menu

Accueil > Comprendre la Révolution > La chronologie des évènements > Les 20, 21 et 22 septembre 1792. Naissance de la République.

Les 20, 21 et 22 septembre 1792. Naissance de la République.

jeudi 16 avril 2020

La Convention signala par cet acte courageux l’ouverture de sa cession ; eh ! dans quel temps ! Lorsque nous étions sans armées, lorsque nos villes frontières étaient confiées à des royalistes, et par conséquent à des traîtres, lorsque le peuple, attaché à d’anciens préjugés, ne voyait qu’avec un sentiment d’effroi la chute de sa monarchie......

D’après J.B. Mercier, journal :
« Paris pendant la Révolution »

La nouvelle Assemblée élue en septembre 1792 est une Assemblée qui a plus d’expérience que les précédentes, puisque sur 749 députés, 258 sont d’anciens Constituants ou Législateurs.

Pas de partis organisés, mais des forces politiques ou des tendances voire des groupes d’amis constituent cette nouvelle Assemblée. À droite, l’ancienne gauche de la législative, soit environ 165 députés, amis de Brissot et de Roland ; à gauche, les jacobins, vainqueurs du 10 août ; au centre, la masse, surnommée « la Plaine » ou le « Marais », sincèrement révolutionnaire, mais prudente et modérée de plus de 400 députés.
La « Plaine » soutiendra dans un premier temps la droite c’est-à-dire la Gironde (Brissot), puis la « gauche, la Montagne jacobine (une petite centaine de députés).

À la première séance, le 20 septembre aux Tuileries, l’Assemblée reçue par le dernier président de la législative, François de Neufchâteau, élit pour président Pétion proche de Brissot, puis prend possession de la salle du Manège.

Le 21 septembre, sur motion de Collot d’Herbois (Montagnard), la Convention abolit la royauté après un discours antimonarchique de Grégoire (La Plaine).

Le lendemain, 22 septembre, l’Assemblée décrète, que les actes publics seront datés de « l’an Ier de la République ».
C’est de cette façon « furtive » dit Robespierre que fut instituée la République.

Extrait du journal : « Paris pendant la Révolution »

« Qu’on se reporte à l’instant où la Convention ouvrit sa session. L’Assemblée législative venait de renverser le trône ; mais étonnée, étourdie en quelque sorte du grand coup qu’elle venait de porter, elle ne se sent plus en état de soutenir les destinées de l’empire, elle laisse à d’autres mains le pénible soin de profiter de la victoire, elle se retire environnée d’honorables ruines. Elle a renversé l’édifice de la monarchie ;, mais elle n’ose y rien substituer. Dans la personne d’un monarque, elle attaque tous les rois de l’univers ; mais cet effort sublime épuise son énergie ; elle présente à la France la royauté abattue, mais elle n’a point le courage de prononcer le nom de République.

La Convention signala par cet acte courageux l’ouverture de sa cession ; eh ! dans quel temps ! Lorsque nous étions sans armées, lorsque nos villes frontières étaient confiées à des royalistes, et par conséquent à des traîtres, lorsque le peuple, attaché à d’anciens préjugés, ne voyait qu’avec un sentiment d’effroi la chute de sa monarchie, si longtemps l’objet de son culte et de son affection ; lorsque les légions de la Prusse inondaient les plaines de la Champagne et pouvaient sans obstacle traverser la France, lorsque tout enfin semblait assurer que l’ennemi allait sous peu effacer dans le sang de ses auteurs le décret hardi qui transformait en République un pays envahi et à demi subjugué par les satellites des rois.
Il fallait défendre notre territoire, créer une armée, élever l’esprit public. Il fallait, sans finance, avec du papier, combattre ceux qui possédaient les trésors du Mexique. Il fallait opposer des milices naissantes, indisciplinées, aux phalanges les plus guerrières de l’Europe ; des généraux d’un jour, créés la veille de la bataille, aux plus habiles tacticiens.

Ces grandes créations furent l’ouvrage d’un moment. La voix du danger se fait entendre ; huit cent mille hommes quittent leurs foyers, s’arment, volent aux combats ; de nombreux ateliers s’élèvent dans toutes les places ; on fabrique le salpêtre, on prépare la foudre, on repousse l’ennemi au-delà de nos frontières ; le Français arbore l’étendard de la victoire sur le territoire étranger.
Jamais on n’opéra de si grandes choses avec de si faibles moyens ; jamais un Etat ne se trouva dans des circonstances aussi difficiles ; divisée dans l’intérieur, attaqué par l’Europe entière, déchirée par le fanatisme des factions, la Convention nationale a triomphé de tous ces obstacles réunis ».

Le témoignage d’un député du Nord »

Tout au long du XVIIIe siècle, le mot « République » reste d’un usage limité. Il est encore à la veille de 1789, un mot vague et symbolique. Lorsque les Français prennent la parole, en mars 1789 pour rédiger les cahiers de doléances, aucun ne souhaite la république. Pourtant, moins de quatre ans plus tard, en septembre 1792, la République est proclamée et la majorité des Français se rallie au nouveau régime.

Pourquoi ?

Une relecture des sources permettrait, je le pense, une meilleure compréhension de cette naissance. Car depuis « les Cahiers de doléances » et la « prise de la Bastille le 14 juillet 1789, puis les événements qui suivent, la parole des Français se libère. Des émotions diverses parcourent la France de Nord au Sud et d’Est en Ouest.

Quelles sont ces émotions qui nous restent à redécouvrir ? Ne sont-elles pas le moteur de la Révolution , notamment pour les plus humbles ? Comment les comprendre ?

Le monde des campagnes qui rêve de liberté et d’égalité n’entend-il pas depuis le 14 juillet 1789, constamment, ces mots de liberté et d’égalité dans les discours des révolutionnaires ?

Dès lors, les campagnes semblent acquises à l’évolution de la Révolution et les entraves à la liberté de la part de l’aristocratie puis du roi provoquent des émotions qui entraînent la Révolution vers un refus catégorique de l’Ancien régime puis du roi.

La « République », mot encore vague, deviendra en trois ans synonyme de la liberté, d’égalité voir de démocratie avant même la fuite du roi le 21 juin 1791. Lorsque celle-ci a lieu, elle accélère , modifie radicalement les rapports de forces et fait éclater les sentiments républicains qui couvaient dans la population françaises.
Nous pouvons donc comprendre, pourquoi celle-ci dans sa grande majorité accepte la République comme une évidence le 22 septembre 1792.

Un témoignage (d’un député du Nord de la France) semble confirmer cette acceptation et nous montre comment est reçue la proclamation de la République. Lisons ce témoignage :

« Je partis le 22 septembre 1792 au matin en poste, arrivé à Douai, je me rendis chez M. Merlin, l’un de mes collègues, qui m’avait prié de le prendre en passant ; le lendemain nous nous mîmes en route et ce fut à Saint-Quentin que nous apprîmes le décret d’abolition de la royauté et l’établissement de la République. Je crois avoir compris et demande le journal du jour, et je fus convaincu de la réalité après l’avoir lu. Partout où nous passions, je voyais des groupes dont la conversation vive et bruyante annonçait des discussions animées sur les évènements. Je crus m’apercevoir qu’il y avait dissentiment d’opinions, l’expression des figures semblait le dénoter, les unes épanouies par la joie, les autres peignant l’abattement moral, et d’autres enfin rouges et enflammées comme des hommes prêts à se colleter. A tous les relais on ne nous adressait plus la parole que par le mot « Citoyen », quelques-uns même en nous tutoyant, surtout en nous rapprochant de la capitale ; nous vîmes aussi beaucoup d’hommes affublés de bonnets rouges. Enfin arrivés à Paris, dans la matinée du 24, nous nous rendîmes aux archives (le secrétariat de la Convention) pour nous faire connaître. M. Merlin fut mon introducteur, car jusqu’alors je n’avais pas de pièces qui constatassent ma qualité de député, et, sur l’assertion de M.Merlin, l’archiviste, M.Camus m’enregistra et m’en délivra l’extrait ; de là nous fûmes au Comité d’inspection, où M. Talon, son président, me délivra ma carte d’entrée à l’Assemblée sous le N° 3041 … ».

Bernard Vandeplas, Docteur en Histoire Contemporaine.