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Lettre de Robespierre à Buissart

lundi 9 février 2015

Un article du n°30 de l’Incorruptible (janvier 1999) relatait l’amitié qui unissait les frères Robespierre à Antoine Buissart, avocat et homme de sciences d’Arras, partisan des idées nouvelles (1737-1820). Fin 2013, la ville d’Arras s’est rendu acquéreur d’une lettre de Robespierre à son ami. Elle va contribuer à enrichir de manière significative la collection d’autographes de Maximilien Robespierre (6 au total) possédés par la Médiathèque municipale d’Arras.

Lettre de Robespierre à Buissart

 

 

 

Paris, le 4 mars 1790

« C’est avec bien de la peine, mon cher ami, que je me suis privé depuis lontems du plaisir de m’entretenir avec vous. Mais, en vérité, vous ne pourriez vous former une idée de la multitude et de la difficulté des affaires, qui justifient mon silence ; si vous pouviez oublier que les députés patriotes de l’Assemblée nationale, en osant tenter de nettoyer les écuries d’Augias, ont formé une entreprise peut-être au-dessus des forces humaines. En ce moment même je ne puis me procurer la satisfaction de m’étendre sur les choses intéressantes que je pourrois vous dire. Je prens la plume plutôt pour vous donner une marque de mon inviolable amitié dont il ne vous est pas permi de douter, que pour jouir, avec vous d’un entretien suivi. Je me bornerai à vous rendre compte d’un décret qui intéresse notre province et relatif à la motion que j’ai fait imprimer pour la restitution de nos biens communaux ; il a été porté ce matin ; et quoiqu’il ne remplisse pas toute l’étendue des vœux que je présentois au nom du peuple, il surpasse du moins les espérances de beaucoup de monde.

Le voici tel qu’il a été rédigé d’aprez une motion de M. Merlin qui étoit une partie de celle que j’ai fait imprimer et d’après quelques amendemens.

« Tous édits, déclarations, arrêts du Conseil et lettres patentes rendus depuis trente ans tant à l’égard de la Flandre et de l’Artois que des autres provinces du royaume, qui ont autorisé le triage hors des cas permis par l’ordonnance de 1669 demeureront à cet égard comme non avenus et tous les jugemens rendus et actes faits en conséquence sont révoqués ;

Et pour entrer en possession des portions de leurs biens communaux, dont elles ont été privées par l’effet desdits arrêts et lettres patentes, les communautés seront tenues de se pourvoir dans les cinq ans, pardevant les tribunaux, sans pouvoir prétendre aucune restitution des fruits perçus, sauf à les faire entrer en compensation, dans le cas où il auroit lieu à des indemnités pour cause d’impenses ».

 

Je viens d’apprendre, non sans rire, que j’ai été le sujet d’une expédition presque militaire au collège d’Arras ; mais je suis fâché de ne l’avoir appris que par une voie indirecte et d’en ignorer les détails. Pour vous, mon cher ami, je vous exhorte à propager votre patriotisme autant qu’il sera en vous. Jusques ici nous n’avons qu’à gémir de la froideur et de l’isolement des patriotes artésiens en général. Je vous prie, mon cher ami, de me rappeler au souvenir de Madame Buissart et de lui présenter le témoignage de mon tendre et respectueux attachement. Donnez-moi au plutôt des nouvelles de sa santé, de la vôtre ; embrassez pour moi mes amis, et tous les patriotes qui voudront bien s’y prêter. Dites-moi ce qui se passe à Arras. Les calomnies dont je suis l’objet ne m’affligent pas… je n’en aime pas moins le peuple… quelques soient les dispositions de nos concitoiens, il ne faut pas désespérer de la république… Ne nous endormons pas, j’entrevois des évènemens qui pourroient mettre la constance des défenseurs de la patrie à de plus rudes épreuves… Adieu, mon cher ami, je suis avec les sentiments que ce mot exprime. Votre ami, »

 

De Robespierre

 

PS – Répondez-moi et mettez votre lettre sous une enveloppe à l’adresse du président de l’Assemblée nationale.