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Les supplices et massacres de la « terreur blanche »
Un article de Christian Lescureux
jeudi 21 mars 2019
Après l’exécution de Robespierre
Dans son ouvrage « La réaction thermidorienne » [1] Mathiez consacre un important chapitre de trente pages à la « Terreur Blanche. »
Cette « Terreur », dit-il, c’est l’ensemble des représailles, des attentats et des massacres exercés contre les agents de l’ancien gouvernement. Elle a duré plus d’un an, aussi longtemps au moins que la « Terreur rouge ».
Elle s’est continuée sporadiquement pendant les premières années du Directoire et elle n’avait pas encore tout à fait disparu sous le Consulat. Elle se ralluma brusquement après le retour des Bourbons en 1815.
Louis Blanc a dit qu’elle dépassa en horreur même les massacres de septembre, même les mitraillades de Collot d’Herbois, même les noyades de Carrier.
Les abominations de la Terreur rouge, écrit Mathiez, avaient au moins une excuse. Elles étaient causées par l’invasion, par l’approche ou la victoire de l’ennemi extérieur ou intérieur… Or la Terreur blanche éclate quand nos armées sont partout victorieuses.
Les massacreurs, qui se font appeler « compagnie de Jéhu, de Jésus ou du Soleil », n’ont pas conscience de se livrer à une besogne patriotique. La plupart exercent des vengeances personnelles, ils connaissent l’ennemi désarmé qu’ils frappent sans pitié. C’est une tuerie sans idéal. La Terreur rouge, presque toujours, avait procédé selon les formes, d’après les lois : la répression s’était faite au grand jour dans des tribunaux ou des commissions militaires analogues à nos conseils de guerre. La Terreur blanche, à l’inverse, viole toutes les règles, c’est une succession d’assassinats purs et simples perpétrés souvent la nuit, au domicile des victimes ou dans les prisons dont les portes sont forcées.
Les exécuteurs de la Terreur rouge, dit Mathiez, étaient des âmes sombres et fanatiques qui se croyaient en état de légitime défense. Ils opéraient à visage découvert. C’étaient souvent des hommes du peuple. Les acteurs de la Terreur blanche masquent leurs traits sous un loup avant d’aller à leur ignoble besogne. II y a dans le nombre des gens de bonne compagnie, aux belles manières, qui, le crime commis, vont raconter leurs exploits dans les salons.
Les représailles contre les hommes du parti montagnard ont progressé en même temps que la réaction gouvernementale. Elles ont été essentiellement des vengeances privées, mais elles ont aussi longtemps bénéficié d’un laisser-faire de l’autorité publique et même de son rôle actif dans l’organisation du drame.
Les représailles sanglantes commencent après que la loi du 21 ventôse ait autorisé la rentrée en masse des émigrés du 31 mai qui vont donner à la Terreur blanche ses chefs et ses exécutants. La vengeance s’exercera désormais non seulement contre les membres de l’ancien personnel révolutionnaire mais aussi sur les acquéreurs de biens nationaux.
La loi du 5 ventôse qui mettait sous surveillance les membres des administrations des municipalités, des comités révolutionnaires et des tribunaux avant Thermidor les désignait au mépris public et aux vengeances de même que le décret des 21 et 22 germinal qui ordonnait le désarmement des « terroristes » Dès lors les violences se déchaînent sans frein. Elles sont conduites cette fois par des hommes qui non seulement ont porté les armes contre la République, mais qui ont trouvé refuge auprès de l’ennemi. La « Terreur blanche » atteint son apogée en floréal et en prairial. La répression contre la révolte populaire des premiers jours de prairial (20-23 mai 11795) favorisa celle-ci. » C’est l’époque des grands massacres.
La « Terreur blanche » commit surtout ses sinistres exploits dans les départements qui avaient pris parti pour la Gironde et avaient résisté à force ouverte contre la Convention dans l’été 1793, c’est-à-dire en Provence, et en Languedoc, dans les vallées du Rhône et dans les départements adjacents.
Les « Compagnies de Jéhu, de Jésus ou du Soleil » pourchassaient, torturaient exécutaient les sans-culottes connus et leurs familles. A Lyon le massacre des Jacobins commença en hiver : les assassinats eurent lieu tous les jours et eurent pour couronnement un grand massacre dans les prisons le 16 floréal qui fit 99 victimes. Les sabreurs se déchaînèrent à Aix et à Nîmes, ils massacrèrent les 100 prisonniers du Fort St Jean à Marseille avec la complicité du représentant Cadroy. En messidor les 80 prisonniers du fort de Tarascon subirent le même sort, leurs cadavres furent jetés dans le Rhône.
La guerre civile du midi connut des supplices plus atroces encore que ceux de la chouannerie car elle bénéficia du concours et de la protection des autorités nommées par les thermidoriens.
l’Incorruptible n° 75 1er trimestre 2011
[1] La réaction Thermidorienne, d’Albert Mathiez. Présentation de Yves Bosc et Florence Gauthier. Éditions La fabrique