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Le troisième bataillon d’Arras en guerre de Vendée (1793-95)

lundi 2 février 2015

Ils n’étaient pas en réalité tous vraiment volontaires (2) et pour obtenir dans chaque commune le contingent fixé par le district il fallait souvent procéder à la désignation par tirage au sort ou faire des collectes pour offrir au partant une compensation qui pouvait atteindre 100 à 300 livres.

LE TROISIEME BATAILLON D’ARRAS EN GUERRE EN VENDEE (1793-1795)

Pour répondre à la levée de 300 000 hommes décrétée le 24 février 1793, le Pas-de-Calais fut tenu de fournir 6 891 volontaires [1]
. L’effort fut réparti entre les 7 districts du département. Celui d’Arras (la ville et la centaine de villages environnants) recruta 944 volontaires qui furent incorporés le 1er vendémiaire (22 septembre 1793) ans le Troisième bataillon d’Arras.

Ils n’étaient pas en réalité tous vraiment volontaires [2] et pour obtenir dans chaque commune le contingent fixé par le district il fallait souvent procéder à la désignation par tirage au sort ou faire des collectes pour offrir au partant une compensation qui pouvait atteindre 100 à 300 livres. Ce qui explique le nombre de désertions. On en comptait déjà 17 en cours de route du 2 au 9 vendémiaire, et 57 au 30 brumaire après les premiers combats. Au total le bataillon compta 222 désertions, dont 181 la première année. Il arrivait que les déserteurs reviennent ensuite, de gré ou de force au bataillon. Il faut dire que les volontaires d’une même commune restaient incorporés dans la même unité et qu’il suffisait que l’un d’entre eux décide de rentrerà la maison pour que les autres le suivent. On voit ainsi déserter ensemble, la première année, 12 volontaires sur 15 de Rouvroy et 18 sur 25 de Gavrelle.

Sont en principe recrutés les hommes de 18 à 40 ans célibataires ou veufs sans enfants. La liste des engagés du bataillon d’Arras [3] fait apparaître qu’ils sont presque tous nés entre 1770 et 1775, c’est à dire qu’ils ont entre 18 et 23 ans. Rares sont ceux de 25 ans et plus le jour de l’enrôlement.

Ce bataillon fut envoyé combattre en Vendée où les paysans s’étaient, dès mars 1793, soulevés, notamment contre la levée en masse.

Dès le 10 vendémiaire an II (1er octobre 93) le troisième bataillon d’Arras participait aux opérations sur Cholet, puis le Mans et Savenay et le 26 vendémiaire (sous les ordres de Kleber) à la victoire de Cholet sur les Blancs puis le 3 nivôse à celle de Savenay.

Le 12 prairial (31 mai 1794) le bataillon d’Arras est envoyé à la bataille navale d’Ouessant. Une partie du bataillon est expédiée dans les Antilles en renfort du bataillon du Pas-de Calais qui combat à Saint-Domingue.

C’est en messidor de l’an III (juillet 1795), lors de la tentative de débarquement des émigrés à Quiberon que le bataillon d’Arras va connaître l’un de ses plus durs combats. L’Angleterre a fourni à l’armée royaliste : 9 vaisseaux de guerre armés plus de 200 canons et 210 bâtiments de transport chargés de 2 divisions de 4 000 émigrés et d’un millier de prisonniers faits lors du siège de Toulon, aidés sur la côte de 3 000 chouans en arme. Le général Hoche arrivé depuis août 1794 à la tête de l’armée des Côtes, écrase l’assaut des royalistes en quelques jours. A Quiberon, le bataillon d’Arras, qui a été donné en exemple à toute l’armée, déplore 78 tués et 17 blessés. Ses pertes totales lors des différents combats s’élèvent 171 morts (18 % des effectifs). Pour la seule ville d’Arras on compte 69 tués sur 398 engagés.

Mais ce n’est pas sur ce champ de bataille que le bataillon d’Arras va connaître la plus épouvantable journée. Envoyé le 12 août 1795 pour escorter de Nantes à Chateaubriand un convoi de vivres et de numéraire, le bataillon est surpris en pleine forêt de Cerisaie par des compagnies chouannes aidées de villageois et de leurs femmes. Encerclés dans un chemin creux, les Arrageois sont mitraillés à bout portant et leurs assaillants s’acharnent sur les blessés, leur tranchant les membres et bourrant les plaies de paille enflammée. Les femmes ouvrent les ventres avec des faucilles. Certains récits de la guerre de Vendée parlent de 200 cadavres mutilés. Ce déchaînement de violence fut mené en représailles contre le chef de bataillon, accusé d’avoir fait exécuter (par décision du Comité de Salut public) 750 prisonniers royalistes vaincus à Quiberon à qui Hoche aurait promis la vie sauve.

Christian Lescureux
L’incorruptible N°79


[1Le Pas-de-Calais avait déjà levé plusieurs bataillons de volontaires, soit 1 722 hommes en 1791 et 1 166 en 1792.

[2Dans un article de la Revue du Nord (Le Nord et le Pas-de -Calais face à la création de l’armée nationale) de janvier 1993, Annie Crépin, de l’Université d’Artois écrit : « contrairement à la légende romantique qui vit longtemps un souffle épique emporter les volontaires, celui-ci est encore mesuré au mois d’août dans toute la France et même dans nos départements dont l’ennemi se rapproche dangereusement. »

[3Voir la liste des engagés du 3e bataillon aux Archives Départementales du PdC, cote 1J/2031