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Le Plan d’Education de Lepeletier de Saint-Fargeau
Qu’en retenir aujourdhui ?
jeudi 11 juin 2015
Le 13 Juillet 1793, Robespierre lisait à la tribune de la Convention le Plan d’éducation de Michel Le Peletier de Saint-Fargeau. Celui-ci avait été assassiné 6 mois plus tôt, le 20 Janvier 1793, pour avoir, le jour même, voté la mort de Louis XVI.
Le 13 Juillet 1793, Robespierre lisait à la tribune de la Convention le Plan d’éducation de Michel Le Peletier de Saint-Fargeau. Celui-ci avait été assassiné 6 mois plus tôt, le 20 Janvier 1793, pour avoir, le jour même, voté la mort de Louis XVI.
Michel Le Peletier de Saint-Fargeau appartenait à une famille noble très opulente et avait été, avant la Révolution, avocat puis président à mortier au Parlement de Paris. Élu député de la noblesse aux États Généraux, il avait été tout de suite l’un des plus ardents défenseurs de la cause populaire. Sa mort en fit, avec Marat et Chalier, un des « martyrs de la liberté ». La Convention lui fit des obsèques nationales et son corps fut conduit au Panthéon.
La question de l’instruction publique devint vite sa principale préoccupation, et il rédigea en décembre 1792 un Plan d’Éducation Publique et Nationale.
Auparavant, en avril 1792, Condorcet avait exposé son fameux plan d’organisation de l’instruction publique à l’Assemblée Législative. Celui-ci prévoyait l’établissement de 4 degrés d’enseignement : les écoles primaires, les écoles secondaires, les instituts et les lycées.
Dans son nouveau projet, Le Peletier était d’accord avec Condorcet concernant les 3 degrés supérieurs de l’enseignement mais il voulait organiser le 1er degré d’enseignement de façon que tous les enfants, même les plus pauvres, reçoivent un commencement sérieux d’éducation. Il instituait donc un monopole d’Etat.
La République prendrait à sa charge tous les enfants de 5 ans à 11 ans pour les filles et de 5 à 12 ans pour les garçons. Tous, sans distinction et sans exception, seraient élevés en commun dans des internats, des « maisons d’éducation » et « sous la saine loi de l’égalité, recevraient mêmes vêtements, même nourriture, même instruction, mêmes soins ».
Ce serait surtout une éducation basée sur le travail manuel et la discipline afin de les préparer à leur future vie sociale. Les idées de Rousseau dans l’Emile étaient, elles aussi, bien apparentes dans ce projet où on enseignerait des principes moraux et professionnels plus qu’un savoir intellectuel. Par ce régime commun et cette éducation commune, on pourrait inculquer à tous les enfants de France arrachés à leur milieu familial des sentiments patriotiques et égalitaires. Ce serait une éducation vraiment nationale et républicaine, commune à tous, la seule capable, selon Le Peletier, « de régénérer l’espèce humaine soit par des dons physiques soit par le caractère moral ». À cette éducation exclusivement laïque, les enfants pourraient recevoir, certains jours, à l’extérieur, un enseignement religieux conforme aux croyances de leurs familles.
Pendant 7 années, tous les enfants seraient donc logés dans de grands édifices appartenant à la nation ou réquisitionnés ( bâtiments religieux, habitations d’émigrés ). Ces internats gratuits seraient financés par un prélèvement annuel calculé en fonction de la contribution directe de chacun. Tous contribueraient donc selon ses moyens à financer les dépenses d’éducation. Les riches payant beaucoup, cela permettrait d’atténuer les inégalités et de rapprocher les conditions. Dans ce système, la République donnait une véritable éducation aux nombreux enfants des familles les plus pauvres qui, jusque là, n’en recevaient aucune. En prenant en charge leurs enfants pendant 7 ans, elle allégeait le fardeau de ces familles indigentes et leur donnait ainsi une certaine aisance.
À 12 ans, âge d’apprendre les divers métiers, les enfants, en bonne santé, aguerris et éduqués, seraient rendus à leurs familles. Celles-ci seraient alors libres de leur faire poursuivre les autres degrés d’enseignement ou de leur apprendre un métier.
On offrirait aussi aux moins fortunés, par concours, une prise en charge des frais d’instruction pour que les plus méritants puissent poursuivre leurs études jusqu’aux degrés supérieurs d’instruction. À la lecture du plan d’éducation de Michel Le Peletier de Saint-Fargeau, en juillet 1793, Robespierre aurait déclaré, avec une sorte d’enthousiasme, à son frère Félix Le Peletier : « C’est admirable, c’est le 1er ouvrage qui soit à la hauteur de la République. »
Ce système fut jugé utopique par certains historiens qui critiquèrent son modèle Spartiate dont l’objectif était la « régénération totale » des enfants pour en faire de vrais républicains.
À l’inverse, il fut commenté avec enthousiasme par Michelet et Jaurès.
Jaurès, en particulier, considéra que ce projet, loin d’être utopique, était au contraire « le terme idéal vers lequel évoluait l’enseignement dans la démocratie française et que, faisant abstraction de la question de l’internat très contre versée, c’est vers le type de l’éducation commune que tout notre système se mouvait. »
Par son décret du 29 Frimaire an II ( 19 Déc. 1793) la Convention n’adopta finalement ni le plan de Condorcet ni celui de Le Peletier.
Comme ce dernier, elle ne s’occupa que des « premières écoles ». L’enseignement serait libre. Le père de famille enverrait ses enfants pendant 3 ans au moins à l’école de son choix. La République subventionnerait les maîtres qui devraient avoir un certificat de civisme. C’est donc un système scolaire libéral, décentralisé mais contrôlé par l’État qui fut adopté.
Il est certain, qu’à notre époque, un projet d’internat comme celui de Le Peletier est inconcevable.
Pour le reste, l’idée toute neuve d’une scolarisation obligatoire et identique pour tous les enfants a fait son chemin. Elle sera réalisée en partie en 1881-1882 avec les lois de Jules Ferry qui instituaient notre école primaire publique, gratuite, laïque et obligatoire. Aujourd’hui pourtant, cette école égalitaire n’est-elle pas remise en cause avec la montée en puissance d’un enseignement privé payant et élitiste ? Le combat de Le Peletier et Robespierre pour l’égalité des chances à l’école est toujours d’actualité.
Pour rejoindre le texte entier du rapport de Saint Fargeau, c’est ici :
Pour aller plus loin, ces publications :
Matthieu Bertozzo, « Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau : l’oublié des journées des 20 et 21 janvier 1793, » : Revue générale du droit on line, 2015, numéro 19218
Cliquez ici
Zazzo René : Projets de Condorcet et de Le Peletier pour l’école de la République [édito]
Enfance Année 1989 Volume 42 Numéro 4 pp. 3-6
A lire ici
Voir en ligne : http://www.persee.fr/doc/enfan_0013...