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Une rue Robespierre à Manosque

lundi 9 février 2015

Notre ami Monsieur Claude Testanière est un admirateur de Robespierre et il nous a semblé intéressant de reproduire sa lettre à la municipalité.

Que cette initiative puisse servir d’exemple à tous ceux qui regrettent l’absence d’une rue, d’une place ou d’un édifice au nom de Robespierre.


Manosque, le 3 Juin 2013

M. Claude TESTANIERE
04100 MANOSQUE

A

Monsieur Le Maire

Objet : Hôtel de Ville

Attribution de nom de rue. 04 100 MANOSQUE

Monsieur Le Maire,

La Commune de Manosque s’étend, de nouveaux lotissements sourdent de terre, de nouvelles voies sont tracées et, à cette occasion, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir réserver à l’une d’entre elles le nom de ROBESPIERRE, l’Incorruptible.

J’ai remarqué, à la lecture de l’excellent ouvrage [1] publié par le Comité du Patrimoine Manosquin consacré aux noms des rues manosquines qu’aucune n’était dédiée à cette grande figure de la Révolution française et de la République.

Pourtant ses pensées et ses actes restent, pour l’essentiel, d’une grande modernité.
Qu’on en juge.

C’est lui qui, pour la première fois à la mi-décembre 1790, employa la formule « Liberté,

Egalité, Fraternité » devenue depuis la devise de notre Nation toute entière.

C’est lui qui a donné et proposé la citoyenneté pour les Juifs [2], [3] qui a proposé l’abolition de l’esclavage, qui a fait voter la reconnaissance des enfants naturels, le premier à défendre le suffrage universel dont vous êtes issu en qualité de Premier Magistrat de la Ville, le premier à aborder le non cumul des mandats, le premier à proposer le contrôle des prix de première nécessité…

Je pense que ce serait faire œuvre de pédagogie envers les plus jeunes et d’éducation
populaire envers tous, que de reconnaitre ce grand personnage en lui accordant le nom d’une rue car, il n’est connu aujourd’hui, dans l’opinion, que comme un épouvantail !

Il est devenu, au fil du temps, la figure du repoussoir qui sert aux ennemis de la République pour personnifier la tyrannie, la violence et l’extrémisme.

N’esquivons pas la critique.

ROBESPIERRE fut effectivement un des acteurs de ce qui est nommé « La Grande Terreur ».

Il s’agit d’une période de deux mois (10 juin au 27 juillet 1794) causant la mort de 1376 personnes. [4] Nul ne peut éprouver aucun plaisir à cela, et vous comme moi, sommes opposés à la peine de mort. Mais cette violence est peu, comparée à celle exercée pendant des siècles par les Rois de France, qui cautionnaient les pires massacres et les tortures.

La période était d’une rare brutalité et ne fut pas close avec la mort de ROBESPIERRE.

Au sein du « Comité de Salut Public », structure collégiale élue et réélue chaque mois au sein de la Convention, il n’en fut qu’un membre et ce n’est pas lui qui fut à l’origine de la « Loi des suspects ».

Dans le genre des faux procès qui lui furent intentés, certains tentent parfois de lui imputer les 2585 condamnations à mort prononcées par le tribunal révolutionnaire de Paris. Savent-ils que ce n’est pas ROBESPIERRE mais DANTON qui a été son initiateur ?

Pourtant, et c’est heureux, personne ne songerait à débaptiser la rue DANTON !

La figure la plus célèbre et sinistre de ce tribunal, l’accusateur public FOUQUIER-TINVILLE entra à plusieurs reprises en conflit. Au point que l’Incorruptible tenta en vain de le faire destituer pour arrêter ses excès.

D’autres tentent d’imputer à ROBESPIERRE les mesures de police politique et de surveillance qui étaient appliquées sous la Terreur. Or celles-ci étaient supervisées par le « Comité de sûreté générale », dirigé par VADIER et totalement indépendant de ROBESPIERRE.
Ce dernier était tellement consterné par le développement de l’arbitraire policier qu’il obtint du « Comité de Salut Public » la création d’un bureau de police administrative destiné à contrôler la légalité des agissements de la police.

Enfin, un dernier faux procès a consisté à rendre ROBESPIERRE responsable de la répression en Vendée.
Cette accusation a encore resurgi récemment sous la forme d’un magazine diffusé sur
France3, le 7 mars 2012 sous le titre : « ROBESPIERRE, bourreau de la Vendée ? ».
Une grotesque manipulation qui a été dénoncée publiquement par des historiens de plusieurs universités [5] une-splendide-lecon-d’anti-methode-historique

La réalité est que ROBESPIERRE n’a nullement été impliqué dans les exactions commises lors de la guerre civile vendéenne. Son seul rôle connu a été de faire rappeler CARRIER [6] après avoir été informé des massacres perpétrés à Nantes sous l’autorité de ce dernier.

C’est au contraire BARRERE qui représenta la vraie continuité « terroriste » du Comité en étant le seul resté en place tout au long des 17 mois de son existence. C’est lui qui appellera aux pires excès et « déplorera que la Vendée existe encore ».

BARRERE qui eut la vie sauve et qui fut un des principaux organisateurs du coup d’état de Thermidor pour renverser ROBESPIERRE. Avait-il tant de crimes à se reprocher ?

Ma conclusion, je la laisse à Claude MAZAURIC [7]

« Lui (ROBESPIERRE) qui refusa de façon prémonitoire et avec gravité, l’usage pénal de la peine de mort en 1791, lui qui chercha systématiquement, dès l’automne de 1789, à éviter l’entraînement vers la guerre civile qui menaçait l’avenir des premières réformes, lui qui dénonça le recours à la guerre étrangère comme diversion et méprisa les formes de la violence sauvage comme l’Ancien Régime en avait offert le spectacle jugé édifiant depuis trois siècles, n’ disposé au cours de ces quatre années de lutte politique publique que d’une seule arme : la force de sa parole, sa vertu d’homme public incorruptible, la clarté de ses principes et le soutien de ses compagnons. Devenu homme d’État la dernière année de sa vie et à la demande expresse de la Convention, laquelle, rappelons-le, ne perdit jamais le contrôle de la direction politique de la France en révolution, il consacra toute son énergie à assurer la victoire de la France républicaine, à l’intérieur, mais aussi aux frontières, contre toute l’Europe coalisée des têtes couronnées, des princes, des seigneurs et des prélats, persuadés en outre qu’un grand peuple capable de consentir de si grands sacrifices avait besoin d’une foi dans la transcendance de la vertu pour construire le monde apaisé à venir auquel il aspirait. » [8]

Voilà, Monsieur le Maire, les raisons qui motivent ma demande et je vous remercie pour l’accueil que vous lui accorderez en vous priant de recevoir mes respectueuses salutations.

Claude TESTANIERE


[1Manosque ses Rues et des Images Jean Louis CAUDEN et Olivier de VASSON Edité par le Comité du Patrimoine Manosquin.

[2Après les avoir exclus de tous les honneurs, même des droits à l’estime publique, nous ne leur avons laissé que les objets de spéculation lucrative. Rendons-les au bonheur, à la patrie, à la vertu, en leur rendant la dignité d’hommes et de citoyens ; songeons qu’il ne peut jamais être politique, quoiqu’on puisse dire, de condamner à l’avilissement et à l’oppression, une multitude d’hommes qui vivent au milieu de nous ». Discours à l’Assemblée constituante sur le droit de vote des Juifs in Archives Parlementaires, 1re série, tome X, séance du 23 décembre 1789

[3Manosque a connu un massacre des Juifs le 3 Mai 1495, par une population excitée par les Moines Carmes et Observantins.

[4La République jacobine - Marc BOULOISEAU- Collection Points Histoire - pages 232 et suivantes.

[5Le mécanisme propagandiste de l’émission a été démonté, pièce par pièce par deux historiens de la Révolution, Marc Belissa (Université Paris Ouest Nanterre-La Défense) et Yannick Bosc (Université de Rouen) http://revolution-francaise.net/201...

[6La révolution française Albert SOBOUL Gallimard pages 379 et suivantes

[7Historien, spécialiste de la Révolution française, professeur émérite d’histoire moderne à l’Université de Rouen. Auteur de nombreux ouvrages de référence notamment « ROBESPIERRE Ecrits » Messidor Editions sociales

[8Préface In Robespierre reviens ! Alexis Corbière et Laurent Maffeïs Editions Bruno Leprince