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Le Vieux Cordelier, le journal de Camille Desmoulins
Le premier numéro du « Vieux Cordelier » est comme un manifeste de la pensée des Indulgents.
lundi 12 octobre 2015
Lancé le 15 frimaire an II (5 décembre 1793), le premier numéro du « Vieux Cordelier » est comme un manifeste de la pensée des Indulgents. Par son style, ses allusions antiques précises, son allure oratoire, le journal de Camille Desmoulins a un air volontiers « intellectuel ». On est loin du « Père Duchesne » d’Hébert.
Robespierre y est félicité parce qu’il a soutenu Danton aux Jacobins.
L’article se termine par un éloge de la liberté de la presse dont le journaliste saura faire bon usage.
Camille Desmoulins est alors entièrement soumis à l’influence de Danton et orchestre sa propagande ; mais il est sans doute encore très sincère en se réclamant en même temps de sa fidélité à Robespierre.
Pour sa rentrée, dans l’arène révolutionnaire, dont il s’était momentanément éloigné, Camille Desmoulins suggère que les ultra-révolutionnaires, les hébertistes, qu’il ne nomme pas directement, sont des agents de Pitt [1] : celui-ci ne pouvant abattre la Révolution de face, fait ainsi en sorte qu’elle se détruise elle-même.
Dès les premières pages du journal, Camille fait l’éloge de Robespierre : « Ceux qui en ont fait les cinq campagnes, depuis 1789, ces vieux amis de la liberté, qui, depuis le 12 juillet, ont marché entre les poignards et les poisons des aristocrates… Les fondateurs de la République, en un mot, ont vaincu… La victoire nous est restée, parce qu’au milieu de tant de ruines de réputation colossale de civismes, celle de Robespierre est debout ; parce qu’il a donné la main à son émule des anciens Cordeliers… [2].
Il y fait aussi l’éloge de la liberté de la presse :
« Nous n’avons plus de journal qui dise la vérité, du moins toute la vérité. Je rentre dans l’arène avec toute la franchise et le courage qu’on me connaît. Nous nous moquions, il y a un an, avec grande raison, de la prétendue liberté des Anglais, qui n’ont pas la liberté indéfinie de la presse ; et cependant quel homme de bonne foi osera comparer aujourd’hui la France à l’Angleterre, pour la liberté de la presse ? Voyez avec quelle hardiesse le Morning Chronicle attaque Pitt et les opérations de la guerre ! Quel est le journaliste, en France, qui osât relever les bévues de nos Comités, et des Généraux, et des Jacobins, et des Ministres, et de la Commune, comme l’opposition relève celle du ministère britannique ? Et moi Français, moi Camille Desmoulins, je ne serais pas aussi libre qu’un journaliste anglais !
Je m’indigne à cette idée. Qu’on ne dise pas que nous sommes en révolution, et qu’il faut suspendre la liberté de la presse pendant la révolution. Est-ce que l’Angleterre ; est-ce que toute l’Europe n’est pas aussi en état de révolution ?
Les principes de la liberté de la presse sont-ils moins sacrés à Paris qu’à Londres, où Pitt doit avoir une si grande peur de la lumière ? Je l’ai dit, il y a cinq ans ; ce sont les fripons qui craignent les réverbères. Est-ce que, lorsque d’une part, la servitude et la vénalité tiendra la plume, et de l’autre la liberté et la vertu, il peut y avoir le moindre danger que le peuple, juge, dans ce combat, puisse passer du côté de l’esclavage ? Quelle injure ce serait faire à la raison humaine, que d’appréhender ! Est-ce que la raison peut craindre le duel de la sottise ? Je le répète, il n’y a que les contre-révolutionnaires ; il n’y a que les traîtres ; il n’y a que Pitt qui puisse avoir intérêt à défendre, en France, la liberté même indéfinie de la presse ; et la liberté, la vérité, ne peut jamais craindre l’écritoire de la servitude et du mensonge [3]… »
Dans les numéros suivants les attaques du journal contre la Terreur et le Comité de Salut Public provoqueront une réprobation puis une condamnation de Robespierre.
[1] William Pitt le Jeune (28 mai 1759-23 janvier 1806) est un homme politique britannique de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Il devint le plus jeune Premier ministre britannique lors de son élection en 1783 à l’âge de 24 ans (même si le terme de premier ministre n’était pas encore utilisé). Il quitte le poste en 1801 mais redevient premier ministre de 1804 jusqu’à sa mort en 1806. (Source wikipédia
[2] Danton, NLDR
[3] Journal, « Le Vieux Cordelier », de Camille Desmoulins, n°1 (5 décembre 1793). (Réédition, 1989, Belin).