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La portraiture révolutionnaire : l’usage du physionotrace.

La conférence de Mme Marianne Gilchrist

mardi 28 mai 2019

Pour avoir une idée de l’ambiance :


La conférence :

Le nez de Robespierre :
le physionotrace et la portraiture révolutionnaire

1- Bonsoir, citoyens, citoyennes – concitoyens, concitoyennes ! Je regrette, mais je ne suis pas si courante en français que je souhaitais, mais j’espère que vous me pardonnez. Ce soir, je voudrais partager des exemples du physionotrace et leur importance dans l’iconographie de Maximilien Robespierre. Son profil est fort caractéristique, son nez pointu, légèrement retroussé. Si nous avons un portrait tiré directement de son profil dans la vie, peut-on évaluer l’identité d’autres images appelées « Robespierre » ?

Good evening, citizens ! I apologise for not being as fluent in French as I would wish, but I hope you’ll forgive me. This evening, I’d like to share some examples of the physionotrace and their importance in Maximilien Robespierre’s iconography. His profile is very distinctive : a pointed, slightly upturned nose. If we have a portrait drawn directly from his profile in life, can we use it to evaluate the identity of other images called “Robespierre” ?

2- Mais pour commencer – Qu’est-ce que le physionotrace ? – En 1786, Jean-Baptiste Régnault peint L’origine de la peinture - l’histoire de Pline de la jeune corinthienne qui a tracé le profil de son amant sur le mur. Les « silhouettes », peintes ou découpées du papier, étaient à la mode, mais la même année, une nouvelle invention a augmenté leur réalisme.

But first of all — what is the physionotrace ? — In 1786, Jean-Baptiste Régnault painted The Origin of Painting — Pliny’s story of the young Corinthian girl who traced her lover’s profile on the wall. « Silhouettes », painted or cut from paper, were fashionable, but the same year, a new invention augmented their realism.

Appareil du Physionotrace
Dessin par Edmé Quenedey (BnF, Est.Dc 65b pet.fol)
Domaine public, Wikimedia Commons
Comment utiliser le physionotrace ?

3- Gilles-Louis Chrétien, violoncelliste à l’orchestre royal, a inventé le physionotrace, pour dessiner un profil comme image positive sur papier fin. Le Bulletin de l’Histoire de l’Art Français annonce :
« Monsieur Chrétien, musicien de la chapelle du Roi, vient d’imaginer un instrument par le secours duquel on fait un portrait suivant une grandeur donnée, de profil ou de ¾, en 3 ou 4 minutes, sans savoir dessiner. » Le prix de cette machine n’excède pas 24 livres ’. On voit ici en temps réel la création d’un profil très simple, mais un peintre expert des miniatures pouvait créer des images fort réalistes.

Gilles-Louis Chrétien, cellist in the royal orchestra, invented the physionotrace to draw a profile as a positive image on thin paper. Le Bulletin de I’Histoire de l’Art Français announced :
« Mr Chrétien, musicien of the King’s Chapel, has just invented an instrument with whose aid one can make a portrait of a given size, in profile or at 3/4, in 3-4 minutes, without knowing how to draw. The price of this device does not exceed £24 ». Here we can see in real time the creation of a very simple profile, but an expert miniaturist could create highly realistic images.

4- Le client achète un « grand trait » et des gravures réduites et inversées. ’Le portrait grandeur nature, appelé « grand trait », coûte six livres. Pour 15 livres, on obtient douze épreuves du portrait réduit et gravé. Enfin, il en coûte trois livres pour chaque gravure coloriée. Ce portrait de Thomas Jefferson, fait par l’artiste émigré Charles Févret de Saint-Mémin, montre les étapes de la production d’un physionotrace.

  • Le grand trait en crayon ou pastel.
  • Avec une aiguille, le pantographe transcrit l’image sur une petite plaque de cuivre.
  • La gravure.

The customer bought a ‘grand trait’ and engravings, which were reduced and reversed. « The lifesize portrait, called the « grand trait », costs £6 ; for £15, one can obtain 12 smaller engraved copies ; and finally, it costs £3 per each hand-coloured engraving.” This portrait of Thomas Jefferson, made by the émigré artist Charles Févret de Saint-Mémin, shows the stages in producing a physionotrace :
* The ‘grand trait’ drawn in pencil.
* With a needle, the pantograph transcribes the image on to a small copper plate : the image is about 5-6 cms in diameter.
* The engraving. The details are often simplified because of the reduction in scale.

5- Chrétien a travaillé à la cour avec un peintre des miniatures, Edmé Quenedey, qui a dessiné le portrait du premier dauphin Louis-Joseph. Mais en décembre 1789, Quenedey a ouvert son propre atelier. Puis, Chrétien travaillait avec Jean-Baptiste Fouquet.
C’est probable que la gravure de Marie-Thérèse de Savoie-Carignan, Princesse de Lamballe, est basé sur un physionotrace. Le dessin est attribuée à Henri-Pierre Danloux, et gravé par Louis Charles Ruotte. Ce portrait montre que la technique ne flatte pas le sujet – ici, l’amie de Marie-Antoinette qui avait alors quarante-deux ans.

Chrétien worked at court with a miniaturist, Edmé Quenedey, who drew the portrait of the first dauphin, Louis-Joseph. But in December 1789, Quenedey opened his own studio. Chrétien then worked with Jean-Baptiste Fouquet.
It’s probable that this engraving of Marie-Thérèse de Savoie-Carignan, Princesse de Lamballe, is based on a physionotrace.The drawing is attributed to Henri-Pierre Danloux, and engraved by Louis Charles Ruotte. This portrait shows that the technique does not flatter the sitter – here, Marie-Antoinette’s friend, then aged forty-two.

6- Bailly, le premier à prêter serment du Jeu du Paume et le premier maire de Paris, était academicien, mathématicien et astronome, d’une famille artistique. Quenedey lui a fait à moins deux portraits, et aussi le portrait de sa femme, Jeanne Le Seigneur, veuve de Raymond Gaye.

Bailly, the first to take the Tennis-Court Oath and the first Mayor of Paris, was an academician, mathematician and astronomer, from an artistic family. Quenedey made at least 2 portraits of him, and also of his wife, Jeanne Le Seigneur, widow of Raymond Gaye.

7- Il y avait plusieurs ateliers de physionotrace à Paris à l’époque révolutionnaire, les plus importants ceux de Fouquet et Chrétien (au Cloître Saint-Honoré - non loin du logement de Robespierre) et de Quenedey, mais autres artistes ont adopté l’instrument aussi.
Les graveurs impriment de multiples copies des portraits de personnages célèbres. Ceux-ci étaient vendus dans les bouquinistes et les librairies. On pourrait les collectionner pour les accrocher au mur ou les mettre dans un album.
(Merci à Art et Empire.)

There were several physionotrace workshops in Paris during the Revolutionary era, the most important being Fouquet and Chrétien’s (at the Cloister of Saint-Honoré not far from Robespierre’s lodgings) and Quenedey’s, but other artists also adopted the instrument.
The engravers printed multiple copies of celebrity portraits. These were sold in the printshops and bookshops. People could collect them to put on the wall or keep in an album.
(Many thanks to Art et Empire).

8- Voici le grand trait, coloré au pastel, de Jacques-Pierre Brissot, par Fouquet, et la gravure par Chrétien.

Here’s Jacques-Pierre Brissot’s « grand trait » by Fouquet, coloured with pastel, and the engraving by Chrétien.

9- Fouquet et Chrétien ont dessiné des physionotraces aussi de bustes et de masques mortuaires, comme leur portrait de Mirabeau. Le grand trait, à Versailles, est attribué erronément à Michel-Honoré Bounieu, mais c’est pourtant clairement la même image de la gravure, mais inversée.

Fouquet and Chrétien also drew physionotraces from busts and death-masks, as with their portrait of Mirabeau. The ‘grand trait’, at Versailles, is erroneously attributed to Michel-Honoré Bounieu, but it is clearly the same image as the engraving, but reversed.

10- Le physionotrace de Jean-Paul Marat est dessiné de son masque mortuaire moulé, par Claude-André Deseine, le sculpteur jacobin sourd-muet (qui nous rencontrons un peu plus tard). « L’Ami du Peuple » est plus soigné que d’habitude.

Jean-Paul Marat’s physionotrace was drawn from his death-mask, cast by Claude André Deseine, the deaf-mute Jacobin sculptor (whom we’ll be meeting again later).
« The People’s Friend »is better-groomed than usual !

11- Le physionotrace est aussi le ‘pin-up’ de ‘show business’ : on pourrait acheter les portraits des chanteuses et comédiennes.
La chanteuse – et femme politique – Anne Théroigne de Méricourt est représentée en l’habit masculin, aux cheveux courts.
La soprano Marie-Amable Armand (1774-1846) avait dix-neuf ans quand elle a eté dessinée. C’est un bel exemple d’une gravure colorée à la main. Aussi, parce qu’ils sont souvent datés, les physionotraces fournissent une évolution historique des modes et des coiffures…

The physionotrace was also the showbusiness ‘pin-up’ : one could buy portraits of singers and actresses.
The singer and political activist Anne Théroigne de Méricourt is depicted in a masculine coat, with short hair.
The soprano Marie-Amable Armand (1774-1846) was 19 when she was drawn. This is a lovely example of a hand-coloured engraving. Also, because they are often dated, physionotraces provide a historical evolution of fashions and hairstyles…

12- … Et des uniformes. Voici un jeune officier inconnu (Garde National ?) et Lazare Carnot en uniforme militaire, avec un col brodé.

And of uniforms. Here’s an unknown young officer (National Guard ?) and Lazare Carnot in military uniform, with embroidered collar.

13- Michel Le Pelletier de Saint-Fargeau est représenté d’après son masque mortuaire. La gravure face à la même direction du grand trait parce qu’elle a été ’rectifiée’ par Pierre-Claude Gautherot, élève de David. C’est important de voir que Fouquet et Chrétien ne flattent pas leurs sujets - même un jeune martyr républicain assassiné avec un profil… trop singulier. (L’inscription ‘David’ sur le dessin est peut-être parce qu’il provient de l’atelier de David.)

Michel Le Pelletier de Saint-Fargeau is depicted after his death-mask. The engraving faces the same direction as the ‘grand trait’ because it was « rectified » by Pierre-Claude Gautherot, David’s pupil. It’s important to see that Fouquet and Chrétien don’t flatter their sitters — even an assassinated young Republican martyr with a rather too distinctive profile. (The inscription ‘David’ on the drawing is perhaps because it comes from David’s studio.)

14- Maximilien Robespierre habitait rue Saint-Honoré chez Duplay, assez près de l’atelier. La gravure de son physionotrace, par Chrétien, est inscrit : « L’incorruptible Robespierre - Député à l’Assemblée nationale constituante ». « Dessiné par Fouquet, gravé par Chrétien, inventeur de la physionotrace Cloître St Honoré à Paris en 1792 ». Ce dessin, sans signature, à Versailles (Inv. Dess. 857), a été attribué à Joseph Boze ou à Antoine-Paul Vincent, mais le style est différent. Catherine Todd (une anglaise, qui écrit le blog Rodama) suggère que c’est peut-être le grand trait par Jean-Baptiste Fouquet.

Maximilien Robespierre lived at Maurice Duplay’s house on the Rue Saint-Honoré, fairly near the studio. The engraving of his physionotrace, by Chrétien, is inscribed : « The incorruptible Robespierre — Deputy of the Constituent National Assembly. » « Drawn by Fouquet, engraved by Chrétien, inventor of the physionotrace Cloître St Honoré, Paris,1792 », This unsigned drawing at Versailles (Inv. Dess. 857) has been attributed to Joseph Boze or to Antoine-Paul Vincent, but the style is different.
Catherine Todd, British writer of the blog Rodama, suggests that it is perhaps Jean-Baptiste Fouquet’s ‘grand trait’. Let’s put this to the test !

15- Pour vérifier cette hypothèse, on peut le comparer au grand trait d’un homme inconnu au musée Carnavalet, signé par Fouquet. (C’est peut-être Giovanni Tordorò (1755-1836), ministre de la guerre de la République Cisalpine – il ressemble à la plaque de cuivre par Fouquet et Chrétien.) Les deux portraits sont dessinés au crayon et pastel blanc sur papier rose. Les dimensions sont similaires.

To verify this theory, one can compare it with the ‘grand trait’ of an unknown man at the Musée Carnavalet, which has been signed by Fouquet. (It is perhaps Giovanni Tordorò (1755-1836), Minister of War for the Cisalpine Republic, as it resembles Fouquet and Chrétien’s copper-plate of him.) Both portraits are drawn in pencil and white pastel on pink paper. They are of similar size.

16- Regardons le détail de la cravate, avec des reflets blancs, et le style des hachures sur l’habit.

Let’s look at the detail of the cravat, with white highlight, and the style of hatched shading on the coat.

17- Le contour fort du profil est typique du physionotrace, tracé par une ligne continue.

The firm outline of the profile is typical of the physionotrace, traced in a continuous line.

18- La position de la signature de Fouquet suggère que la signature sur le portrait de Robespierre a été perdue quand le portrait a été taillé pour l’encadrement.

The position of Fouquet’s signature suggests that the signature on the portrait of Robespierre has been lost when it was cropped for framing.

19- La popularité des portraits en profil suggère que autres artistes employaient l’instrument du physionotrace pour accélérer leur travail. Le portrait de Robespierre par Jean-Urbain Guérin est peut-être l’image la plus souvent copiée, même par les thermidoriens. Le petit tableau que nous voyons ici au Musée des Beaux-Arts d’Arras est peut-être une esquisse pour un tableau historique ou une illustration de livre, probablement du dix-neuvième siècle.

The popularity of profile portraits suggests that other artists used the physionotrace device to speed up their work. Jean-Urbain Guérin’s portrait of Robespierre is perhaps the most frequently copied, even by the Thermidorians. The small painting we see in the Musée des Beaux-Arts of Arras is perhaps a sketch for a history painting or book-illustration, probably in the 19C.

20- Une gravure anonyme d’août 1793 est probablement un autre physionotrace : l’accent sur les cils est typique. Robespierre porte une version masculine de la « coiffure à l’herisson », avec ses propres cheveux longs, sans poudre, sous la perruque frisée. On voit la même coiffure, et les cheveux châtains-dorés, dans son portrait ovale à Versailles. William Ridley l’a utilisé pour sa gravure de 1794 à Londres, mais on peut voir comment, à travers la copie et la recopie, les portraits gravés commencent à ressembler de moins en moins à leur sujet d’origine.

An anonymous engraving dated August 1793 (L) is probably another physionotrace : the emphasis on the eyelashes is typical. Robespierre wears a male version of the ‘hedgehog hairstyle”, with his own long hair, unpowdered, beneath the curled wig. One sees the same hairstyle, and the golden-brown hair, in his oval portrait at Versailles. William Ridley used it for his 1794 engraving in London, but one can see how, through copying and recopying, engraved portraits start to look less and less like their original subject.

21- Le type Gros est copié aussi. Encore, on voit le profil caractéristique de Robespierre.

Gros’s portrait-type was also copied. Still one can see the characteristic profile of Robespierre.

22- Le nez de Robespierre : Plusieurs portraits de son profil accentuent cet aspect à des degrés divers. Même quand il était malade et maigre, ses traits sont reconnaissables. (Il ne porte sa demi-perruque ici : il me semble qu’il la portait pour couvrir ses cheveux fuyants.)

Robespierre’s nose :
Several profile portraits accentuate this to varying degrees. Even when he was gaunt and ailing, his features are recognisable. (He is not wearing his half-wig here : it looks to me as if he wore it to cover a receding hairline.)

23- Dans l’Autel de la Convention, sculpté par François-Léon Sicard, au Panthéon, Robespierre est facilement reconnaissable à son profil et son apparence soignée.
Riyoko Ikeda le dessine de manière charmante dans sa bande dessinée La Rose de Versailles (Lady Oscar), car les grands yeux et le petit nez pointu sont près du ‘beau idéal’ (bishounen) en l’art manga japonais.

In the Altar to the Convention, sculpted by François-Léon Sicard at the Panthéon, Robespierre is easily recognisable by his profile and well-groomed appearance.
Riyoko Ikeda draws him charmingly in The Rose of Versailles (Lady Oscar), because his large eyes and small, pointed nose are close to the ideal image of the beautiful youth (bishounen) in Japanese manga art.

24- On sait que plusieurs des Portraits de Robespierre d’Hippolyte Buffenoir ne sont pas Maximilien. Deux autoportraits de Joseph Ducreux ont été exhibés sous le nom de Robespierre. Pourquoi ? L’argent. Un portrait sous le nom d’un personnage plus fameux est évalué à un prix plus élevé : un des portrait de Ducreux, appelé Robespierre, a été vendu à 45 000 $ chez Sotheby’s New York, 80% de plus que le prix estimé. Un portrait par Lefèvre avait été repeint au dix-neuvième siècle pour lui ressembler - et découvert après nettoyage.

We know that several of the portraits in Hippolyte Buffenoir’s Les Portraits de Robespierre are not Maximilien. Two of Joseph Ducreux’s self-portraits have been exhibited under Robespierre’s name. Why ? Money. A portrait with the name of a more famous character fetches a higher price : one of the Ducreux portraits labelled ‘Robespierre’ was sold for $45 000 at Sotheby’s in New York, 80% more than the estimate. A portrait by Lefevre had been overpainted in 19C to look like him — and was discovered after cleaning at the Musée Carnavalet.

25- On peut utiliser le grand trait de Robespierre pour évaluer les portraits de profil.
Les planches 2 et 17 de Buffenoir sont peut-êtres dessinées avec un physionotrace, mais ils ne sont pas de Robespierre.
Planche 2 – Il est trop gros – ou, peut-être, sa cravate cache un goitre. Il a eté identifié comme Maximilien probablement parce qu’il porte une veste rayonnée, mais c’était une mode très populaire de son époque.
Planche 17 – Il est trop maigre et son nez se dirige vers le bas. Sa perruque et son habit suggèrent qu’il est noble – pas un jeune avocat provincial.

We can use the grand trait of Robespierre to evaluate profile portraits.
Buffenoir’s plates 2 and 17 are perhaps physionotrace drawings, but they are not Robespierre.
Pl. 2 – He’s too fat, or perhaps his cravat hides a goitre. He has probably been identified as Maximilien because he wears a striped waistcoat, but this was a very popular fashion in his time.
Pl. 17 – He’s too thin and his nose points downward. His wig and coat suggest he is a nobleman – not a young provincial advocate.

26- Un grand trait d’un député du Tiers Etat, probablement aussi par Fouquet et coloré en pastel, est appelé « Robespierre » et figure sur les couvertures des biographies de Ruth Scurr et Jean-Clément Martin. Quand on le superpose au portrait connu de Robespierre avec PhotoShop, on voit qu’il ne représente pas le même homme. Le nez est trop droit et l’angle de la mâchoire est trop aigu. La perruque, aussi, est d’un style différent de celles qu’il porte. C’est possible qu’une gravure de ce portrait existe, inscrit avec le vrai nom du sujet, mais il n’est pas Maximilien.

A ‘grand trait’ of a deputy of the Third Estate, probably also by Fouquet and coloured in pastel, is called ‘Robespierre’ and appears on the covers of biographies by Ruth Scurr and Jean-Clément Martin. When we superimpose it on the known portrait of Robespierre, we can see that it does not depict the same man. The nose is too straight, and the angle of the jaw too sharp. The wig, too, is of a different style from those he usually wears. It’s possible that an engraving of this portrait exists, inscribed with the sitter’s real name, but he is not Maximilen.

27- Et la « reconstruction scientifique » de Robespierre, fait par Philippe Froesch sur le prétendu masque mortuaire ? Le masque (dont il y a plusieurs moulages) est d’origine douteuse. Dominique-Vivant Denon en possédait une copie, dont il a fait un dessin.
C’est possible que l’original provient de l’atelier de Philippe Curtius ou de son élève (ou fille naturelle), Marie Grosholtz, Madame Tussaud. Mais on ne peut pas croire la description de Marie Tussaud du moulage de la tête tranchée de Robespierre au cimetière de la Madeleine (pas des Errancis, où il a été enterré réellement !). C’est aussi fabuleux que sa prétention d’avoir moulé le portrait du Comte de Lorges (un personnage fictif). Ses mémoires contiennent beaucoup d’exagération et de fictionnalisation : c’était une artiste de spectacle, elle a donné à son public ce qu’il voulait, et elle écrivait après la publication de L’Histoire de la Révolution française de Thomas Carlyle – une autre œuvre sensationnelle mais inexacte.
Aussi, dix-sept heures après avoir reçu une balle dans la mâchoire, le visage de Robespierre a été déformé par un gonflement et des contusions, et ses ennemis n’avaient aucun désir de créer un culte de martyr. Ils l’ont enterré dans la chaux vive : sans masque, sans monument.

And the ‘scientific reconstruction’ of Robespierre, made by Philippe Froesch on his alleged death-mask ? The mask (of which there are several casts) is of questionable origin. Dominique-Vivant Denon had a copy, of which he made a drawing.
It is possible that the original came from the studio of Philippe Curtius or his pupil (or illegitimate daughter), Marie Grosholtz, Madame Tussaud. But we cannot believe Marie Tussaud’s description of casting Robespierre’s severed head in the Cemetery of the Madeleine (not les Errancis, where he was actually buriedl). It is as fantastical as her claim to have modelled the portrait of the Comte de Lorges (a fictional character). Her memoirs contain a great deal of exaggeration and fictionalisation she was a showman, she gave her audience what it wanted, and she was writing after the publication of Thomas Carlyle’s History of the French Revolution — another sensational but inaccurate work.
Also, 17 hours after being shot in the jaw, Robespierre’s face was deformed by swelling and bruising, and his enemies had no wish to create a martyr cult. They buried him in quicklime : without a mask or a monument.

Le ’masque mortuaire’ et le physionotrace

28- La superposition du physionotrace sur le profil du masque montre les formes différentes du front et du nez. Le visage est marqué plus fortement par la petite vérole. Si la reconstruction est de caractère, l’homme représenté n’est pas Maximilien : il est peut-être plus âgé que lui.
Il y a une explication plausible. Avant la Révolution, en 1788, François-Marie Mayeur de Saint-Paul écrit dans son Tableau du Nouveau Palais-Royal : « Tout le monde reproche au sieur Curtius le peu de soins qu’il porte au changement des figures. […] telle figure qui représentoit hier Scipion ou Annibal, vous représente aujourd’hui Mandrin à la tête des contrebandiers : le bon Public qui ne connoît pas plus l’un que l’autre, s’en va très-satisfait pour ses deux sous, bien persuadé qu’il a vu hier un grand homme chez Curtius, & qu’aujourd’hui il a frémi à la vue d’un scélérat. » (t. 1, 99–100).
En 1790, Le livre rouge, ou liste des pensions secrettes sur le trésor public, aussi écrit : « mais soit paresse, soit économie, le sieur Curtius à tiré de son grenier quelques-uns de ses anciens bustes pour en former des héros modernes, de sorte qu’il a fait de Mandrin, le comte de Mirabeau, de Nivet, le sieur de Thouret, de Cartouche, le fameux Chapelier, & c. » (83).
Compte tenu de cela, c’est possible que le masque est d’un autre personnage, renommé « Robespierre » pour les raisons commerciaux par Curtius ou Tussaud.
Dans The Times, Philippe Froesch a attribué la différence entre le masque et les portraits connus de Robespierre à la flatterie artistique : « Les portraits l’ont rendu très doux, probablement parce que les artistes connaissaient sa colère et voulaient être prudents ». Mais cette « colère » appartient à la légende noire. Froesch ignore l’existence du physionotrace et ne tient pas compte d’un aspect important du portrait révolutionnaire.

Superimposing the physionotrace on the profile of the death-mask shows the different shapes of the forehead and nose. The face is marked more heavily by smallpox. If the reconstruction is full of character, the man depicted is not Maximilien : he is perhaps older.
There is a possible explanation. Before the Revolution, in 1788, François-Marie Mayeur de Saint-Paul wrote in his Tableau du Nouveau Palais-Royal : « Everyone reproaches Mr Curtius for his carelessness in changing his figures. […] the model that yesterday represented Scipio or Hannibal, today represents for you Mandrin at the head of his smugglers : the worthy public who doesn’t know the one from the other goes off highly satisfied for his tuppence, well persuaded that yesterday he saw a great man at Curtius’s, and today trembled at the sight of a villain. » (vol. 1, 99-100).
In 1790, Le livre rouge, ou liste des pensions secrettes sur le trésor public, also wrote : « but whether from laziness or economy, Mr Curtius drags out of his attic some of his old busts to transform them into modern heroes, in the way that he turns Mandrin into the Comte de Mirabeau, Nivet into the Sieur de Thouret, Cartouche, the famous Chapelier, & c. » (83). Bearing this in mind, it’s possible that the mask is another character, renamed ‘Robespierre’ for commercial reasons by Curtius or Tussaud.
In The Times, Philippe Froesch attributed the difference between the mask and Robespierre’s known portraits to artistic flattery : « The portraits made him look quite gentle, probably because the painters knew about his temper and wanted to be careful ». But this temper » is an invention of the légende noire. Froesch seems unaware of the existence of the physionotraceand does not take into account an important aspect of revolutionary portraiture.

29- C’est que les artistes révolutionnaires se sont inspirés de l’art de la République romaine. Pour eux, le style « vériste » romain était l’expression et l’incarnation des vertus républicaines, sans flatterie. Le semblant de la maturité, des marques, des cicatrices, des rides, suggère la sagesse et l’expérience. Ce sont des portraits d’hommes sérieux, citoyens sérieux.

It is the fact the revolutionary artists were inspired by the art of the Roman Republic. For them, the « veristic » Roman style was the expression and incarnation of Republican virtues, without flattery. The appearance of maturity, of marks, scars, wrinkles, suggested wisdom and experience. These are portraits of serious men, serious citizens.

30- On voit ce style dans les bustes de la Première République. Le buste de Camille Desmoulins par François Martin est peut-être pris d’un moulage, avec son seul sourcil et ses marques de la petite vérole. Les bustes anonymes de Michel Le Pelletier et de Jean-Paul Marat sont basés sur les masques mortuaires.

We see this style in the busts of the First Republic. François Martin’s bust of Camille Desmoulins is perhaps taken from a life-mask, with his monobrow and smallpox scars. The anonymous busts of Michel Le Pelletier and Jean-Paul Marat are based on their death-masks.

31- Les frères Deseine, Louis-Pierre et Claude-André, ont créé des portraits bustes fort beaux. Louis-Pierre, le cadet, a fait le buste de Jean-Sylvain Bailly. Il était royaliste, mais Claude-André, « Deseine le sourd-muet », un élève de l’Abbé de l’Épée, était jacobin. Il a gagné un prix chez les Jacobins en 1791 pour son buste de Mirabeau, d’après le masque mortuaire. Son buste d’Antoinette-Gabrielle Danton est aussi moulé d’un masque mortuaire, fait quand la jeune femme a été déterrée par son mari, une semaine après sa mort en couches.

The Deseine brothers, Louis-Pierre and Claude-André, created very fine portrait busts. Louis-Pierre, the younger, made the bust of Jean-Sylvain Bailly. He was a Royalist, but Claude-André, « Deseine the deaf-mute », a pupil of the l’Abbé de l’Épée, was a Jacobin. He won a prize at the Jacobin Club in 1791 for his bust of Mirabeau, after his death-mask. His bust of Antoinette-Gabrielle Danton was also modelled from a death-mask, made when the young woman was exhumed by her husband, a week after her death in childbed.

Maximilien, Charlotte et Augustin

32- Ses bustes des frères Robespierre sont vifs et expressifs. Maximilien est à mi-discours : Deseine n’a pas eu des séances formelles, mais il observait Robespierre parlant chez les Jacobins. On voit pourquoi Charlotte prétendait qu’Augustin (Bonbon) était le plus beau de ses frères : il lui ressemble plus fortement, avec le même nez, plus long que le nez de Maximilien !

His busts of the Robespierre brothers are lively and expressive. Maximilien is in midspeech : Deseine had no formal sittings, but observed him speaking at the Jacobin Club. We can see why Charlotte claimed that Augustin (Bonbon) was the more handsome of her brothers : he resembles her more strongly, with the same nose, longer than Maximilien’s !

33- Regardons le buste de Maximilien, achevé en novembre 1791. C’est signé au dos. On peut voir la forme de sa perruque, avec ses cheveux en queue. Son front est ridé : il parle, et peut-être il essaie de se mettre au foyer, sans ses lunettes. Lorsque l’on superpose le physionotrace, les profils sont assez proches : la différence d’expression faciale (les lèvres un peu séparées, le front ridé) explique les différences mineures.

Let’s look at the bust of Maximilien, completed in November 1791. It’s signed at the back. We can see the shape of his wig over his natural hair, which is in a plait. His brow is creased : he is speaking, and perhaps squinting to focus without his spectacles. When we superimpose the physionotrace, the profiles are fairly close : the difference in expression (the lips slightly parted, the frowning brow) account for the minor differences.

34- On peut donc conclure, à mon avis, que le buste par Deseine et le physionotrace par Fouquet et Chrétien sont des représentations assez vraies de Robespierre. Les portraits d’autres clients par ces artistes sont très détaillés et n’ont pas tendance à flatter. Avant la photographie, la méthode du physionotrace approche le plus possible d’une vraie ressemblance. Le buste par Deseine, en trois dimensions, nous donne une impression forte de Robespierre en débat, jeune et dynamique. On peut comprendre pourquoi il a attiré beaucoup de femmes – ses « fangirls » – provoquant la jalousie et le mépris de ses rivaux.

We can conclude, in my view, that Deseine’s bust and Fouquet and Chrétien’s physionotrace are accurate enough representations of Robespierre. These artists” portraits of other sitters are highly detailed and not inclined to flatter. Before photography, the physionotrace technique comes the closest to a true likeness.
Deseine’s bust, being 3D, gives us a strong impression of the young, dynamic Robespierre in debate. One can understand why, too, he attracted many women — his ‘fangirls’ — provoking his rivals’ jealousy and scorn.

35- Un grand merci à vous tous - et surtout à Maximilien.

Many thanks to you all — and above all to Maximilien.