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La Révolution Française et les Juifs

jeudi 21 février 2019

Le beau livre de Michel Winock « La France et les juifs » retrace les relations entre la société, l’État et les juifs de France. Dans sa première partie, il décrit leur émancipation pendant la Révolution Française.

Voir ici la position de Robespierre

La Révolution Française et les JUIFS

La commémoration du 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz vient de rappeler au monde l’ horreur nazie et le génocide de 6 millions de Juifs.
L’antisémitisme, on le voit aujourd’hui, est pourtant toujours présent, prêt à resurgir.
Le beau livre de Michel Winock « La France et les juifs », sorti récemment, retrace les relations entre la société, l’État et les juifs de France. Dans sa première partie, il décrit leur émancipation pendant la Révolution Française.

Cet événement, avec d’ autres, va faire de la France, pour longtemps, le pays des Droits de l’Homme, le refuge des opprimés.

La France a été le premier pays à émanciper les Juifs.

Par le Décret du 27 Septembre 1791 les Juifs de France devenaient citoyens français à part entière.

Cet acte fondateur était inscrit dans la Déclaration des Droits de l’ Homme.

Article 1er : « Les hommes naissent et demeurent égaux en droits. »

Article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ ordre public établi par la Loi. »

Au 18e siècle, c’est dans la tradition des philosophes que s’ enracinent les premiers combats pour la libération des Juifs. Les ’Lumières’ sont pénétrées de la grande loi du droit naturel qui fait de tous les hommes des êtres égaux.

A la veille de la Révolution Française, les Juifs étaient peu nombreux en France.
La plus grande communauté juive se trouvait en Alsace et en Lorraine, 20 à 25 000 sur un total d’ environ 40 000. Les autres se trouvaient dans le Sud-Ouest à Bordeaux et Bayonne, dans les États du Pape autour d’ Avignon, le reste étant dispersé dans tout le territoire avec une certaine concentration à Paris.

C’étaient des groupes très contrastés qui n’ avaient pas d’ organisation commune. Certains étaient bien intégrés comme en Aquitaine. En Alsace et en Lorraine, par contre, ils étaient nettement coupés de la population. Ils vivaient à l’ écart, en communautés, et exerçaient le commerce de l’ argent ce qui leur valait l’ hostilité des paysans et des petits bourgeois dont ils étaient les créanciers.

En 1789, lors de la « Grande Peur », les paysans prirent d’ assaut de nombreux châteaux. Pendant ces révoltes qui parcoururent les provinces françaises, on s’en prit également, en Alsace et en Lorraine, aux demeures desJuifs et à leurs livres de comptes dans lesquels étaient consignées les dettes des paysans.

C’est ainsi que l’ Abbé Grégoire, député de Nancy, intervint pour la première fois, le 3 Août 1789, à l’ Assemblée Constituante pour réclamer la protection des Juifs. Il allait poser la question de leur statut pour obtenir l’ égalité entre les Juifs et le reste des citoyens.

Avant la Révolution, l’ Abbé Grégoire était curé d’une petite paroisse de Lorraine et il s’ était intéressé à la condition des juifs qu’ il côtoyait. Il avait gagné un concours organisé par l’ Académie de Metz en écrivant un « Essai sur la régénération physique, morale et politique des Juifs. »

Le 23 Décembre 1789, dans la discussion sur la citoyenneté, le comte de Clermont-Tonnerre appuyé de Grégoire, proposa de donner aux Juifs les mêmes droits qu’ aux autres. L’ opposition fut vive de la part de la droite de l’ Assemblée, l’ Abbé Maury demandant « qu’ ils soient protégés comme individus et non comme Français, puisqu’ils ne pouvaient être citoyens ».
Robespierre intervint en reprenant les arguments de l’ Abbé Grégoire : « Les Droits sacrés sont dus auxJuifs comme à tous les autres hommes ». La décision fut pourtant ajournée.

Malgré les efforts de l’ Abbé Grégoire, la discussion sur la question juive fut plusieurs fois reportée par crainte d’ exaspérer les passions.

Ce n’ est qu’en Septembre 1791 qu’ elle aboutit. Après la fuite du roi, la Révolution s’était radicalisée et le parti « noir » de l’ Abbé Maury était affaibli. Le 27 Septembre 1791, Duport engagea tous ses collègues de l’ Assemblée à révoquer tous les textes qui maintenaient les juifs hors de la citoyenneté. Le décret fut voté et tous les Juifs de France furent ainsi émancipés.

Cette décision a été exportée par les armées révolutionnaires puis par les armées napoléoniennes. Partout où Napoléon a imposé le Code Civil et les lois françaises, les Juifs ont été émancipés. Tout au moins pour un certain temps puisque, à partir de 1815, il y eut la grande réaction européenne contre la Révolution et l’Empire, et dans beaucoup de pays, les Juifs durent encore attendre.

150 ans plus tard, hélas, le régime antisémite de Vichy se couvrit d’ infamie par les mesures anti-juives prises dès Octobre 1940 et par sa participation aux grandes rafles de l’ été 1942. « La France officielle d’ alors, oubliant les Droits de l’Homme et les engagements de la Révolution, en était arrivée à se faire la complice de la machine d’ extermination hitlérienne » écrit Michel Winock dans la conclusion de son livre.

Jean-Claude Martinage l’Incorruptible N°51 Mars 2005