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Jean Rossignol : un vainqueur de la Bastille
mardi 25 décembre 2018
Mémoire justificatif, écrit en 1795
Au Peuple Français
« Je suis né dans cette classe du peuple pour qui le travail est un besoin. Sans fortune comme sans intrigue, je n’ai reçu de mes parents qu’une éducation très ordinaire, un bon métier et l’exemple de la plus austère probité. dans l’ancien régime, je pouvais tout au plus espérer, après quinze ou vingt années de service, devenir caporal ou sergent. Dans le nouveau, j’ai été général en chef.
Je n’ai pas l’amour-propre de croire que j’eusse les talents militaires des généraux illustres dont l’histoire fiât l’éloge, mais j’ai l’orgueil de dire hautement que j’avais au moins autant de courage et de probité qu’eux, surtout un amour brûlant pour ma patrie, pour l’égalité, la liberté et pour le peuple, première vertu des républicains.
On m’a accusé d’avoir trahi mon pays. peu habitué à répondre aux chicanes des procureurs, je sais dire la vérité, je la dis tout entière. Tant pis pour ceux qui ne peuvent s’habituer à ce langage mâle et ferme ! J’aime mieux assister à dix combats, me mesurer corps à corps avec un ennemi, que de répondre à des calomnies artistement entortillées et auxquelles je ne connais rien, sinon que ce sont de belles phrases, de grands mots, dont se servent d’adroits fripons dans les moments orageux, pour ternir la réputation des gens de bien et souvent les envoyer à l’échafaud.
Je donne donc sans plus de mesures un démenti formel à tous ceux qui ont eu l’impudente audace de me peindre, aux yeux de la France entière, comme un traître. Je répondrai aux faits que quelques-uns d’entre eux ont avancés contre moi, avec toute la franchise et la dureté d’un soldat qu’on attaque dans ce qu’il a de plus cher au monde : l’honneur ! J’opposerai des preuves à des allégations vagues et insignifiantes, des écrits à des paroles ; enfin j’offrirai à mes concitoyens le tableau de ma conduite et de mes actions. C’est un compte que je dois aux républicains dont j’ai eu la confiance, je le rendrai fidèlement.
Je brave ensuite les menaces et les sarcasmes des royalistes, des brigands, des chouans et de tous leurs affidés ; ils ne peuvent m’assassiner qu’au nom de leur roi, de leur Dieu ! moi, je les ai combattus au nom de la République française et de l’humanité.
Un vainqueur de la Bastille, un homme du 10 août, un des fondateurs de la République, a fait d’avance le sacrifice de sa vie… Un républicain doit s’estimer heureux quand il peut se dire à lui-même : j’ai travaillé avec désintéressement au bonheur de ma Patrie, j’ai fait tout ce qui dépendait de moi pour assurer son indépendance et sa liberté… Je puis, comme tant d’autres, être emporté par le torrent de la Révolution, mais un jour la postérité me rendra justice !
Je ne connais point encore mon acte d’accusation, mais je juge qu’il doit principalement reposer sur les dénonciations faites contre moi à la Convention par quelques-uns de ses membres : je vais donc les indiquer et y répondre. »
[1] « Vie de Jean Rossignol, vainqueur de la Bastille », ed. Mercure de France, Paris, 2011.
[2] Idem, p. 12 présentation d’Antoine de Baecque.
[3] Idem, p.21.
[4] Idem, p. 25.
[5] Idem, p. 27.