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Les Jacobins à Arras après la chute de Robespierre

La société des amis de la constitution

samedi 8 mai 2021

LES JACOBINS À ARRAS APRÈS LA CHUTE DE ROBESPIERRE

La campagne haineuse menée par les Thermidoriens, au premier rang desquels s’activait le renégat GUFFROY aurait pu décourager les jacobins de la ville natale de l’Incorruptible.
Il n’en fut rien ainsi que la montre l’étude que l’historien François WARTELLE (de Paris-1, Sorbonne) consacrée aux « Destinées du Jacobinisme dans le Pas-de-Calais entre la chute de Robespierre et le coup d’État du 18 fructidor an VIII »

Les noyaux de militants Jacobins se sont progressivement reconstitués et c’est à leur activité qu’on doit l’organisation de l’émeute arrageoise du 12 pluviôse an III (31 janvier 1795) soit 7 mois après le 9 thermidor.
Aux luttes pour les subsistances sont mêlées les luttes politiques. La bataille est par exemple menée contre la limitation des boulangeries municipales qu’on prétend remplacer par des boulangeries libérales.

Comme les Jacobins réclament en vain la taxation des grains amenés par les cultivateurs sur l’important marché d’Arras, on assiste à des pillages de sacs de grains. La Garde Nationale envoyée pour ramener l’ordre refusant de marcher, les autorités doivent faire appel aux soldats. Cette action a été préparée la veille à la Société Populaire. L’ouvrier imprimeur Linof, membre influent de cette société y a déclaré que le peuple étant souverain, on a le droit de s’insurger contre un arrêté de la commune qui fait acte de despotisme en refusant de rassembler le peuple dans le Temple de la Raison. Ce qu’elle est finalement contrainte de faire.
L’émissaire de la Convention, le représentant GUIOT y prend la parole pour défendre « les fondements libéraux du nouveau régime ». En bon Thermidorien, il prêche aux pauvres « les vertus du travail et la résignation ». Il met en garde « ceux qui foulent le droit de propriété et qui en sont que les successeurs des vaincus du 9 thermidor » « Hâtez-vous, dit-il, d’abjurer la doctrine liberticide de l’égalité qu’on vous a prêchée trop longtemps » Près d’un millier d’Arrageois présents approuvent ce discours, Mais les Jacobins rassemblés autour de Linof n’en poursuivent pas moins leur action en faveur du petit peuple.

Les lois d’avril 1795 obligeant au désarmement des patriotes ne sont appliquées que là où le rapport de forces le permet. C’est ainsi qu’à St Pol 22% du corps civique est désarmé ; mais seulement 10,8 % à Arras et 8 % à Béthune où les Jacobins sont encore influents.
L’autre émeute frumentaire a lieu à Arras le 6 messidor an VII (23 juin 1795).
Elle soulève la population contre l’augmentation du prix du pain qui, bien que moins cher pour les indigents, atteint pour eux 20 sols la livre. Le pain, rappelons-le, est la principale nourriture du petit peuple et le salaire journalier d’un ouvrier n’excède guère ses 20 sols. Les femmes s’attroupent devant l’auberge où logent les conventionnels Merlin de Douai et Delammarre.
La répression qui s’abat sur les émeutiers ne fait pas disparaître les cadres du mouvement qui lancent des pétitions en faveur des meneurs incarcérés.
Les autorités thermidoriennes arrageoises multiplient la surveillance des lieux publics, les internements préventifs et les arrestations des meneurs.
Mais la présence de Babeuf et de Lebois, incarcérés à la prie des Baudets à Arras, galvanise l’ardeur des Jacobins, actifs dans les cafés de la ville, les 4 boutiques et les échoppes. [1]

En vue des assemblées électorales de septembre 1795 la municipalité a procédé à l’exclusion massive de citoyens sur les listes. Le corps électoral a été ramené à 1976 électeurs au lieu de 3969 en l’an Il pour 22 070 habitants.

L’insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV (5 oct. 1795) mobilise les républicains. 600 Girondins, Montagnards et Thermidoriens à nouveau réunis jurent à Arras de mourir pour la Convention et la République. Minoritaires (1/3 environ) mais plus résolus, les Jacobins reconstituent les clubs illégaux, se battant pour l’égalité sociale, la démocratie directe, le contrôle des subsistances, la lutte contre les émigrés et les prêtres réfractaires. On compte parmi eux 250 Babouvistes à Arras. [2]

À la poussée royaliste de 1797, on assiste à des affrontements et bastonnades violents entre Jacobins et Muscadins. La contre-révolution se renforce. Les Jacobins représentant 32 % des Arrageois soutenant la République en 1795, sont 17 % en 1797, car les républicains y sont de moins en moins nombreux et de plus en plus conservateurs. La seule évocation de la Constitution de 1793 est désormais justifiable de la peine mort.

Bruno Decriem
Vice-président de l’ARBR

[1Bulles de la Commission départementale d’Histoire et d’archéologie du Pas-de-Calais, (Tome X11).

[2En l’An IV à Béthune : 31,4 % des Jacobins sont Artisans, 26,5 % marchands, 16,4 % employés, 10 % de professions libérales, 6,5 % salariés, 5 % Vétérans ou soldats.