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Les nouveaux riches après Thermidor.
Un article de Bernard Vandeplas
jeudi 17 avril 2025
Les nouveaux riches après Thermidor
La révolution thermidorienne amène une évolution vers les partis modérés, la bourgeoisie revient au pouvoir par la défaite de la sans-culotterie. Elle veut conserver les avantages acquis en 1789, mais ramener aussi la Révolution dans les bornes qu’elle lui avait fixées. Elle veut faire table rase de toutes les innovations des Montagnards dans le domaine social comme dans le domaine politique. L’épuration des gens de l’an II s’accélère : les membres des Comités de Salut Public et de Sûreté générale sont pourchassés ; les vainqueurs de Robespierre eux-même, Montagnards ou Jacobins trop exaltés aux yeux des modérés sont décrétés d’accusation. Les Girondins proscrits du 2 juin 1792 reviennent à la Convention. La réaction se poursuit contre les institutions : suppression du Tribunal révolutionnaire, des Comités de surveillance et des sociétés populaires. Les lois terroristes sont rapportées ; d’abord celle du 22 prairial : les suspects sont libérés en masse ; surtout l’abolition du maximum a pour conséquence l’effondrement de l’assignat. La lutte anti-religieuse se poursuit quelques mois encore jusqu’au début de 1795 où la liberté des cultes sera proclamée.
La province subissant toujours les contre-coups des évènements parisiens est plus lente à comprendre, puis suivre les évènements de thermidor. Les autorités locales formées de bons sans-culottes n’ont vu d’abord dans la révolution thermidorienne que la chute des triumvirs et de nombreux jacobins comme Mirande dans la Cantal (Mauriac) et Lantrac dans le Gers (Auch) par exemple y ont applaudi pour s’aligner sur les décisions parisiennes. On restaient persuadé que la politique montagnarde continuait. Ceux qui avaient renversé Robespierre n’étaient-ils pas pour un grand nombre des Montagnards ?
Les conséquences politiques et sociales du cataclysme de Thermidor sont énormes. Les ouvriers parisiens, passifs au 9 thermidor et qui ont attendu avec une certaine joie la fin du maximum sont maintenant édifiés. La faim, la misère et aussi les menaces contre la Constitution de 1793 les tirent de leur apathie. « Du pain et la Constitution ! » tel est le mot d’ordre des derniers soubresauts populaires. Mais il est trop tard et la situation est bien changée. Ils n’ont plus de chefs, plus d’organisation, plus de milices ; ils sont voués à la défaite.
L’émeute du 1er avril 1795 n’est qu’une confuse manifestation, le soulèvement du 20 mai est plus violent, mais l’Assemblée a pris ses précautions. Les Jeunesses dorées interviennent, mais également la garde nationale et surtout des détachements de l’armée. Ce que les troupes royales n’ont pas fait en 1789, les soldats formés par la Convention l’accomplissent en 1795, et matent l’insurrection. Cette intervention dans la politique intérieure inaugure une nouvelle période. On ne verra plus aucun mouvement populaire à Paris jusqu’en 1830.
En même temps, dans ce désordre, la spéculation est reine et les nouvelles fortunes éclosent très vite. On assiste à une vaste liquidation de tout ce que l’État avait mis sous son contrôle. Il n’est pas un lieu à Paris où l’on ne trafique et agiote selon les témoin du temps.
De cette agitation aux groupes se détachent. Celui des négociants et des armateurs spécialisés dans le commerce maritime, puis dans le groupe des banquiers. L’emprise des hommes d’affaires sur le régime qui se met en place s’instaure. La Convention montagnarde affichait et considérait l’argent comme suspect. Maintenant le goût de l’argent, du luxe, des plaisirs, s’étalent partout. Des salons mondains apparaissent et donne le ton à l’opinion bourgeoise (Madame Tallien, Madame Récamier, Madame de Staël…).
Une nouvelle élite dirigeante apparaît. Elle représente la propriété et la richesse. Elle parle du peuple avec dédain. La nouvelle Constitution, rejette les tendances collectives de celle de 1793 et fait disparaître le principe fondamental de l’égalité de tous les hommes.
Les inégalités de fortune, de condition, de capacités, d’autorité, sont naturelles et positives. Les nouveaux riches s’épanouissent, engendrés par la spéculation sur les biens nationaux et les assignats, par les fournitures aux armées et l’exploitation de la disette. Certains vont jouer un rôle notable dans le développement du capitalisme moderne en France, au détriment des plus humbles.
L’esprit égalitaire et démocratique était mort avec ce Coup d’État de Thermidor, le peuple n’est plus idéalisé et il est à surveiller et punir. Les nouveaux riches ont gagné une partie !

