes désireux d’accéder au pouvoir, et cherchent à conserver la direction du pays – et leurs vies.

Pendant l’automne et l’hiver 1793-1794, les violences indéniables qui sont commises sur des milliers de personnes n’ont pas été réalisées pour terroriser, au sens strict, une population, mais bien pour réprimer des adversaires, réels ou dénoncés, créant des occasions favorables pour des actes délictueux. Considérer tous ces faits comme des exemples d’une « terreur », que l’historien Jean-Pierre Gross a même déclinée en « terreur dure et terreur douce » [43] est un abus de langage [44]. La question est ailleurs : y eut-il un « système de Terreur » accepté, institué et appliqué en 1793, en évitant de brouiller la question par des citations aléatoires ? Les opinions de tel ou tel personnage, même d’une grande importance, comptent moins que le fonctionnement institutionnel contrôlé par les détenteurs du pouvoir d’Etat [45].

Jusqu’en juillet 1794, la Convention n’installe aucun « système de terreur ». Pire même, le 5 septembre 1793, les députés ont commencé à encadrer les initiatives individuelles de leurs collègues les plus violents et celles des sans-culottes. Que ces mesures se soient appliquées lentement ne contredit pas cette orientation. A partir de décembre 1793-janvier 1794, les pratiques des représentants en mission comme Fouché, Tallien, Barras, Carrier, Javogues et tant d’autres, sont désavouées par le Comité de salut public, notamment par Robespierre qui obtient le retour de Carrier à Paris et manifeste son opposition à la répression à Lyon. L’offensive menée contre les sans-culottes est nette, même si les membres du Comité ne soutiennent pas les accusations que Camille Desmoulins émet contre eux dans son journal Le Vieux Cordelier (le titre marque le refus des « nouveaux cordeliers » qui peuplent le Ministère de la Guerre et « l’armée révolutionnaire »).

Dans ces mois d’hiver, les alliances entre individus et entre groupes se nouent et se dénouent au gré des combinaisons tactiques, sans oublier la rouerie des Comités. Les troupes de sans-culottes n’avaient été envoyées qu’en Vendée, détachées de fait de la gestion militaire que Carnot exerçait sur tout le reste de l’armée. Elles ont certes écrasé les armées catholiques et royales, mais en ont été elles-mêmes définitivement affaiblies, ce qui a débarrassé la Convention de rivaux politiques et lui a permis d’instituer le « gouvernement révolutionnaire ». Quand Carnot, au nom des Comités, approuve en janvier 1794, de façon ambiguë, la décision du général Turreau de lancer des colonnes « incendiaires » (rapidement dénommées « infernales ») en Vendée, il transgresse moins le refus de toute « terreur » qu’il illustre une tactique du Comité : employer les agents violents, sans les couvrir, avant de les écarter quand ils seront inutiles [46]. On peut, évidemment, condamner de tels actes, au nom de la morale, reste que cela ne crée pas une « Terreur » d’Etat.

Le contrôle de l’Etat, devenu « gouvernement révolutionnaire » supprime en effet ce que j’ai proposé d’appeler « le vide d’Etat » né après le 10 août 1792 de la concurrence entre Assemblée et sans-culottes qui avait permis la prolifération des violences en province [47]. Les acteurs de la Révolution négocient en permanence avec les cadres politiques et législatifs, jouant des innombrables réseaux d’influence et de commandement qui existent, installant des équilibres locaux et nationaux en fonction de leurs relations personnelles… en suivant, vaille que vaille, les rebondissements – voire les revirements – de la scène politique parisienne [48]. Cette situation, inattendue, interdit de comparer ce qui se produit en France au fonctionnement de l’Etat totalitaire du Reich nazi [49].

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La parole des acteurs

Si les luttes de factions sont le plus souvent sourdes, elles débouchent régulièrement sur des épurations et des éliminations, accélérées après 1793. Elles scandent le déroulement de la Révolution, déterminant les mesures répressives, qui ne sont pas dues aux seules menaces bien réelles qui pèsent sur le pays et le gouvernement. On comprend mal que M. Biard et M. Linton voient avec « ironie » que des partisans de la Révolution puissent s’opposer les uns aux autres [50], puisqu’ils sont tous « révolutionnaires » [51]. L’exécution du roi a été liée étroitement aux luttes entre Girondins et Montagnards, soutenus voire poussés par les sans-culottes ; ce sont ces rivalités qui ont transformé la défaite d’une troupe en Vendée en « guerre de Vendée » avec les désastres qui ont suivi [52]. La Révolution ne peut pas se résumer à la guerre entre « révolutionnaires » d’un côté et « contre-révolutionnaires » de l’autre, comme les traditions historiographiques, toutes tendances confondues, l’ont assuré depuis longtemps – confortant ainsi leurs options idéologiques.

Quand Albert Mathiez parlait de « la Terreur » dans les années 1922-1924, il avait rappelé ce qui s’était passé le 5 septembre 1793, détaillé les compromis qui avaient eu lieu et concluait sur la toute-puissance du Comité de salut public, qualifiée avec précaution, de « dictature » [53]. Son usage du mot « terreur » peut être contesté, sans remettre en cause l’admiration que son travail précis et documenté mérite. Il participe aux débats de son époque et pose les jalons de la discussion qui se prolonge maintenant, au XXIe siècle. Il incite à ne pas être dupe des formules toutes faites, en revanche je conteste M. Biard et M. Linton voulant voir des « terreurs » à l’œuvre pendant toutes les années 1789-1794, et justifiant l’emploi du mot « terreur » pour parler de 1793-1794. C’est occulter le fait que « la Terreur » a changé de signification en 1794. Pourquoi cet acharnement à nier l’importance de cette mutation du vocabulaire ?

C’est dans le même esprit que je récuse Anne Simonin lorsqu’elle identifie la Terreur (majuscule sans guillemet) avec un « état de siège fictif civil » en s’appuyant, avec brio et érudition, sur les décrets et les procédures légales. Sa démonstration, très argumentée, se situe dans une perspective politiste, de fait a-historique, dont la pertinence est certes incontestable puisqu’elle oblige à penser les faits autrement. A. Simonin classe correctement cet épisode dans l’ensemble des formes de gouvernement d’exception telles qu’elles sont repérables dans l’histoire du monde. Reste que, dans une perspective purement historique, elle gomme la spécificité de la « Terreur » de 1793 [54].

Redisons que les acteurs des années 1790 connaissent parfaitement le mot « terreur » et l’utilisent avec discernement, notamment lorsqu’ils en refusent l’application. Or c’est en parfaite connaissance de cause que, dans le deuxième semestre de 1794, ils lui donnent un sens nouveau, parfaitement politique et polémique, contredisant l’emploi précédent. Ainsi pendant au moins un an, les députés ont refusé de désigner par « la Terreur » ce qu’ils décidaient et vivaient, avant d’y recourir sans discuter et d’en rendre responsables une dizaine d’entre eux. Il ne s’agit pas d’une « légende » mais bien un coup d’Etat assumé rarement étudié en détail. Il n’est pas possible de se contenter de dire que « la Terreur » est une habitude et d’endosser ce terme sans plus de critiques [55].

Il convient donc de qualifier exactement les manœuvres politiques qui ont été à l’œuvre et que nous résumons trop légèrement en agitant les marionnettes consacrées, désignant approximativement les acteurs de ce temps-là. Il convient de respecter leur parole surtout quand ils mentent, manipulent et trompent leurs contemporains – et les historiens. En septembre 1793, les Conventionnels ont rusé avec les sans-culottes. A partir de 1794, ils remettent la main sur tout le processus révolutionnaire, avant de régler, par la force et encore par la ruse, l’affrontement entre le groupe formé autour de Robespierre et ses opposants venus de tous les horizons politiques. Dans tous ces moments, il n’a pas été question de Terreur sauf à en refuser l’emploi toujours considéré comme dégradant. A partir de Thermidor, tout change définitivement, faisant entrer la France, et le monde, dans une autre histoire. Rappelons que c’est seule l’habitude historiographique qui appelle la loi du 10 juin 1794-22 Prairial an II loi de « Grande Terreur », l’expression n’existant pas en 1794 - loi d’ailleurs instrumentalisée par les luttes politiques de l’été [56].

Je conçois sans peine que l’insistance sur les hésitations et reniements des uns et des autres, les rivalités personnelles ou collectives, les malversations, les combinaisons et les règlements de compte puissent chagriner tous ceux qui, partisans ou détracteurs de la Révolution, expliquent le cours des choses en référence aux Lumières, au droit naturel moderne ou aux philosophies politiques. Il est certes possible de repérer les lignes de force, liées à ces courants et à ces héritages, dans les prises de position des principaux acteurs. Il est cependant impossible d’expliquer des choix précis pris dans des conditions particulières, en ne mobilisant que cette dimension d’analyse. L’action n’existe pas sans la « fortune », entendons l’occasion saisie opportunément, comme le rappelait Machiavel. Concrètement, cela signifie qu’il faut abandonner tel ou tel principe pour répondre à l’urgence du moment. L’histoire des idées a sa validité et son importance ; elle ne peut pas prétendre rendre compte de l’épaisseur humaine de l’histoire sociale et politique, qu’il faut pratiquer sans intentions téléologiques ou moralisantes [57].

Les variations de la pensée de Robespierre devant la peine de mort sont suffisamment connues pour qu’on ne les détaille pas [58]. Je ne les tiens ni pour des reniements, ni pour de l’insincérité, mais pour le besoin ressenti de faire face à la situation, alors que d’autres maintiennent leur refus de cette sanction. Je n’en tire aucune conséquence morale, la politique au jour le jour est l’art de l’équilibre. Que des personnes et des groupes interviennent avec leurs émotions, leurs passions et leurs pulsions est une banalité qui s’applique aussi à la période révolutionnaire comme à toute autre. Suivre les parcours des uns et des autres, montrer les alliances, éventuellement inattendues, parfois très calculées, n’est pas céder à une approche archaïque, « positiviste », mais répondre au besoin de comprendre dans sa complexité l’intervention d’un acteur.

Comme je l’avais fait dans l’étude des faillites ou des viols au XIXe siècle, je n’accorde pas à l’historien le privilège de savoir mieux que l’acteur ce qui s’est effectivement passé. S’il est entendu que les hommes font l’histoire sans savoir l’Histoire qu’ils font, l’historien demeure tributaire à un point qu’il ne maîtrise jamais assez, des traces laissées derrière eux par des acteurs, habiles à les façonner, voire à les faire disparaître. Mettre quelqu’un en faillite, condamner un violeur, ou envoyer des « contre-révolutionnaires » ou des « terroristes » devant un tribunal ne garantissent pas l’établissement d’une vérité authentique. Ces actes ont été inscrits dans des rapports de force, pour agir sur une société, signaler les dérives à ne pas commettre, jeter des personnages devenus encombrants en pâture à l’opinion et sacrifier des boucs émissaires [59]. Personne n’imagine de prendre des archives au pied de la lettre. Pourquoi croire Tallien inventant « la Terreur » en août 1794 ?

***

La manipulation

Revenons au moment où la terreur reçoit sa majuscule et retrouvons le premier chapitre du livre de L. Chavanette. Le 8 Thermidor (26 juillet 1794) Robespierre dénonce par deux fois les manœuvres de députés qui veulent installer un « système de terreur ». Au lendemain de sa mort, Barère le présente comme un « tyran » et un « monstre », évoquant d’un mot « la terreur ». Or si le 5 août, le député Joseph Lebon est jeté en prison parce qu’il est accusé de continuer « la terreur », il faut attendre le 28 août pour que l’emploi de « la Terreur » s’impose. Ce jour-là, Tallien accuse, à de multiples reprises dans un long discours, les membres des Comités et surtout Robespierre d’avoir institué « le système de Terreur ».

Dans les jours qui suivent, des lois reprennent ces accusations et changent le sens du mot, lui donnant celui qu’il possède encore : jusqu’au 9 Thermidor, la France avait été soumise à la Terreur, dont Robespierre était le principal responsable. C’est à partir de ce moment que le mot « robespierriste » apparaît pour désigner (et accuser) les « jacobins » et tous les « amis de Robespierre » [60].

Ainsi le 28 août 1794-11 Fructidor an II, Tallien a-t-il rompu d’abord avec le groupe qui avait gardé le contrôle de la Convention, chassant les membres des Comités (Barère, Vadier notamment) qui avaient profité du 9 Thermidor. Surtout il a installé une autre lecture des événements récents. Plus qu’une « légende », il reprend les dénonciations, les rumeurs et les contestations qui couraient depuis l’été 1794 à l’encontre de Robespierre dans Paris et donne du sens aux expériences vécues par les députés. Faut-il rappeler que ceux-ci siégeaient depuis septembre 1792, qu’ils avaient traversé les épurations des Girondins et des Dantonistes, soutenu, ou subi, les Comités, et qu’ils venaient d’abandonner Robespierre et les auteurs de sa chute, les Barère, Billaud et Vadier ?

En adoptant l’explication de Tallien, ils clôturent un épisode qui les a vus changer de positions au gré des alliances et des contextes, et fixent l’interprétation qui va s’imposer. Ils y trouvent certes leur compte, mais il ne conviendrait pas de les réduire à n’être que des girouettes [61]. Ils continuent simplement de chercher les moyens de stabiliser le régime autour d’un projet majoritaire, dit autrement ils gardent une parole hégémonique dans un temps de crise. Ils vont surmonter ensuite les coups d’Etat qui ont lieu de 1794 à 1799, recourant à l’explication par « la Terreur » pour récuser toute tentative de révolution sociale et maintenir le contrôle de l’Etat sur les libertés.

Dès 1989, Bronislaw Bazcko avait montré, dans son livre Comment sortir de la Terreur, le rôle joué dans la manipulation de l’opinion et l’établissement du Directoire par la publicité donnée aux atrocités commises à Nantes par Carrier [62]. Deux siècles plus tard, nous sommes toujours incapables de faire le récit des noyades et des exécutions de 1793 et 1794, tant les sources ont été manipulées [63]. Chavanette rend compte, avec raison, de l’importance du discours de Tallien, mais il y voit, à tort, un acte de « justice », un retour au « réel ». C’est tout au contraire la continuation des polémiques qui n’ont pas cessé d’infléchir le cours de la Révolution.

La transformation de Robespierre en « tyran » et en « monstre », à partir du 11 Thermidor, puis en « terroriste » (le mot apparaît en septembre 1794), relève de ces mécanismes ordinaires en temps de guerre civile, dont il ne faut pas être dupe lorsqu’on entend en faire l’histoire. La « fabrication » de l’image de Robespierre fait entrer « la Terreur » (ici le mot peut s’écrire ainsi) dans les consciences, puis dans les mémoires et dans la culture. Faut-il rappeler le concert de propos odieux, voire obscènes, sur Danton guillotiné, ou la campagne de dénigrement envers Hébert, couvert de boue, au moment de son procès ? Faut-il citer les accusations contre les Girondins, qui sont encore la base des jugements transmis par nos manuels scolaires ? Le procédé est bien connu, mais appliqué à Robespierre, il atteint sa perfection.

C’est pour cela qu’il ne convient pas de clore la vie de Robespierre au 10 Thermidor. D’abord parce qu’il faut rappeler que les députés pouvaient craindre que la fête prévue ce jour-là en l’honneur de Bara et Viala permette à Robespierre et ses proches de contrôler la Convention. Ensuite parce que la vie posthume de Robespierre, qui s’impose à tous, naît avec les inventions de ceux qui sont traditionnellement appelés les « thermidoriens », comme s’il s’agissait d’une catégorie inédite. Il s’agit bien de ceux qui profitent du coup d’Etat du 28 août, avant de se déchirer entre eux : Tallien, capable jusque-là de se sortir de tous les mauvais pas où il se mettait, allait voir « sa » Terreur être instrumentalisée contre lui. En revanche, Bonaparte pourra faire oublier ses amitiés avec Robespierre jeune et rejeter les responsabilités des violences sur les Idéologues et les « robespierristes ».

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« La Terreur » n’est pas une catégorie

Si je partage le récit donné par L. Chavanette sur l’année 1795 qui rappelle le rôle de Tallien et son discours du 28 août, je le récuse quand il assure que Tallien identifie « la Terreur ». Il inverse, jusqu’à la caricature, le sens de l’histoire, citant, sans les contester, les dénonciations de « la Terreur » rédigées en 1794-1795 qui vont alimenter les jugements portés sur le « jacobinisme », dans les deux siècles suivants [64]. Il voit même la répression des sans-culottes, au début 1795, comme une conséquence logique de ce retournement, qui « renoue avec le réel ».

L’appréciation est une prise de parti et une erreur. En insistant sur le rétablissement de l’ordre et le « retour à la responsabilité pénale classique », il considère que les années 1793-1794 relèvent de la pathologie judiciaire et politique et ignore superbement les dérives de la justice pendant le Directoire dans la répression des « brigandages » et des opposants politiques [65]. Le rappel des Girondins dans l’Assemblée (ces députés emprisonnés après juin 1793 et restés vivants parce que protégés par Robespierre) en 1794, ne suffit pas pour assurer de la générosité de la politique, puisque ceux qui, comme Paine, restent favorables aux principes initiaux de la Révolution, sont contestés. Créditer les Thermidoriens de la pacification en Vendée néglige que le processus avait été enclenché dès mai 1794 [66] et il faut rappeler que ce fut en août 1794 que l’armée républicaine mena « la guerre à mort » contre les troupes espagnoles dans les Pyrénées [67]. Certes la répression de 1795 n’atteint pas les sommets de 1793, mais c’est bien le changement des circonstances, à commencer par les victoires aux frontières, qui autorise le retour aux pratiques « ordinaires » de contrôle social, alors que l’épouvantail de « la Terreur » disqualifie désormais toutes les tentatives d’insurrection populaire [68].

L’invention de « la Terreur » a brouillé définitivement l’image de Robespierre, bouc émissaire idéal, accusé d’avoir radicalisé la Révolution alors, qu’au printemps 1794, il était en train d’en limiter les excès commis pour partie par ceux qui l’ont envoyé à l’échafaud [69] ! Mais en amalgamant « terrorisme » et « robespierrisme », elle dénonce, à l’avance, la dangerosité des revendications démocratiques et des demandes « populaires » (sans-culottes, enragés, féministes..) annonçant un thème récurrent tout au long du XIXe siècles [70].

Ceci explique le ralliement des « républicains » (anciens Girondins, Dantonistes, Plainauds, et une partie des Hébertistes), ceux que Pierre Serna désigne comme l’extrême-centre, autour du régime qui naît en 1795 [71]. Même si Barras continue de tirer les ficelles, alors que Tallien disparaît, ce sont les Sieyès, Boissy d’Anglas, Dubois-Crancé, Roederer (dont le rôle le 10 août 1792 ne doit pas être minimisé) qui s’imposent. Il ne s’agit pas d’un retour à 1789, ces hommes savent que la chose est impossible et ne l’auraient pas voulu. Ils ont survécu à la guerre civile et vaincu la menace extérieure ; ils font oublier les liens qu’ils avaient noués avec les révolutionnaires éliminés, à commencer par Robespierre, en profitant de la propagande gouvernementale autour de « la Terreur ».

On comprendra que je conteste l’habitude historiographique de baptiser « légende noire » ce qui est une vraie lecture de Révolution, d’autant plus que ce qui s’est passé en juillet-août 1794, a été incompréhensible, et même inconnu, pour la quasi-totalité des contemporains, y compris des Parisiens qui suivaient les rebondissements qu’ils ne pouvaient pas interpréter correctement. La révolution de palais, de juillet et d’août 1794, réalisée entre députés - et même au sein d’un groupe restreint – a échappé à la publicité. Les comptes rendus dans la presse ne paraissent qu’avec retard et subissent une censure très sévère – ce qui est inhabituel. Plusieurs années s’écouleront avant que l’histoire « officielle » de ces journées soit publiée, avec notamment le rapport donné par le député Courtois.

Cette incompréhension et cette ignorance sont encore plus partagées par les observateurs étrangers, très nombreux dans toute l’Europe, notamment en Angleterre et en Allemagne. L’invention de « la Terreur » par Tallien a l’énorme avantage de donner une cohérence aux bouleversements, voire au chaos, qui semblaient présider au cours des événements en France ; beaucoup de bons esprits, dont Kant, avaient déjà conclu que les Lumières sont dangereuses quand elles sont diffusées par des démagogues [72]. Hegel, inspiré par le courant girondin, systématisera tout cela et fixera une interprétation marquante dans sa Phénoménologie de l’Esprit, « la Terreur » devenant le moment où l’excès de liberté qui crée des effets négatifs.

La philosophie politique acceptant cette analyse, la Terreur devient une catégorie pour penser toute l’histoire du monde. Pour ne citer qu’un seul exemple, Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy évoquent « la Terreur » quand ils réfléchissent, après Heidegger et Arendt, sur le « mythe nazi » [73]. Endosser l’idée qu’il y eut une période « appelée la Terreur » accusée d’avoir causé les dérives de la modernité et illustrant les dangers inhérents à toute entreprise révolutionnaire, c’est s’abandonner sans défense à la propagande de Tallien, devenue véritablement pensée hégémonique.

Il faut cependant se garder de jeter la pierre à qui que ce soit. L’explication par « la Terreur » inspire Joseph de Maistre qui en conclut que la Révolution est une « époque » [74], c’est-à-dire une rupture absolue ouvrant une page inédite du devenir humain. Avec Bonald, Ballanche, Balzac et tous les penseurs et écrivains contre-révolutionnaires, il y voit la naissance de la modernité ; comme eux, il est incapable de proposer autre chose qu’une contre-histoire incapable de contourner l’obstacle. C’est parce qu’il a, involontairement popularisé l’idée que l’irrationalité est un élément essentiel de l’activité humaine, donc que les faits sociaux s’imposent aux individus, qu’il inspire les sociologies de Comte et de Durkheim sur lesquelles reposent la conception de l’histoire sociale qui est aujourd’hui la nôtre [75].

Intégrer cette rupture dans nos pensées impose que l’on n’imagine jamais que l’Anglais Burke a pu prophétiser « la Terreur » quand il décrit en 1790 dans ses Réflexions sur la Révolution française les femmes lancées comme des sauvages à la traque de Marie-Antoinette à Versailles [76]. Burke avait, dans les années 1750, théorisé la notion de « terreur » comme sentiment sublime éprouvé par l’homme devant les catastrophes (écho au tremblement de terre de Lisbonne) et les paysages terrifiants. En 1790, il réagit comme beaucoup d’observateurs devant la violence populaire, qui avait déjà ravagé Londres en 1780 au moment des Gordon Riots, et estime simplement que la Révolution française précipite la société européenne dans le chaos ; risque que la révolution américaine avait su éviter très pragmatiquement, et violemment, en châtiant ses extrémistes. Inutile donc d’inverser le cours de l’histoire pour poser « la Terreur » comme but inévitable de toute révolution et d’y voir une quelconque « énigme » [77].

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« La Terreur » n’est pas un terrain

Ces « analyses » ont tellement façonné notre compréhension du passé que, imperturbablement, nous butons sur « l’énigme de la Terreur », sans revenir, bêtement, positivement, aux « faits ». L’exemple est donné par le livre de R. Steinberg, qui aborde le passé avec les lunettes du présent le plus immédiat, comme souvent aux Etats-Unis [78]. Son objectif est louable : apprécier les retombées de « la Terreur » selon les processus appliqués aux symptômes manifestés par les survivants des violences de masse « post-traumatic stress disorder (PTSD) ». La démarche est susceptible d’améliorer la connaissance du passé, à condition que l’investigation s’applique correctement à son objet, sans le faire rentrer coûte que coûte dans un protocole inadapté.

D’emblée, les premières lignes affirmant que « le Règne de la Terreur » a été un épisode de violence d’Etat durant 18 mois (mars 1793-juillet 1794) évacuent toute approche proprement historienne [79]. Les dimensions politiques qui ont créé le trauma sont gommées, avant d’avaliser, sans discussion, l’amalgame entre la violence d’Etat de la Révolution avec les violences des Etats nazi ou soviétique au XXe siècle. Pourquoi ne pas citer d’autres situations qui ont provoqué des traumas, comme la guerre d’Espagne en 1807-1808 ? De l’introduction de « la Terreur » par Tallien, n’est retenu que le passage du monde politique (Robespierre) au monde des affects (Tallien) [80]. Cette lecture fausse la logique à propos des responsables et des responsabilités, d’autant que le seul exemple retenu est celui de Joseph Le Bon, révolutionnaire atypique mais tout à fait conforme à ce qui est imaginé pour incarner le « terroriste » [81]. Le piège tendu par Tallien fonctionne parfaitement.

Le côté intemporel du processus prévaut pour parler de la nécessité de rembourser les dols, et du rôle de la mémoire et des souvenirs. Si les pages consacrées aux mémoires des martyrs de Picpus à Paris, de Lyon ou d’Orange sont particulièrement bienvenues, pourquoi n’avoir que très brièvement mentionné la Vendée, région mémoire s’il en est ? Les polémiques actuelles à propos des restes des victimes de « la Terreur », au Mans ou près d’Angers auraient apporté de l’eau au moulin de Ronen Steinberg. Les fantômes du passé rappellent, évidemment, les angoisses, les hantises et les cauchemars qui assaillent ceux qui ont échappé à des violences de masse, mais pourquoi faire le rapprochement avec la seule expérience de l’Holocauste, ou dit autrement de la Shoah ?

Peut-on en effet écrire : « l’emploi du concept de trauma pour interpréter le passé crée presque toujours l’association avec l’Holocauste », en ajoutant que cela entrainerait « une espèce d’analogie » entre le « génocide moderne » et la Révolution, ce qui met « beaucoup d’historiens mal à l’aise » ? Le glissement du raisonnement est clairement problématique. Jusque-là, « la Terreur » était cantonnée à l’évocation des années 1793-1794 sans que la démonstration ne sorte vraiment du cadre parisien. Introduire ici un génocide ne peut pas se rattacher à autre chose qu’à la guerre de Vendée, sans que rien dans le texte ne l’annonce (p. 122). S’il y a bien des raisons de se sentir mal à l’aise c’est bien de rencontrer pareille allusion subliminale. La réponse à donner est claire : non, le lien entre trauma et holocauste/shoah n’est pas le seul qui existe et non, il n’y eut pas de génocide en Vendée – il n’a pas de raison ici de rouvrir la discussion bien connue par ailleurs. Ces lignes attestent bien la permanence, au XXIe siècle encore, de cette représentation de la Révolution sanguinaire et inexplicable qui nous a tous formés et avec laquelle nous ne cessons toujours pas de nous débattre ! Allons-nous sortir de « la Terreur » ?

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Comment répondre alors à la question initiale ? D’abord en la refusant. Aucune graphie, aucune majuscule, aucun guillemet ne récusera assez clairement les connotations attachées au mot « la Terreur » tel qu’il a été forgé en 1794 par Tallien. L’employer, à un titre ou un autre, pour désigner une période à jamais incertaine, pour qualifier des mots d’ordre ambigus et régulièrement contredits, ou encore pour assimiler des violences à des pratiques terrorisantes, est simplement un déni de ce qui s’est passé jusqu’en 1794. C’est aussi une façon de gommer toute réflexion et toute interrogation sur les pratiques politiques qui eurent lieu dans les années suivantes. Enfin, c’est le moyen de figer sous une appellation à jamais invérifiable, donc incontestable, la réalité des conflits politiques et sociaux entre les groupes en rivalité pour le contrôle du pouvoir et l’orientation de la Révolution [82].

« La Terreur » a été l’étiquette apposée frauduleusement sur le moment pendant lequel le cours de la Révolution a été arrêté - et confisqué – par une coalition. Les exemples sont nombreux. De toutes les « révolutions » des XVIIe- XVIIIe siècles, aucune n’échappe à la nécessité d’endiguer ses « ultras », que ce soit quand Cromwell, s’oppose, après l’exécution de Charles 1er d’Angleterre, aux Levellers, ou quand Washington réprime les mécontents conduits par Shays en 1786-1787. En France, s’y emploient sans succès Mounier en 1790, Le Chapelier-Barnave-Lameth en 1791, les Girondins en 1793 et Robespierre en juillet 1794. Les « Thermidoriens » ont réussi le coup en juillet 1794 avant que Tallien et les modérés n’accaparent le pouvoir et confirment l’essai en août, transformant immédiatement et à jamais les vaincus en « terroristes » et en « robespierristes » [83].

Utiliser le mot « terreur » en négligeant cette réalité historique, c’est s’engager dans des discussions byzantines autour des années 1793-1794 vues à la fois comme apothéose et damnation. Comme l’écrivit Hugo : « Jamais rien de plus haut n’est apparu sur l’horizon des hommes. Il y a l’Himalaya et il y a la Convention » [84]. Personne ne saura jamais si Tallien comprit à quel point son invention de « la Terreur » fut cette réussite. En revanche, tout le monde doit comprendre que cette « trace » qu’il a laissée continue de nous obnubiler comme une « évidence » [85].

Le mot « terreur » est ainsi au cœur de nos mémoires et de notre culture, il ne convient pas d’en faire un tabou, seulement de lui faire perdre son mystère. Le bon sens incite à ne pas ajouter une formule ou une formulation inédite pour le remplacer, qui deviendrait inévitablement une marque de distinction et un enjeu de disputes stériles. Au risque de paraître trop raisonnable, je propose simplement que l’on s’habitue à employer une périphrase « ce qui est appelé terreur » pour conserver les habitudes consacrées par le temps et pour attirer l’attention, poser une interrogation et amener la réflexion sur ce qui nous est transmis. Dit autrement, pour faire de l’histoire.

Belin | « Revue d’histoire moderne & contemporaine » 2020/2 n° 67-2 | pages 135 à 154
ISSN 0048-8003 ISBN 9782410017274
Article disponible en ligne à l’adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-d-hist... contemporaine-2020-2-page-135.htm -----------------------------------------------------------------------------------------------------


[1Voir Dominique Kalifa, Les noms d’époque, Paris, Gallimard, 2020, qui ne prend pas cette période en considération.

[2Voir Romain Bertrand, Le Long Remords de la Conquête. Manille-Mexico-Madrid : l’affaire Diego de Ávila (1577-1580), Paris, Seuil, 2015.

[3Loris Chavanette, Quatre-vingt-quinze. La Terreur en procès, Paris, CNRS Editions, 2017. Ronen Steinberg, The Afterlives of the Terror. Facing the Legacies of Mass Violence in Postrevolutionary France, Ithaca, Londres, Cornell University Press, 2019. Michel Biard et Marisa Linton, Terreur ! La Révolution française face à ses démons, Paris, Armand Colin, 2020.

[4Jean-Clément Martin, La Terreur. Part maudite de la Révolution, Paris, Gallimard, 2010 ; La Terreur, Paris, Perrin, Vérités et Légendes, 2017, et Les Echos de la Terreur. Vérités d’un mensonge d’Etat, 1794-2001, Paris, Belin, 2018 et Pocket, Agora, 2019. Voir Jacques Guilhaumou, « La terreur à l’ordre du jour, un parcours en révolution », revolution-francaise.net, 6 janvier 2007 ; Annie Jourdan, « Les discours de la terreur à l’époque révolutionnaire (1776-1789) : Etude comparative sur une notion ambiguë », French Historical Studies, 2013, 36, 1, p. 51-81 et Nouvelle Histoire de la Révolution, Paris, Fayard, 2018, p. 212-214 ; Cesare Vetter « Système de terreur et système de la terreur dans le lexique de la Révolution française », revolution-francaise.net, 23 octobre 2014.

[5Voir Sophie Wahnich, La Révolution française, 1787-1799, Paris, Hachette, 2012, « La vengeance souveraine ou l’énigme de la Terreur, 10 août 1792-27 juillet 1794 », chapitre 6.

[6Benjamin Constant serait le premier à écrire « Terreur » avec une majuscule dans un titre de livre, J.-C. Martin, Les Echos… op. cit..

[7Voir Antonino de Francesco, La guerre de deux cents ans. Une histoire des histoires de la Révolution française, Paris, Perrin, 2018. Je renvoie à La machine à fantasmes. Relire l’histoire de la Révolution française, Paris, Vendémiaire, 2012, p. 71-136, et « The French Revolution and its Historiographies » in Transnational Challenges to National History Writing, s.d. Matthias Middell et Lluis Roura, Basingstoke (GB) Palgrave-Macmillan, European Science Foundation, 2013, p. 343-376 (en français, https://www.academia.edu/10059417/ La_R%C3%A9volution_fran%C3%A7aise_et_ses_historiographies_m%C3%AAme)

[8Jean Tulard et alii., Histoire et dictionnaire de la Révolution française, 1789-1799, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 1987, p. 1113-1114.

[9C. Mazauric, « Terreur », in J.-R. Suratteau et F. Gendron dir., A. Soboul, Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989, p. 1020-1025.

[10Sur cette tradition, J.-C. Martin, « A la recherche de la Terreur », mis en ligne, l7 janvier 2018, https://www.academia.edu/35600832/A....

[11F. Furet, « Terreur », in F. Furet et M. Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution française, Paris, Flammarion, 1988, p. 156-170.

[12Position de Patrice Guéniffey, La Terreur, Paris, Gallimard, Tel, 2000.

[13

Voir Martin Malia, History’s Locomotives : Revolutions and the Making of the Modern World, New Haven, Yale University Press, 2006.

[14Hannah Arendt, De la révolution, Paris, Gallimard, Folio, 2012 [1962 en français]. Claude Lefort, « La Terreur révolutionnaire », PasséPrésent, 1983, p. 25.

[15Ma position aussi mais pour parler des textes parus au XXe siècle, Les Echos de la Terreur, op. cit., conclusion.

[16Sophie Wahnich, « De l’économie émotive de la Terreur », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 4, 2002. p. 889-913 et Les émotions, la Révolution française et le présent. Exercices pratiques de conscience historique, Paris, CNRS Editions, 2009.

[17Voir p. 105 la critique de « la quasi-totalité des historiens » qui ont attribué des « pouvoirs illimités » aux représentants en mission. Dans son livre, Missionnaires de la République, Paris, CTHS, 2002, p. 185-208, M. Biard était plus nuancé et reconnaissait que les représentants profitaient du « flou » entourant leur mission pour exercer un pouvoir sans limites.

[18J.-C. Martin, « Dénombrer les victimes de la Terreur. La Vendée et au-delà », in Michel Biard et Hervé Leuwers dir., Visages de la Terreur, Paris, A. Colin, 2014, p. 155-166. Dans une perspective proche, j’avais publié, sous la direction de Michel Biard, en 2008 « Violences et justice », in Les politiques de la Terreur, 1793-1794, Rennes, Presses universitaires, p. 129-140, et, en 2010, « Violence/s et R/révolution, les raisons d’un malentendu », in La Révolution française, Paris, Tallandier, p. 169-182.

[19Timothy Tackett, The Coming of the Terror in the French Revolution, Harvard University Press, 2015, Annales Historiques de la Révolution française, 2016, 335, 1, p. 228-231. https://www.academia.edu/30438422/ Timothy_Tackett_The_Coming_of_the_Terror_in_the_French_Revolution. Anatomie de la Terreur, Paris, Seuil, 2018.

[20Girondins : Le Père Duchesne, 1er janvier 1793 ; Mercure universel, 16 janvier 1793 ; Le Courrier des départements, 16 avril 1793 par exemple. Robespierristes : premier usage, Annales patriotiques et littéraires de la France, 26 août 1794 ; et « terreur robespierriste », Nouvelles politiques, nationales et étrangères, 22 septembre 1794.

[21Rejoignant les propos de J. Tulard et de P. Guéniffey. Voir le dossier sur la « Culture de la Terreur », Annales HSs, juillet-août 2002, dirigé par ce dernier.

[22Ted W. Margadant, « Summary Justice and the Crisis of the Old Regime in 1789 », in D. Sutherland, Historical Reflexions, 2003, vol. 29, n° 3, p. 495-528.

[23Hans-Ulrich Thamer et Rolf Reichardt, « Terreur » in R. Reichardt dir., Lexikon des Revolutions-Ikonographie in der europäischen Druckgraphik (1789-1889), Münster, Rhema, 2017, T. III, p. 1873-1898. Minuscules et majuscules respectées.

[24Voir J.-C. Martin, « Violence/s et R/révolution … », op. cit.

[25Voir Léa Venstein, « Violence et langage », http///books.openedition.org/europhilosophie/103, en ligne le 7/11/2017.

[26Je renvoie à mes publications Perrin, 2017 et Belin, 2018, et aux articles « Violences et justice », rapport de synthèse dans M. Biard, dir., Les politiques de la Terreur, 1793-1794, Rennes, Presses universitaires, 2008, p. 129-140 ; « La Terreur dans la loi, à propos de la collection Baudouin », Annales historiques de la Révolution française, octobre décembre 2014, 378, p. 97-108.

[27Jean-Louis Fournel et Jean-Claude Zancarini, Machiavel, Paris, Passés composés, 2020, p. 21.

[28Le Républicain français, 3, 4 septembre 1793, sous la forme de « mettre à l’ordre du jour les dernières mesures de salut public ». J.-C. Martin, Seuil, 2006, p. 186-193.

[29Mercure universel, 6 septembre 1793 ; Feuille de Salut public, 7 septembre 1793 ; Le Républicain français, 8 septembre 1793. Albert Mathiez, « La fin des Enragés », Annales révolutionnaires, 1923, p. 89-111.

[30Contra M. Linton, Choosing Terror : Virtue, Friendship and Authenticity in the French Revolution, Oxford, Oxford University Press, 2013.

[31La relation donnée par Gérard Walter, Histoire de la Terreur 1793-1794, Paris, Albin Michel, 1937, conclut à un arrangement.

[32Feuille du Salut public, 21 septembre 1793.

[33Lettre du 8 nivôse, Mercure universel, 3 janvier 1794.

[34Républicain français, 8 janvier 1794, Père Duchesne, n° 328. Voir également Feuille du salut public, 15 janvier 1794.

[35Je renvoie à Robespierre. La fabrication d’un monstre, Paris, Tempus, 2019. Saint-Just, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Folio, 2012, p. 49.

[36District de Bergerac, Bulletin de la Convention nationale, 4 avril 1794. Nouvelles politiques…, 9 avril 1974.

[37Moniteur universel, 10 avril 1794. Sur Louchet, La Terreur, op. cit., Perrin, 2017, p. 19-20.

[38J.-C. Martin, Violence et Révolution. Paris, Seuil, 2006. Réaffirmé dans « Violences et justice », op.cit., p. 137-138. Les propos tenus par M. Biard, directeur de la publication, annoncent le livre de 2020.

[39Walter Markov, Jacques Roux, le curé rouge, Paris, Libertalia, SER, 2017, p. 376-381.

[40Voir mon Robespierre, op. cit., p. 230-244.

[41Edouard Pommier, L’art de la liberté, Paris, Gallimard,1991, notamment p. 104-125.

[42Voir Dan Edelstein, The Terror of Natural Right. Republicanism, the Cult of Nature & the French Revolution, Chicago, The University of Chicago Press, 2009.

[43Jean-Pierre Gross, Egalitarisme jacobin et Droits de l’Homme 1793-1794 (La Grande famille et la Terreur), Paris, Arcantères Editions, 2000, p. 101.

[44Comme de citer un discours de Vergniaud, M. Biard, M. Linton op. cit., p. 125.

[45Je ne discuterai pas ici de la notion de « pouvoir légitime ».

[46J.-C. Martin, La guerre de Vendée, op. cit. Anne Rolland-Boulestreau, Les colonnes infernales, Paris, Fayard, 2016.

[47J.-C. Martin, L’exécution du roi, Paris, Perrin, 2020.

[48La complexité des réseaux rivaux est encore à mettre en lumière. Exemple, J.-C. Martin, La guerre de Vendée, Paris, Seuil, 2014, p. 156.

[49Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, Paris, Gallimard, Quarto, 2002, livre 3.

[50M. Biard, M. Linton op. cit., p. 134.

[51M. Biard, M. Linton op. cit., p. 134. Voir pourtant M. Biard, La liberté ou la mort, mourir en député 1792 -1795, Paris, Tallandier, 2015.

[52J.-C. Martin, L’exécution du roi, 21 janvier 1793, Perrin, 2020 et La guerre de Vendée, op. cit, premier chapitre.

[53A. Mathiez, « L’inauguration de la Terreur », Annales révolutionnaires, 1922, p. 476-496 et La révolution française, Paris, Club du Meilleur Livre, 19Z59, p. 420-425.

[54Voir Anne Simonin, Le Déshonneur dans la République. Une histoire de l’indignité 1791-1958, Paris, Grasset, 2008, p. 269 sq et 291-292. A côté d’analyses très fines sur l’organisation de l’Assemblée, elle s’appuie sur des sources très incertaines comme les mémoires de Barère.

[55Objet du livre Les Echos de la Terreur.

[56J.-C. Martin, Violence et Révolution, op.cit.,

[57Je renvoie à mon compte rendu de Dan Edelstein, Annales Historiques de la Révolution Française, 2010, 2, 360, p. 259-261.

[58Je m’y suis intéressé dans Robespierre, Tempus, 2019.

[59Par commodité, je renvoie à La machine à fantasmes, Paris, Vendémiaire, 2014, p. 225-275. Voir notamment Bernard Lepetit, « L’histoire prend-elle les acteurs au sérieux ? », EspacesTemps, 1995, 59/60/61, p. 112-122.

[60Annales patriotiques et littéraires de la France, 26 août 1794. Ce que Biard et Linton oublient (p. 118).

[61Pour prendre des distances avec Pierre Serna, La République des Girouettes. 1789-1815, et au-delà : une anomalie politique, la France de l’extrême centre, Seyssel, Champ Vallon, 2005.

[62Bronislaw Bazcko, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard,1989. Je renvoie à mon La guerre de Vendée, Paris, Seuil, 2014, p. 288 sq.

[63Voir C. Mazauric, Gracchus Babeuf, Paris, Le Temps des Cerises, 2020, p. 74-77 sur cette manipulation.

[64L. Chavanette, op. cit., p. 40. Exemple cité C. Lefort, voir note 13.

[65L. Chavanette, op. cit., chp 2.Voir Howard Brown, Ending the French Revolution. Violence, Justice and the Repression from the terror to Napoleon, Charlottesville, University of Virginia Press, 2006. Voir les travaux de Stephen Clay, notamment « Vengeance, Justice and the Reactions in Revolutionary Midi », French History, 23, I, 2009, p. 22-46. Valérie Sottocasa dir., Brigands et brigandage. Criminalité, violence et protestation politique, vers 1750-vers 1850, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.

[66A. Rolland-Boulestreau, Guerre et paix en Vendée, 1794-1796, Paris, Fayard, 2019. Yannick Bosc, La terreur des droits de l’homme, Paris, Editions Kimé, 2016.

[67Lluis Roura, « La dernière phase de la Guerra gran : entre la « guerre à mort » et les tentatives de paix », in Jean Sagnes, dir., L’Espagne et la France à l’époque de la Révolution française, 1793-1807, Perpignan, Presses universitaires, 1993, p. 133-148. Dans le colloque Justice et Politique : la Terreur dans la révolution française, Toulouse, UTI, 1997, communication de
Maïté Lafourcade, Robespierre fut donné comme responsable de la mesure.

[68L. Chavanette, quatrième partie. Voir notamment Bernard Gainot, 1799, un nouveau jacobinisme ?, Paris, CTHS, 2001. La comparaison avec Lénine est à faire, voir Jean Salem, Lénine et la révolution, Paris, Michalon, encre marine, 2006.

[69J.-C. Martin, Robespierre… op. cit, dernier chapitre.

[70Voire le livre classique de Louis Chevalier, Classes laborieuses, classes dangereuses, Paris, Plon, 1958. Antonino de Francesco, « Au-delà de la Terreur : mouvements démocratiques et masses populaires dans la France du Directoire », in J.-C. Martin, dir., La Révolution à l’œuvre, Rennes, PUR, 2005, p. 151-164.

[71P. Serna, op. cit..

[72Voire Antoine Lilti, L’héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité, Paris, EHESS-Gallimard-Seuil, 2019, chp. 8.

[73Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, Le mythe nazi, Editions de L’Aube, 1991, p. 24.

[74Discours de consolation à la marquise de Costa sur la vie et la mort de son fils, août 1794, in Joseph de Maistre, Œuvres complètes, Lyon, Vitte, 1884, t. VII, p. 83-84.

[75Notamment Carolina Armenteros, L’Idée française de l’histoire. Joseph de Maistre et sa postérité (1794-1854), Paris, Classiques Garnier, 2013. Frédéric Brahami, La Raison du Peuple. Un héritage de la Révolution française (1789-1848), Paris, Les Belles Lettres, 2016, notamment p. 220 sq.

[76Edmund Burke, Réflexions sur la Révolution de France, Hachette, Pluriel, Paris, 1989. J.-C. Martin, Les Echos… op. cit.

[77Contra Annie Jourdan « Le mystère de la Terreur », La Vie des Idées, 5 février 2010, qualifiant de « tentation terroriste » les revendications exprimées dans toutes les révolutions par des groupes déçus par les limites posées par l’institutionnalisation d’un régime. L’adjectif implique une téléologie inutile. 

[78Compte rendu dévelloppé https://www.academia.edu/42093016/Ronen_Steinberg_The_Afterlives_ of_the_ Terror. Note_de_lecture.

[79Par exemple Michel Biard (dir.), Les politiques de la Terreur… op.cit. ; mes propres livres résumés par un contresens.

[80Exemple récent, l’oubli des incendies des barrières de l’octroi de Paris au profit de la prise de la Bastille, Momcilo Markovic, Paris brûle ! L’incendie des barrières de l’octroi en juillet 1789, Paris, L’Harmattan, 2019.

[81J.-C. Martin, « La Terreur dans la loi, à propos de la collection Baudouin », Annales historiques de la Révolution française, octobre décembre 2014, 378, p. 97-108.

[82J.-C. Martin, « Violences et justice », op. cit.

[83Sur les méandres des réinventions des siècles suivants je renvoie aux Echos de la Terreur, op. cit.

[84Victor Hugo, Quatrevingt-Treize, Paris, Garnier, 1963, p. 178.

[85Echo à François Hartog, Evidence de l’histoire. Ce que voient les historiens, Paris, Editions EHESS, 2005, p. 238-239.