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Saint-Just et le « génie de la jeunesse »
mardi 23 novembre 2021
Dans le cadre de la préparation de notre Congrès consacré à l’enseignement de la Révolution française, notre amie Anne Quennedey, présidente de l’Association pour la sauvegarde de la Maison de Saint-Just à Blérancourt, nous a fait l’honneur d’un texte fort argumenté destiné à inviter les professeurs à évoquer la personnalité et le rôle politique de Saint-Just pendant la Révolution.
Comme il nous a été difficile de l’intégrer dans le sommaire du numéro 118 de l’Incorruptible, nous le publions sur le site persuadés qu’il intéressera de nombreux internautes.
Saint-Just et le « génie de la jeunesse »
Pourquoi Saint-Just peut-il intéresser la jeunesse ? Quelle utilité y a-t-il, pour les enseignants, à évoquer ce personnage historique devant leurs élèves ? En d’autres termes, quelles qualités Saint-Just possède-t-il qui justifient que, parmi les révolutionnaires de premier plan, il mérite d’être connu ? En réponse à ces questions, je crois possible d’avancer trois raisons.
La première tient au caractère de Saint-Just, mélange de curiosité intellectuelle et de courage physique, d’exigence envers soi et de sensibilité pour autrui, qui rejaillit sur son activité comme député pour faire de lui une figure exemplaire d’homme politique au service du peuple. Lorsqu’il est élu à la Convention nationale, Saint-Just est âgé d’à peine vingt-cinq ans mais il possède une solide culture juridique et philosophique nourrie de ses lectures de Montesquieu et de Rousseau et il a déjà rédigé deux essais politiques. Cette formation intellectuelle va lui permettre, dès les premiers mois où il siège à la Convention, de traiter des sujets variés et souvent techniquement complexes, tant juridiques (interventions lors du procès de Louis XVI, présentation à l’Assemblée d’un projet de Constitution) que financiers (analyses de l’effet inflationniste de l’émission déréglée d’assignats) ou militaires (discours sur la réorganisation de l’armée, sur le fonctionnement du ministère de la guerre). La qualité de ses interventions explique que ses collègues le nomment au Comité de salut public en mai 1793 pour rédiger la première Constitution républicaine. Au Comité, Saint-Just se fit remarquer par la rigueur avec laquelle il mit en application les principes républicains et par son travail opiniâtre dans l’ombre des bureaux. Il fut également chargé de rapports marquants : les rapports sur les Girondins arrêtés le 2 juin 1793 et contre les « factions », le rapport du 10 octobre 1793 mettant en place le gouvernement révolutionnaire, et les rapports des 8 et 13 ventôse an II prévoyant la distribution des biens des contre-révolutionnaires condamnés aux indigents. Son travail à Paris fut interrompu par plusieurs missions auprès des armées. Selon ses contemporains, ses décisions énergiques contribuèrent puissamment aux victoires de la République et il se signala aussi par sa proximité avec les soldats. Aux frontières comme au gouvernement, Saint-Just fit montre d’audace et d’inventivité politique : André Breton a pu considérer que son exemple montrait ce dont est capable « le génie de la jeunesse » quand lui est laissé la possibilité de s’exprimer pleinement.
Une deuxième raison de parler de Saint-Just aux élèves est son dévouement pour les plus humbles, d’abord dans l’Aisne puis au gouvernement. Trop souvent, son action politique en l’an II n’est décrite que sous l’angle de la « lutte contre les factions » car il fit à la Convention les rapports qui conduisirent à la mise en accusation de Hébert, de Danton et d’autres prétendus contre-révolutionnaires. Mais Saint-Just fut surtout le principal auteur du grand projet politique de l’an II : l’instauration d’une République démocratique et sociale. Celui qui déclara « Les malheureux sont les puissances de la terre ; ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvernements qui les négligent » œuvra à la mise en place d’un ambitieux programme politique avec son Projet d’institutions républicaines destiné à compléter les mesures sociales et économiques en faveur des pauvres prises quelques mois plus tôt avec les décrets de ventôse. Dans ce travail de longue haleine, Saint-Just prévoit un vaste plan d’assistance sociale mais aussi des institutions qui protègent des violences les femmes et les enfants. Par son engagement en faveur des plus faibles, Saint-Just incarne bien la générosité de la Révolution de l’an II qui vit aussi, le 4 février 1794, l’abolition de l’esclavage.
Enfin, le talent exceptionnel de celui qui fut l’un des orateurs les plus brillants de la Révolution française et l’un de nos plus grands orateurs politiques est une troisième raison de rencontrer Saint-Just. Certaines de ses phrases sont bien connues et souvent citées, mais ses discours méritent d’être lus en entier. Plusieurs, comme son rapport du 10 octobre 1793 ou ceux de ventôse, sont accessibles aux jeunes gens pour peu que leur soit expliqué le contexte dans lequel ils furent prononcés. Au lycée, ils peuvent également être abordés en cours de français dans le cadre de l’objet d’étude « Littérature d’idées ». La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges étant actuellement au programme du baccalauréat avec le thème « Écrire et combattre pour l’égalité », on pourra envisager d’étudier avec les élèves les textes de Saint-Just visant à mettre en place une société plus égalitaire que sont les rapports des 8 et 13 ventôse an II et le Projet d’institutions républicaines.
Professeure agrégée, docteure en littérature Présidente de l’Association pour la Sauvegarde de la Maison de Saint-Just
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