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Les femmes et la révolution » Stéphane Bern, Non merci !
mardi 13 avril 2021
en français
Le magazine de 115 pages est alléchant avec ses photos en papier glacé et un choix iconographique, il faut le dire, assez judicieux. (De nombreuses reproductions de tableaux, pour la plupart du XIXe siècle cependant.)
Mais sur le fond, quelles images flatteuses des femmes et quelle idéologie l’historien véhicule-t-il ?
On y trouve évidemment les personnages du « fond de commerce » de Stéphane Bern, et d’abord bien sûr « cette pauvre victime immolée », Marie-Antoinette (partout : en couverture, au Trianon, au Tribunal révolutionnaire) « étonnamment moderne » nous dit l’historien Antoine de Baecque, qu’on a connu plus inspiré !
Puis on assiste à la narration de toute une série de destins de personnages féminins de la cour ou de la grande bourgeoisie, « celles de la Haute » : Madame de Polignac, Madame Necker, Madame Élisabeth, Madame Royale, Madame de Staël.
Le cœur du magazine est consacré – c’est le sujet – aux femmes de la Révolution. Dans des articles « grand public » assez développés, on retrouve les incontournables figures féminines « à la mode » : Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt, Madame Roland, Charlotte Corday !
Aussi, les épouses de deux grands révolutionnaires sont étudiées : Lucile Desmoulins et Antoinette-Gabrielle Danton.
Quelques bonnes surprises sont à noter : l’évocation de la marche des femmes sur Versailles en octobre 1789 et quelques interviews intéressantes (de Michelle Perrot, Pierre Schoeller, et surtout de Christine Le Bozec). Que font-ils donc dans cette galère ?
Plusieurs biographies de révolutionnaires s’ajoutent à cette galerie de femmes (Mais quelle stupidité de les mettre en page à liseré bleu !) : Danton, Mirabeau, Saint-Just, Marat, … et Robespierre bien sûr !
« Robespierre l’intransigeant » s’étale sur deux pages, et on y lit les calomnies habituelles : « despotisme », « aisance déconcertante à distribuer la mort » « Souvenir de l’assassin dans la mémoire collective », etc
Le texte (de Marie Guiffray) est souvent contradictoire, comme si, aujourd’hui, on ne pouvait plus s’en tenir à la caricature thermidorienne et pour être à la mode user du « en même temps » , elle évoque aussi « un personnage complexe » faisant de l’égalité son combat, luttant contre l’esclavage et la peine de mort, et contre toutes les discriminations.
Le bilan de l’article n’en demeure pas moins très déséquilibré : Comment alors, affirmer que Robespierre est « à priori le plus haïssable des hommes de la Révolution, désavoué par l’Histoire » ?
On trouve également, ce qui rare dans un magazine, une double page sur « Charlotte Robespierre, la petite sœur de l’Incorruptible ».
Mais quelle sournoise intention d’évoquer sa « trahison » envers ses frères, à un moment où l’hystérie meurtrière contre Robespierre en Thermidor [1] n’incitait guère à la nuance en laissant insinuer que Charlotte emprisonnée, par lâcheté, n’avait fait que sauver sa vie en tenant des propos nuancés prudents !
Et puis, ce côté « cancan » avec Éléonore et les Duplay, ou comment faire « people » avec l’histoire ! Rien à faire, c’est dans l’ADN de « Secrets d’histoire » et de son présentateur médiatique ! Faisons de l’audimat et remplissons les « parties de cerveaux disponibles [2] »
Ne nous laissons pas tromper. Revenons à l’histoire sérieuse !
In English
(Stéphane Bern’s ’Secrets of History’ TV programme also has its own spin-off magazine, and a special winter 2019-2020 issue could not fail to catch my eye. It was entirely devoted to ’Women of the Revolution’, a rather fashionable theme at the moment).
The 115-page magazine is attractive with its glossy photos and a rather judicious choice of iconography (many reproductions of paintings, most of them 19C).
But what flattering images of women and what ideology does its historical histrionics convey ?
We obviously find the characters of Stéphane Bern’s « stock in trade », first of all of course « this poor sacrificial victim », Marie-Antoinette (everywhere : on the cover, at the Trianon, at the Revolutionary Court), « astonishingly modern » as historian Antoine de Baecque, who we have known to be more inspired, tells us !
Then we witness the narration of the fates of a whole series of female characters from the court or upper middle class, « those of the High Society » : Madame de Polignac, Madame Necker, Madame Élisabeth, Madame Royale, Madame de Staël.
The heart of the magazine is devoted - and this is the subject - to women of the Revolution. In fairly well-developed « general public » articles, we find the unavoidable « fashionable » female figures : Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt, Madame Roland, Charlotte Corday !
Also, the wives of two great revolutionaries are studied : Lucile Desmoulins and Antoinette-Gabrielle Danton.
Some good surprises are to be noted : the evocation of the women’s march on Versailles in October 1789 and some interesting interviews (of Michelle Perrot, Pierre Schoeller, and especially of Christine Le Bozec). What are they doing in this mess ?
Several biographies of revolutionaries are added to this gallery of women (but what stupidity to put them on pages with blue borders !) : Danton, Mirabeau, Saint-Just, Marat, ... and Robespierre of course !
« Robespierre l’intransigeant » is spread over two pages, and we read the usual slanders : « despotism », « disconcerting ease in dealing out death » « Memory of the Murderer in the collective memory », etc.
The text (by Marie Guiffray) is often contradictory, as if, today, one could no longer stick to the Thermidorian caricature and to be fashionable use the « at the same time », she evokes « a complex character » making fighting for equality, against slavery and the death penalty, and against all discriminations.
The article is nevertheless very unbalanced : how can we say that Robespierre is « a priori the most hated man of the Revolution, disavowed by History » ?
There is also, unusually in a magazine, a double page on « Charlotte Robespierre, the little sister of the Incorruptible ».
But what a sly intention to evoke her « betrayal » of her brothers, at a time when the murderous hysteria against Robespierre in Thermidor [1] hardly encouraged nuance by implying that the imprisoned Charlotte, out of cowardice, had only saved herself by making cautious, nuanced remarks !
And then, this ’cancan’ side with Éléonore and the Duplay family, or how to make ’people’ of history ! Nothing to do, it’s in the DNA of Secrets of History and its media presenter ! Let’s get ratings and fill up the « available brains [2] ».
Let’s not be fooled. Let’s get back to serious history !
[1] Le 10 thermidor ses deux frères seront guillotinés ainsi que 21 de ses amis. Dans les semaines qui suivront ce sont de milliers de jacobins qui seront à leur tour guillotinés.
[2] Propos attribués à Patrick Le Lay, patron de TF1