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Sieyès, lettre à Palloy. mars 1792

lundi 5 janvier 2015

Emmanuel Joseph Sieyès envoie une lettre de remerciement à Palloy, pour une médaille célébrant la prise de la Bastille, le 12 mars 1791.

Qui est Palloy ?
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« Dès le soir du 14 juillet, des groupes d’ouvriers affluent vers la forteresse. Ils ont pour tâche de la démolir sous la direction d’un certain Pierre-François Palloy, maître maçon et entrepreneur en bâtiments alors âgé de trente-quatre ans qui, avant même d’obtenir une quelconque autorisation de la municipalité, de son seul fait, d’organiser et de superviser les opérations. Palloy ne fait pas partie de l’élite politique traditionnelle ». [1]

« Palloy parvient à s’affirmer comme un acteur incontournable en ce début de Révolution. Ses innombrables interventions devant l’Assemblée, ses discours, les cérémonies qu’il organise, les objets souvenirs qu’il conçoit en font un personnage de premier ordre sur le théâtre des événements parisiens.

Le chantier de la Bastille, talisman de Palloy, exerce pour lui une fonction protectrice essentielle. Jusqu’en 1792, son itinéraire politique est celui d’une ascension irrésistible.

A partir de cette date toutefois, son image se trouble et son parcours prend une tournure plus chaotique : le démolisseur doit affronter à plusieurs reprises les invectives de ses contemporains. Pourtant, il parvient toujours à organiser sa défense avec succès, continuant à revendiquer jusqu’à sa mort, en 1835, son rôle et sa place !

Après le 9 Thermidor, Palloy cherche à s’attirer les faveurs des régimes successifs. Il multiplie les démarches, envoie des médailles.
Palloy prétend rester fidèle à ses opinions anciennes, imitant en cela les Thermidoriens qui affirment continuer à adhérer aux principes de la Révolution.

Il affecte donc d’être jacobin et organise chaque année une cérémonie commémorant l’anniversaire de l’exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793 ». [2]

Il semble avoir exercé une forme de monopole sur la production des médailles commémorant la prise de la Bastille et sa démolition. Par son invention de la Bastille comme objet de médaille, Palloy initie un renouvellement notable des thèmes représentés.

Au mois de mars 1792, la Bastille est de nouveau représentée à l’occasion de la remise des comptes de Palloy devant l’Assemblée nationale, alors que la démolition est terminée depuis presque un an. Dans ce moment crucial, il entend rappeler au plus grand nombre son engagement patriotique en offrant une médaille aux électeurs de 1789, ceux-là même qui l’ont soutenu aux origines de sa folle entreprise en lui attribuant officiellement la responsabilité du chantier dont il vient de s’emparer.
Par ailleurs, à la même époque, Palloy multiplie les dons aux députés de la Constituante, aux députés de la Législative...

Le printemps 1792 correspond donc à une période de production intense qui permet à Palloy de rappeler à tous son engagement révolutionnaire.

Son envoi à Sieyès et la réponse nous prouve l’activité de Palloy auprès des députés apôtres de la Révolution depuis ses origines.

La lettre de Sieyès à Monsieur Palloy, Patriote, résident à Paris, du 12 mars 1791 est ainsi écrite :

« J’ai reçu une médaille que Monsieur Palloy, patriote a bien voulu m’envoyer, je le prie de recevoir l’expression de ma sensibilité et de ma reconnaissance pour un monument qui nous rappelle le plus beau temps de notre Révolution, et me paraît propre à ranimer l’esprit public et l’honneur de la liberté [3] ».

Cette lettre nous montre que ce maître maçon, entrepreneur de travaux public a établi tout un réseau. Il a envoyé à un homme de premier plan (Sieyès), une médaille commémorative de la prise de la Bastille.

Cette médaille est un symbole fort de la Révolution Française, Sieyès ne s’y trompe pas : elle rappelle « les plus beaux temps de la Révolution... »

Cette médaille offerte est pour Sieyès, une marque d’un attachement à cette Révolution de 1789. Un temps qui tend à être dès ses débuts mythifiés : un temps d’alliance, d’unité entre toutes les composantes patriotiques, un temps ou le peuple entre en politique, un peuple en action, un peuple fondateur et acteur de la révolution.

Une première mémoire du 14 juillet 1789 s’inscrit et par extension, une histoire de la Révolution.
Palloy a été un acteur majeur de la construction du mythe de la Bastille par son œuvre, proche de la culture populaire.

Vandeplas Bernard, docteur en Histoire Contemporaine.


[1Héloïse Bocher, « Démolir la Bastille : l’édification d’un lieu de mémoire », éd. Vendémiaire, 251 p. , Paris, 2012.

[22 idem

[3Archives privées : Lettre à Palloy de Sieyès,, Paris, le 12 mars 1792