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Discours de J.P. Marat du jeudi 8 novembre 1792. En réponse aux accusations d’agitateur
mardi 31 mai 2022
« Vils intrigants acharnés de ma perte, rougissez à vos absurdes calomnies. ; elles n’égaront que des imbéciles ou des hommes pris de vin. J’ai conseillé au peuple, il est vrai, de se nommer des chefs momentanés sous le nom de tribuns ou de dictateurs, et seulement pour abattre les conspirateurs que protégeaient les dépositaires de l’autorité. »...
De l’imprimerie de Marat.
Œuvres Politiques de Jean-Paul Marat. Éditions Pôlenordgroup Bruxelles. Tome VIII.
Proposé par Stéfania Dipascale, membre du CA de l’ARBR
« On m’accuse d’être un agitateur, un perturbateur du repos public. Vaines clameurs, répétées par des citoyens crédules, d’après les ennemis de la révolution.
Sans doute mes écrits ont fait le désespoir des faux patriotes, des intrigants, des dilapidateurs, des prévaricateurs et des oppresseurs que j’ai démasqués, des courtisans, des agents ministériels, des députés perfides, des traîtres et des conspirateurs que j’ai déjoué. Que n’ont-il pas fait pour contrebalancer l’influence ? Non contents de les intercepter à la poste, de les saisir chez les distributeurs, de briser mes presses, de jeter dans le cachot les colporteurs, ils ont soudoyé une foule de libellistes pour me diffamer ; ils ont fait circuler, sous mon nom, une multiplicité de faux écrits tendant à égarer l’opinion publique et à l’imprégner des maximes funestes de l’aristocratie et du royaliste. Rien n’a été omis de leur part pour tromper le peuple et il eût peut-être été toujours la dupe de ces imposteurs, si l’impatience de me perdre ne les eût jetés dans des mesures inconsidérées.
Ils avaient soin de faire imprimer ces faux écrits par mes imprimeurs et débiter par mes publicateurs. Le maire Bailly et deux municipaux dévouée comme lui à Motier en ont fait débiter par l’un de mes distributeurs, auquel ils ont offert une somme considérable pour l’éngager à continuer.
Le ministre de l’Interieur les faisait distribuer gratis à Paris par des gens à la livrée du roi, après en avoir inondé le royaume.
À mon retour de Londres où l’atroce expédition du 22 janvier 1792 m’avait forcé de chercher un asile, je trouvai cinq faux Amis du peuple dont les fripons de rédacteurs se disputaient mon nom et ma devise avec le titre de mon journal, en s’accablant chaque jour d’invectives dégoûtantes.
Indigné d’un spectacle aussi grotesque que révoltant, je m’adressai par lettres à la police, pour avoir justice de ces fripons déhontés qui desservaient la cause publique en égarant le peuple.
Les agents de la police prétexèrent mon absence pour mettre de côté mes réclamations.
Réduit à braver et les poignards des assassins et les sbires du Châtelet, je me presentai à quelques fonctionnaires publics pour forcer leur feinte incrédulité et obtenir d’eux l’autorisation de paralyser les presses des faussaires et d’enlever les éditions pseudonymes.
Mes démarches ne furent pas toutes infructueuses. En juin 1790, je dis mettre les scellés, par le district de Saint-Étienne-du-mont, sur les presses du sieur Rozé et j’enlevai, rue Percée, une édition entière d’un faux Ami du Peuple, laquelle déposée à la maire. Ces deux derniers faits se sont passés sous les yeux de Manuel, membre de la Convention, alors administrateur de police. Je le somme de déclarer si j’avance ici une chose qui ne soit conforme à la plus exacte vérité.
Comme je n’ai jamais cessé de poursuivre à outrance les ennemis de la liberté, mon lot fut toujours d’en être persecuté avec fureur. Je dois le dire sans détour. Les meneurs de la clique atroce qui s’acharnent aujourd’hui à ma perte, à quelques nouveaux venus près, sont ces mêmes hommes que j’ai tant de fois dénoncés comme d’infidèles mandataires du peuple, ces même hommes qui, sous le masque du patriotisme, ont si longtemps sacrifié à un cour scélérate les droits et les intérêts de la nation. Dans le nombre sont les Rabaut, les Buzot, les Camus, les Sieyès, les Brissot, les Vergniaud, les Lasource, les Guadet, les Gensonné, les Kersaint, les Cambon, les Barbaroux, les Rebecqui, intrigants barbares et cupides dont les uns, à la faveur d’un massacre concerté à loisir, ont laissé dénaturer la Constitution, pour rétablir le despote dans sa toute puissance et dont les autres, à la faveur d’un nouveau massacre encore plus affreux, allaient fuir de nos murs pour s’installer à Rouen et y décreter la contre-révolution.
Toutes les menées ténébreuses employées contre moi par les scélerats prostitués au despotisme avant la journée du dix, ont été renouvelées par les meneurs de la clique déhontée qui souille la Convention, qui s’efforce de m’en faire exclure, de me fait périr par le fer des assassins et, qui pis est, s’égarer le peuple et de m’en faire massacrer.
Roland, leur patron, qui aurait bien de la peine à prouver qu’ils ne s’est pas fait une liste civile produit d’une patrie des diamants de la couronne, de l’argenterie et des effets précieux enlevés aux émigrés, a fait intercepter mes écrits et ma correspondance à la poste, après avoir inondé les départements de libelles et de placards où il me diffame sans pudeur.
A qui fera-t-il croire qu’il ne dilapider pas journellement les biens nationaux à stipendier une foule de libellistes pour me dénigrer, et à faire imprimer ces libellées sous toute espèce de formats pour être distribués aux membres de la Convention, tandis que les membres du bureau redigent les articles mensongèrs qui se publient journellement dans les papiers publics contre les plus chauds patriotes de la députation parisienne ; tandis que les suppôts de la clique égarent et soulèvent contre moi quelques-uns de mes collègues, une soldatesque égarée et les garde nationaux qu’ils ont appelé clandestinement à Paris pour y appuyer leur desseins criminels ; tandis qu’ils me dénoncent journellement à la Convention Nationale comme Virieu, Montlosier, Régnier, Régnault, Maury, Malouet me dénonçaient à l’assemblée constituante, comme Guadet, Vergniaud, Girardin, Dumolard, Duchastel me dénonçaient à l’Assemblé législative ; sous mon nom pour me traiter de royaliste, ou qu’ils trinquent mes véritables écrits pour me décrire dans l’opinion publique.
Le grand cheval de bataille de me détracteurs est de me peindre comme un homme sanguinaire qui est sans cesse à prêcher le meurtre et l’assassinat. Mais je défie de faire voir autre chose dans mes écrits, si ce n’est que j’ai démontré la nécessité d’abattre quelques centaines de têtes criminelles pour conserver trois cent mille têtes innocentes, de verser quelques gouttes de sang impur pour éviter d’en verser des flots de très pur, c’est-à-dire d’écraser les principaux contre-Révolutionnaires pour sauver la patrie.
Encore n’ai-je conseillé les exécutions populaires que dans les accès de désespoir où me jetait la douleur de voir les lois protéger les traîtres et les conspirateurs échapper au glaive de la justice. Or, J’invite mes détracteurs à soumettre ces conseils à un tribunal de sages et si j’en ai pas son approbation, je consens à passer pour un cannibale. Oui, c’est le plus pur amour de l’humanité, le plus saint respect pour la justice, qui m’a fait renoncer quelques moments à la moderation philosophique pour crier haro sur nos implacables ennemis. Cœurs sensibles et justes, c’est à vous que je m’appelle contre ces hommes de glace qui verraient périr le genre humain sans s’émouvoir, sans sortir des gonds. Les transports de fureur que vous éprouvez à la vue d’une nation entière entraînée dans l’abîme par une poignée de scélérats sont mon apologie. Et le salut public qu’ont toujours assuré ces expéditions populaires sera la seule réponse que j’opposerai à la calomnie.
Mes détracteurs m’accusent aussi d’avoir aspiré à la dictature après l’avoir prêchée. Ils s’amusent sans doute en me faisant ce reproche.
Aspirer à la dictature, moi, pauvre diable, sans amis, sans partisans, sans fortune, sans moyens, sans asile ; moi, que mes nombreux ennemis n’ont jamais laissé jouir vingt-quatre heures entières de la bonne opinion que donnait mon dévouement à la chose publique ; moi qui suis en butte aux traits d’un million d’ennemis puissants, la plupart fonctionnaires publics ; moi qui me vois depuis trois ans réduit à mener une vie errante et souterraine pour échapper aux fers des assassins ; moi que la lâcheté des patriotes a tant de fois forcé de chercher un lit, au milieu de la nuit ; moi qui n’a pas trouvé un seul patriote assez courageux pour se dire mon ami dans les temps de crise, seule époque où l’on pût songer à recourir à la dictature.
Vils intrigants acharnés de ma perte, rougissez à vos absurdes calomnies. ; elles n’égaront que des imbéciles ou des hommes pris de vin. J’ai conseillé au peuple, il est vrai, de se nommer des chefs momentanés sous le nom de tribuns ou de dictateurs, et seulement pour abattre les conspirateurs que protégeaient les dépositaires de l’autorité.
C’était là, selon moi, le seul moyen de sauver la patrie. Pour détruire cette erreur, si c’en était une en effet, que n’en avez-vous montré les dangers ?
Au lieu des armes de la raison, vous m’avez opposé celle des imposteurs et des assassins. Mais pour me réfuter, il fallait avoir sur moi les avantages d’une bonne cause, et il était bien plus facile de me faire égorger. Mais quoi, vous réclamez chaque jour la liberté illimitée des opinions pour vous et vos amis. S’agit-il de moi et des vos antagonistes, vous vous en déclarez les tyrans.
Mes persécuteurs me reprochent d’être un gomma abominable, aux côtés duquel on ne peut prendre place sans être déshonoré, un homme que la terre a tort de nourrir et le soleil d’éclairer, un homme qui e et un reproche continuel à la nature et dont le nom seul est une injure. »
De l’imprimerie de Marat.
Œuvres Politiques de Jean-Paul Marat. Éditions Pôlenordgroup Bruxelles. Tome VIII.