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Robespierre est-il toujours notre contemporain ?

Table ronde organisée par le Journal l’Humanité du 3 octobre 2014

mardi 14 avril 2015

Les faits. L’assassinat de Maximilien de Robespierre, 
le 10 thermidor de l’an II (28 juillet 1794), a été commémoré cette année dans la plus grande discrétion. le contexte : À l’occasion de la rencontre-débat sur 
« la Révolution, Robespierre et l’Allemagne », qui s’est déroulée samedi 4 et dimanche 5 octobre 2014 au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, l’Humanité 
a ouvert ses colonnes aux historiens qui l’ont animée.

Is Robespierre still our contemporary ?

Round Table organised by the newspaper L’Humanité, 3 October 2014

(The facts. The killing of Maximilien de Robespierre on 10 Thermidor, year II (28 July 1794) was commemorated this year with the greatest discretion. On the occasion of the debate-meeting on The Revolution, Robespierre and Germany, on 4-5 October 2014 at the Theatre of the Commune of Aubervilliers, L’Humanité opened its columns to the historians who led it.)

En français

Michel Biard, Professeur d’histoire du monde moderne et de la Révolution française à l’université de Rouen, président de la Société des études robespierristes, 
Sophie Wahnich, Agrégée docteure en histoire, directrice de recherche au CNRS, 
Jean-Numa Ducange, Historien, maître de conférences 
à l’université 
de Rouen.

La commémoration de la mort de Robespierre, il y a eu 220  ans le 28  juillet 1794, a été traitée officiellement par le silence. Comment interprétez-vous ce fait ?

Michel Biard : Comment pourrait-il en être autrement dans une République qui ne célèbre déjà pas la date de sa propre naissance, en septembre 1792, par une cérémonie officielle ? Qui plus est, commémorer la mort de Robespierre supposerait qu’on en finisse au préalable avec la légende noire qui accable sa mémoire depuis l’été 1794. Nous en sommes hélas très loin, comme en témoignent plusieurs querelles récentes à propos de son nom donné ou à donner à une rue. «  Personnage trop controversé  », telle est souvent la réponse qui est faite, en dehors de toute prise en compte des travaux des historiens et comme si nombre de nos rues et places ne portaient pas déjà des noms bien plus sujets à controverses. Dès lors, la question la plus urgente ne me semble pas de commémorer à chaque 28 juillet, mais de poursuivre un patient travail pour redonner à Robespierre sa vraie place dans la mémoire collective nationale. Plusieurs ouvrages récemment publiés devraient y contribuer, même si toucher un vaste public avec des travaux universitaires n’est jamais simple, tant l’accès aux médias de masse conditionne aujourd’hui le fait d’atteindre ou non ce public.

Jean-Numa Ducange : Robespierre est toujours victime d’une légende, effectivement, qui fait de lui un monstre et un bourreau. Alors que Jean Jaurès est cité de façon unanime par tout le champ politique français – au prix de déformations historiques élémentaires parfois ubuesques –, la figure de Robespierre est devenue un repoussoir, sauf pour une partie de la gauche de la gauche, et encore. La Ville de Paris, y compris sa majorité actuelle, refuse obstinément de donner son nom à une rue. C’est assurément très révélateur du contexte dans lequel nous évoluons. Même s’il a toujours été l’objet d’attaques viscérales, un temps Robespierre pouvait bénéficier d’une certaine indulgence jusqu’aux rangs de la droite gaulliste, qui voyait en lui un sauveur de la France dans des circonstances difficiles, quand l’aspect social et politique était mis en avant par les publications proches des communistes. Le bilan de la Terreur et de ses responsables demeure controversé mais les accusations traditionnelles de «  buveur de sang  » et de «  dictature  » ne résistent pas aux analyses historiques sérieuses.

Sophie Wahnich : Cette discrétion relève de la bienséance modérée dans une époque où le rapport à l’histoire vise à patrimonialiser des objets et des personnages qui permettent de maintenir le monde en l’état. Le personnage de Robespierre comme la séquence historique qui lui est le plus souvent associée, la Terreur, ne permettent pas ce régime d’historicité de la prudence, voire de l’impuissance, du décidé d’avance. Si on évoque Robespierre, alors il faut assumer une conscience historique de la crise, faire face à la violence d’hier pour faire face à celle d’aujourd’hui, les resituer l’une par rapport à l’autre, s’obliger à savoir de quels orages complexes une certaine liberté française est sortie pour ne plus se soustraire à la puissance d’agir et de juger. Robespierre ne peut être un patrimoine dans le monde d’aujourd’hui car ce monde est l’envers de ce qu’il avait espéré. Alors Robespierre ne peut être qu’un monument pour se donner le courage de résister à l’oppression contemporaine, ou un point d’appui pour une histoire qui juge et qui condamne le relativisme politique, car Robespierre produit des points de jugements avec les principes qu’il considère comme des boussoles. Commémorer Robespierre, ce serait accepter que l’histoire puisse être un savoir qui condamne la soumission aux cruautés contemporaines de la financiarisation du politique par exemple. Une commémoration est une politique publique. Qui parmi ceux qui détiennent les rênes de ces politiques souhaite ainsi dévoiler un tel savoir ? Vous voyez, commémorer Robespierre, cela conduit à réactiver de la disruption. Si le monde était autre, fait de liberté réciproque, de non-domination, de justice, si «  le droit de propriété était borné, comme tous les autres, par l’obligation de respecter les droits d’autrui, s’il ne pouvait préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence, ni à la propriété de nos semblables  » alors peut-être que Robespierre pourrait devenir un personnage commémorable, un grand fondateur, mais, dans notre monde, il demeure un dangereux révolutionnaire !

Quels aspects de l’œuvre intellectuelle et politique de celui qu’on appelait l’Incorruptible souligneriez-vous ?

Jean-Numa Ducange : Comme vient de le montrer dans sa belle biographie Hervé Leuwers (Fayard), Robespierre a été, avant même la Révolution, un homme des Lumières et un avocat défendant la cause des Français spoliés par les puissants. Il a été ensuite un des plus lucides critiques de l’entrée en guerre de la France en avançant une idée simple – mais qu’il est toujours bon de rappeler – «  personne n’aime les missionnaires armées  »… Il a été aussi exceptionnellement lucide à plusieurs moments clefs de la Révolution, même s’il s’est coupé d’une partie du mouvement populaire en 1793-1794, ce que lui reprochera une partie de l’extrême gauche au XIXe siècle. Toujours est-il que la lecture de ses textes fait apparaître une pensée dialectique des contradictions du processus révolutionnaire ; là-dessus il faut relire le petit ouvrage éclairant de Georges Labica, Robespierre, une politique de la philosophie, réédité par La Fabrique en 2013.

Sophie Wahnich : J’ai le sentiment que l’histoire de la Révolution est un grand répertoire d’expériences à revisiter en fonction des questions qui se posent à nous aujourd’hui. Donc, pour moi, il s’agit effectivement de ne pas dissocier l’œuvre intellectuelle et politique et de retrouver avec Robespierre la cohérence d’un sujet pensant vertueux. La vertu est alors la force morale, le courage nécessaire à la fondation républicaine, mais aussi la capacité à ne jamais renoncer à être en garde contre ceux qui gouvernent, car si la vertu consiste pour le peuple à s’aimer lui-même, elle consiste pour les représentants à renoncer à leurs intérêts propres au profit du bien commun. Le politique prime alors nécessairement sur l’économique et le pouvoir législatif doit constamment subordonner le pouvoir exécutif. Les mots «  justice  », «  droit  », «  peuple  », «  vertu  » sont les maîtres mots d’une théorie de la Révolution qui repose sur le droit de résistance à l’oppression et l’insurrection quand les gouvernements violent les droits du peuple. Parce que nous sommes aujourd’hui embourbés dans un droit positif policier qui s’invente pour les usages des puissants au fur et à mesure de leur nécessité, il faut insister sur le droit suspensif du droit face à ces mauvais gouvernants ou face à des institutions défaillantes. C’est à ce titre que la Révolution n’est jamais finie, ou plutôt qu’elle peut toujours reprendre. Car la théorie de la Révolution conduit Robespierre à considérer qu’elle est parfois le «  hors droit  » qui permet de sauver «  un droit supérieur  », le fameux droit naturel déclaré une première fois en 1789, une seconde fois en 1793 avec une cohérence approfondie fournie par l’événement même. Pour autant, Robespierre ne souhaite nullement la nécessité de l’affrontement et c’est pourquoi il appelle de ses vœux une capacité à devenir vertueux grâce à de bonnes lois et à de bonnes institutions, comme celle de cette religion de l’être suprême, religion civile par excellence qui autorise toutes les religions à coexister et donc cette liberté de conscience sans laquelle il n’y aurait pas eu de révolution. Je crois que ce mot vertu est effectivement un maître mot à réinvestir sérieusement, car il est sans doute pour nous la clé de voûte qui permet de lutter contre les obscurantismes, qu’ils soient religieux ou politiques, de lutter contre les démagogues et d’offrir aux individus désespérés une alternative. Mais cette alternative suppose un effort, l’effort de la pensée.

Michel Biard : Quels aspects souligner ? Tout dépend de la préoccupation que l’on souhaite mettre en avant. En effet, la réponse sera différente s’il s’agit d’évoquer son combat contre la peine de mort, ses positions sur les Constitutions de 1791 et 1793, ou encore ses réflexions sur le «  gouvernement révolutionnaire  » en 1793-1794. Plutôt que de choisir de manière aussi arbitraire qu’injuste, j’invite plutôt chacun et chacune à lire ou relire ses Œuvres complètes publiées en onze volumes par la Société des études robespierristes. Ses textes donnent assurément à penser, non seulement sur la Révolution française mais aussi sur notre monde contemporain. Quant au surnom d’Incorruptible qui lui fut attribué, il va de soi qu’il doit inciter les citoyens et les citoyennes à réfléchir sur le lien nécessaire entre vertu et politique (c’était le thème d’un colloque à l’Assemblée nationale le 18 et le 20 septembre dernier), afin de rompre avec cette image d’élus supposés «  tous pourris  ». Rénover, voire changer les institutions, certes, mais il s’agit aussi de vivre la politique autrement.

Jaurès disait qu’il allait s’asseoir, sous le soleil de juin 1793, aux Jacobins, à côté de Robespierre. Robespierre est-il encore notre contemporain ?

Sophie Wahnich : Jaurès ou Robespierre ? Les deux bien sûr, mais si nous faisons l’effort de la traversée du temps pour revenir à notre ici et maintenant, l’actualité d’une histoire est le produit de cet effort, elle n’est jamais donnée.

Michel Biard : Là encore tout est question de perspectives. D’une part, ce passage de l’histoire socialiste de la Révolution française ne doit pas faire oublier les nuances du regard porté par Jaurès sur Robespierre et le fait qu’il s’agit là d’un moment précis, l’été 1793. Pour autant, il n’en reste pas moins remarquable et courageux pour Jaurès de prendre cette position à la date où il écrit. D’autre part, en soi, Robespierre ne peut, pour d’évidentes raisons, «  être notre contemporain  ». En revanche, il suffit de se plonger dans ses écrits pour voir à quel point sa pensée demeure d’une actualité brûlante et comment nombre de ses idéaux restent encore un horizon d’attente pour les citoyens et les citoyennes. Lorsqu’en 1792, avec d’autres comme Saint-Just, il en vient à se rallier à l’idée d’une liberté de commerce illimitée contradictoire avec la défense du droit à l’existence, il met en avant un point décisif : le premier des droits naturels de l’homme en société est ce droit à l’existence, au nom duquel les gouvernants se doivent d’intervenir s’il convient de le défendre. En 2014, comment ne pas constater chaque jour que ce droit à l’existence demeure un combat de premier plan ?

Jean-Numa Ducange : Il est intéressant de relever que, dans la plupart des hommages à Jean Jaurès, cette phrase n’est presque jamais citée. Jaurès approuve globalement Robespierre, même s’il est critique sur certains points. Pourquoi ? Parce que, comme Babeuf en son temps, qui, après avoir approuvé la chute de Robespierre, revient sur son propre jugement et affirme : «  En relevant le robespierrisme, vous êtes sûr de relever la démocratie.  » Les circonstances de l’action de Robespierre et notre monde contemporain sont évidemment très différents. Néanmoins, il est effectivement fascinant, à deux siècles de distance, de relire certains textes sur la vertu en politique, ou encore ses arguments pour faire primer le droit à l’existence sur le droit de propriété, que Robespierre entendait limiter dans ses amendements proposés à la Constitution de 1793. Citons-le, sur ce point : «  En définissant la liberté, le premier des biens de l’homme, le plus sacré des droits qu’il tient de la nature, vous avez dit avec raison qu’elle avait pour bornes les droits d’autrui : pourquoi n’avez-vous pas appliqué ce principe à la propriété, qui est une institution sociale ? Comme si les lois éternelles de la nature étaient moins inviolables que les conventions des hommes. Vous avez multiplié les articles pour assurer la plus grande liberté à l’exercice de la propriété, et vous n’avez pas dit un seul mot pour en déterminer le caractère légitime ; de manière que votre déclaration paraît faite, non pour les hommes, mais pour les riches, pour les accapareurs, pour les agioteurs et pour les tyrans.  » À méditer !

Une révolution sans révolution ?

  • « Tout homme n’a pas le droit d’entasser du blé quand son semblable meurt de faim, tout ce qui est nécessaire à l’existence de la vie des hommes appartient à la société, son superflu seul est un objet de commerce. » Maximilien de Robespierre, discours à la Convention nationale sur les subsistances, 2 décembre 1792.

La revue de presse AFP, 26 juin 2011 :

  • Maximilien de Robespierre 
n’aura pas de rue ou de place 
à son nom dans la capitale, 
la majorité du Conseil de Paris ayant voté contre la demande présentée par Ian Brossat, président du groupe PC-PG. […]
  • «  Décidément, Robespierre 
va devenir le marronnier des rues parisiennes  », a dit Jérôme Dubus (centre et indépendants), rappelant que le sujet revient régulièrement 
et toujours sans succès dans l’ordre du jour. Il s’est dit opposé au vœu communiste, parce que «  l’Incorruptible et ses amis ont transformé l’idéal révolutionnaire en période sanguinaire  » […] 
«  La république mérite mieux que ce personnage  », a-t-il dit.
  • […]. Jean-Pierre Caffet (PS) a convenu que Robespierre était 
un personnage important 
auquel toutefois, étant lui-même profondément laïque, il ne pardonne pas d’avoir mis en place le culte de l’Être suprême.
  • Une élue communiste a alors rappelé que le Conseil de Paris avait été moins laïc quand il s’était agi de donner à une rue le nom du pape Jean-Paul II.

In English

Michel Biard, Professor of Modern World History et the French Revolution at the University of Rouen, President of the Society for Robespierrist Studies, 
Sophie Wahnich, Associate Doctor of History, Research Director at CNRS, 
Jean-Numa Ducange, Historian, Conference Master at the University of Rouen.

The commemoration of Robespierre’s death, 220 years ago on 28 July 1794, was treated with official silence. How do you interpret that fact ?

Michel Biard : How could it be otherwise in a Republic which doesn’t even celebrate its own birth-date, in September 1792, with an official ceremony ? What’s more, commemorating Robespierre’s death would mean ending the ’black legend’ that has condemned his memory since the summer of 1794. Unfortunately, we are very far from this, as several recent quarrels about his name being given or to be given to a street testify. « Too controversial a person » is often the answer, apart from any consideration of the work of historians and as if many of our streets and squares did not already bear much more controversial names. Therefore, the most urgent issue does not seem to me to commemorate every 28 July, but to work patiently to restore to Robespierre his true place in the national collective memory. Several recently published works should contribute to this, even if reaching a wide audience with academic works is never simple, in so far as access to mass media today determines the fact of whether or not you reach this audience.

Jean-Numa Ducange : Robespierre is still the victim of a legend which effectively makes him a monster and an executioner. While Jean Jaurès is unanimously quoted across the whole French political spectrum – at the cost of sometimes Ubu-esque elementary historical distortions – the figure of Robespierre has become repellent, except for part of the far left, and still the City of Paris council, including its current majority, stubbornly refuses to give his name to a street. This is certainly very indicative of the context in which we operate. Even if he was still the object of visceral attacks, at one time Robespierre could benefit from a certain indulgence into the ranks of the Gaullist right, who saw in him a saviour of France in difficult circumstances, while the social and political aspect was put forward by publications close to the Communists. The record of the Terror and its leaders remains controversial but traditional accusations of « blood drinker » and « dictatorship » do not stand up to serious historical analysis.

Sophie Wahnich : This discretion depends on a moderate propriety in an era in which the relationship to history is aimed at turning objects and characters into heritage that permits the preservation of the status quo. Robespierre’s character, like the historical context most often associated with him, the Terror, does not allow this regime of historicity of caution, even powerlessness, of the pre-determined. If Robespierre is mentioned, then we must assume a historical awareness of the crisis, confront yesterday’s violence in order to confront that of today, situate them in relation to each other, force ourselves to acknowledge from which complex storms a certain French liberty has emerged in order no longer to shield ourselves from the power to act and to judge. Robespierre cannot be a heritage in today’s world because this world is the opposite of what he had hoped for. Robespierre can then only be a monument to give us the courage to resist contemporary oppression, or a rallying point for a history that judges and condemns political relativism, because Robespierre produces points of judgement with the principles he considers as compasses. To commemorate Robespierre would be to accept that history can be a knowledge that condemns submitting to the contemporary cruelties of the financialisation of politics, for example. A commemoration is a public policy. Who among those who hold the reins of these politics wishes to reveal such knowledge ? You see, to commemorate Robespierre, leads to reactivating disruption. If the world were different, made of reciprocal liberty, non-hierarchical, made of justice, if « the right of property were limited, like all the others, by the obligation to respect the rights of others, if it could prejudice neither the safety, nor the liberty, nor the existence, nor the property of our fellows », then perhaps Robespierre could become a commemorable character, a great founder, but, in our world, he remains a dangerous revolutionary !

What aspects of the intellectual and political work of the man they call ‘the Incorruptible’ would you emphasise ?

Jean-Numa Ducange : As has just been shown in his fine biography by Hervé Leuwers (Fayard), Robespierre was, even before the Revolution, a man of the Enlightenment and an advocate defending the cause of French people dispossessed by the powerful. He was then one of the most lucid critics of France’s entry into war by putting forward a simple idea – but one that it is always good to recall – « no-one likes armed missionaries »... He was also exceptionally lucid at several key moments of the Revolution, even if he broke with part of the popular movement in 1793-1794, for which a part of the far left would reproach him in the 19C. Nevertheless, reading his texts reveals a dialectical understanding of the contradictions of the revolutionary process ; on this we must reread Georges Labica’s little enlightening work, Robespierre, a politics of philosophy, re-edited by La Fabrique in 2013.

Sophie Wahnich : I feel that the history of the Revolution is a great repertoire of experience to be revisited according to the questions we face today. So, for me, it is indeed a question of not dissociating from the intellectual and political work and of rediscovering with Robespierre the coherence of a virtuous thinking subject. Virtue, then, is the moral strength, the courage necessary for founding the Republic, but also the capacity never to give up being on guard against those who govern, because if virtue consists for the people in loving themselves, for their representatives it consists in renouncing their own interests for the benefit of the common good. Politics necessarily takes precedence over economics, and the legislature must constantly subordinate the executive. The words « justice », « right », « people », « virtue » are the key words of a Revolutionary theory based on the right to resist oppression and insurrection when governments violate the rights of the people. Because today we are bogged down in a positive policing law that is invented for the use of the powerful as and when they need it, we must insist on the suspensive right of the law in the face of these bad governors or failing institutions. It is in the name of this that the Revolution is never over, or rather that it can always resume. Because the theory of the Revolution leads Robespierre to consider that it is sometimes the « outlaw » that makes it possible to save « a superior law », the famous natural law declared a first time in 1789, a second time in 1793 with a profound coherence furnished by the event itself. For all that, Robespierre does not desire at all the need for confrontation, and that is why he calls sincerely for the capacity to become virtuous thanks to good laws and good institutions, like that of this religion of the supreme being, civil religion par excellence which authorizes all religions to coexist and thus this freedom of conscience without which there would not have been a revolution. I believe that this word « virtue » is indeed a key word to be reinvested seriously, because it is undoubtedly for us the keystone which makes it possible to fight against obscurantism, religious or political, to fight against demagogues and to offer desperate individuals an alternative. But this alternative supposes an effort, an effort of thought.

Michel Biard : What aspects should be highlighted ? Everything depends on the preoccupations we wish to advance. In effect, the answer will be different if one wishes to evoke his fight against the death penalty, his positions on the Constitutions of 1791 and 1793, or his reflections on « revolutionary government » in 1793-1794. Rather than pick and choose in a manner as arbitrary as unjust, I encourage everyone to read or reread his Complete Works, published in 11 volumes by the Society for Robespierrist Studies. His writings certainly give food for thought, not only on the French Revolution but also on our contemporary world. As for the nickname of Incorruptible applied to him, it goes without saying that it must encourage citizens to reflect on the necessary link between virtue and politics (this was the theme of a symposium at the National Assembly on 18 and 20 September), in order to break with this image of elected officials being presumed to be « all rotten ». To renew, even change institutions, certainly, but it’s also a matter of living political life differently.

Jaurès said that he was going to sit, under the sun of June 1793, with the Jacobins, next to Robespierre. Is Robespierre still our contemporary ?

Sophie Wahnich : Jaurès or Robespierre ? Both of course, but if we make the effort of travelling through time to come back to the present, the actuality of a history is the product of this effort, it is never a given.

Michel Biard : Here again, everything is a question of perspectives. On the one hand, this passage in The Socialist History of the French Revolution must not make us forget the nuances of Jaurès’ view of Robespierre and the fact that this is a precise moment, the summer of 1793. Nevertheless, it remains remarkable and courageous for Jaurès to take this position on the date he writes. On the one hand, Robespierre cannot, for obvious reasons, « be our contemporary ». On the other, it is enough to immerse oneself in his writings to see to what extent his thinking remains highly topical and how many of his ideals still remain a horizon of expectation for citizens. When in 1792, with others like Saint-Just, he came to support the idea of unrestricted freedom of trade being contradictory with the defence of the right to exist, he put forward a decisive point : the first of the natural human rights in society is this right of existence, in the name of which the rulers must intervene if it is to be defended. In 2014, how can we fail to see every day that this right of existence remains a major struggle ?

Jean-Numa Ducange : It is interesting to note that, in most tributes to Jean Jaurès, this sentence is almost never quoted. Jaurès generally agrees with Robespierre, even if he is critical on certain points. Why ? Why ? Because, like Babeuf in his time, who, after approving the fall of Robespierre, changed his mind and asserted : « By restoring Robespierrism, you are sure to restore democracy.  » The circumstances of Robespierre’s acts and our contemporary world are obviously very different. Nevertheless, it is indeed fascinating, two centuries apart, to reread certain texts on virtue in politics, or even his arguments on elevating the right to existence over the right to property, which Robespierre intended to limit in his proposed amendments to the Constitution of 1793. Let us quote him on this point : « In defining liberty, the first of man’s goods, the most sacred of nature’s rights, you have rightly said that it was limited by the rights of others : why did you not apply this principle to property, which is a social institution ? As if the eternal laws of nature were less inviolable than human conventions. You have multiplied the articles to ensure the greatest liberty in the exercise of property, and you have not said a single word to determine its legitimate character ; so that your statement appears made, not for men, but for the rich, for the monopolists, for the speculators and for the tyrants.  » Something to meditate on !

A revolution without revolution ?

  • « Every man does not have the right to pile up wheat when his fellow man dies of hunger, all that is necessary for the existence of human life belongs to society, its surplus alone is an object of commerce. » Maximilien de Robespierre, speech to the National Convention on subsistance, 2 December 1792.

Press review AFP, 26 June 2011 :

  • Maximilien de Robespierre 
will not have a street or square named after him in the capital, the majority of the Council of Paris has voted against the proposal presented by Ian Brossat, president of the PC-PG group. […]
  • « Robespierre’s definitely going to become the old chestnut of Parisian streets », said Jérôme Dubus (Centre and Independents), recalling that the subject regularly returns to the agenda, and always without success. He said he was opposed to the Communist proposal because « The Incorruptible and his friends turned the revolutionary ideal into a bloodbath » […] 
« The republic deserves better than this character », he said.
  • […] Jean-Pierre Caffet (PS) agreed that Robespierre was an important figure ; however, being himself a committed secularist, he does not forgive him for having set up the worship of the Supreme Being.
  • A Communist councillor then recalled that the Paris Council had been less secular when it came to naming a street after Pope John Paul II.


Voir en ligne : Article du journal l’Humanité en ligne.