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Théophile Berlier, « petit Montagnard obscur », mais conventionnel attaché à la « probité républicaine. »
Un article de Beranrd Vandeplas vice-président de l’ARBR
mardi 18 janvier 2022
Mais qui était donc, en quelques mots, ce Berlier que l’un de ses collègues désigne comme « un petit montagnard obscur qui affectait un patriotisme exagéré » ?
Th éophile Berlier, « petit Montagnard obscur », mais conventionnel attaché à la « probité républicaine. »
Lors du procès de Louis XVI, après avoir soutenu la thèse que le roi n’était pas inviolable, celui-ci vota contre l’appel au peuple, pour la mort, en ajoutant ces mots : « L’humanité gémit, mais ma conscience commande », et se prononça pour le sursis.
À la convention, sans être précisément Montagnard, il se rapprocha plutôt du côté gauche et vers la fin de la session, fut considéré comme Montagnard car proche de leurs idéaux. Après l’assassinat de Robespierre, il désira que fût poursuivie la politique de l’An II.
Le 23 octobre 1794, comme représentant en mission désigné par la Convention, Berlier envoya une lettre à l’administration du district de Béthune au sujet du patriotisme et de la probité des membres des sociétés populaires. Le même jour, le rapport de Merlin de Douai au nom des Comités mettait en cause le représentant Jean-baptiste Carrier député du Cantal. Celui-ci n’échappera pas au procès (décembre 1794) qui le met en cause concernant les débordement de Nantes malgré l’intervention de Duhem, soulevant le problème de l’immunité parlementaire qu’on ne doit pas mépriser.
Ce procès est à la fois la fin d’un processus et le début d’une nouvelle étape politique, en rupture avec la période Montagnarde. La réaction veut fixer les cadres de la Révolution autour des principes d’une République libérale. Ce procès est porteur de symboles et d’enjeux politiques majeurs. Il amorce la prise de pouvoir des Thermidoriens. À la même période, Thibaudeau s’attaque directement au maintien du maximum (le 3 décembre 1794), et le 4 décembre, Dumont réclame un rapport des Comités contre Lebon au sujet de sa conduite à Arras. etc…
La réaction thermidorienne est en route !
Cependant, cette courte lettre du représentant de la Côte-d’or nous apprend que l’An II des Montagnards n’est pas tout à fait fini.
En mission dans le Nord et Pas-de-Calais à partir du 21 septembre 1794, chargé de l’épuration des autorités, il y établit un tribunal chargé de juger les prévenus d’émigration. Mais en même temps il fit mettre en liberté un grand nombre de détenus enfermés dans l’Abbaye Saint-Vaast. Il écrivit ceci à l’administration du district de Béthune :
« … Vous me demandez de dissoudre la société populaire, et vous m’inviter au moins à la faire épurer.
Quant à la dissolution, c’est un moyen extrême qu’il faut employer qu’à la dernière extrémité parce qu’il viderait les droits du peuple.
Mais pour parvenir à celui de l’épuration, il faudrait au moins un noyau dans lequel on pût mettre sa confiance, et vous ne m’indiqués personnes ; j’attendrai donc que vous m’ayez fait passer les noms de plusieurs Citoyens de cette commune, qui, sociétaires, ayant un patriotisme éprouvé et une probité vraiment Républicaine. » « Salut et fraternité » [1] Signé Berlier.
Berlier, pense « intérêts du peuple et probité républicaine » avant toute prise de décision.
De retour à la Convention, le 9 décembre 1794, il reprit sa place au Comité de législation, chargé alors de l’examen des dénonciations portées contre les Montagnards. Il fut loin de prendre part aux mesures de proscription de ce Comité et n’hésita pas à prévenir ses collègues dénoncés des dangers qui planaient sur eux.
Nommé membre de la Commission des onze pour élaborer les lois organiques de la Constitution, Berlier fut peut-être le seul républicain,dans cette commission, qui élabora la Constitution de l’an III. Le Girondin La Revellière s’exprime ainsi sur lui dans ses mémoires : « Berlier, petit Montagnard obscur, croyant faire de l’esprit [ … ] affectait alors un patriotisme exagéré [ … ] dans la commission, Berlier, sur chaque proposition faite, ne manquait pas d’émettre, pour l’intérêt du peuple,un avis différent du notre… »
Berlier poursuivit sa carrière sous le Directoire. Il soutint parfois des positions contradictoires. Il soutint par exemple le coup d’état de Bonaparte mais montra une sévère opposition à lui accorder le titre d’Empereur et à l’hérédité. « Avec l’hérédité, dit-il,il ne restera plus rien de l’État républicain, pour lequel la France a épuisé ses trésors et sacrifié des millions d’hommes ».
Homme de contrastes, Berlier n’en reste pas moins un homme pour qui le peuple comptait. Sa fidélité profonde à une certaine idée de la République reste constante, comme nous le montre cette courte lettre aux administrateurs du district de Béthune.
Pendant le Directoire, de nombreux jacobins furent guillotinés, exilés ou poursuivis. Modestement, (opportunisme ou habileté ?) Berlier, lui, fit front à la réaction Thermidorienne puis à l’Empire. Il finira par s’y rallier comme d’autres Montagnards et sera exilé le 12 janvier 1816 à Bruxelles. Il ne rentrera en France qu’après la Révolution de 1830 et se retirera dans sa commune de naissance où il finira ses jours, à Dijon.
[1] Orthographe respectée