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L’ingérence étrangère pendant la révolution française.

Déjà problématique en 1792-93

vendredi 8 septembre 2017

On sait aujourd’hui combien l’ingérence dans un pays étranger peut être dangereuse sinon dramatique. Les interventions en Irak, en Afghanistan ou en Libye en sont des cas assez exemplaires.

Les révolutionnaires de 1792 qui venaient de proclamer la République et s’apprêtaient à juger Louis XVI, en portant la guerre hors de nos frontières, furent soumis à ce difficile problème. En voulant imposer leurs idées démocratiques de liberté et d’égalité à des peuples pas toujours prêts à les recevoir, ils furent confrontés à de sérieuses difficultés.
Robespierre et Marat en furent vite conscients et exprimèrent leur désaccord à la politique girondine d’intervention extérieure.

L’INGÉRENCE ÉTRANGÈRE :
Déjà problématique en 1792-93.

Carte des insurrections et menaces extérieures 1794

La victoire de Valmy, le 20 septembre 1792, avait déclenché un énorme enthousiasme populaire. Les armées révolutionnaires passèrent à l’offensive et , en quelques semaines, la Savoie, Nice et la Rhénanie furent occupées. Puis ce fut la victoire de Jemappes et la libération de la Belgique de la domination autrichienne. A la guerre de défense avait donc succédé la guerre de propagande révolutionnaire. La République naissante devait libérer les peuples opprimés par l’Europe monarchique. Très vite se posa la question redoutable : que faire des pays occupés ? La Convention était indécise. Certains étaient favorables à la création de « républiques soeurs » indépendantes, d ‘autres étaient partisans d’une annexion. La situation dépendait de l’attitude des populations envers la France. La Savoie et le Pays de Liège réclamèrent leur réunion à la France. Par contre,dans les pays rhénans et particulièrement en Belgique, on avait accueilli les libérateurs avec enthousiasme mais on ne voulait pas devenir Français.

Par le décret du 19 Novembre 1792, la Convention décida que « la Nation Française accorderait fraternité et secours à tous les peuples qui voudraient jouir de la liberté ». Ce décret mémorable causa une vive émotion dans toutes les cours d’Europe. La France républicaine émancipée se proclamait la protectrice de toutes les autres nations opprimées et menaçait tous les trônes d’Europe.

Un mois plus tard, le décret du 15 Décembre 1792 instituait l’administration révolutionnaire dans les pays conquis. « Les biens du clergé et des ennemis du nouveau régime étaient séquestrés pour servir de gage à l’assignat ; la dîme et les droits féodaux étaient abolis, les anciens impôts remplacés par des taxes révolutionnaires sur les riches ; des administrations nouvelles seraient élues par ceux-là seuls qui auraient prêté serment à la liberté. » C’était l’application de la formule célèbre : « guerre aux châteaux ! paix aux chaumières ! » mais aussi implicitement l’emploi de la force.

En Belgique, ce pouvoir révolutionnaire imposé de l’extérieur fut très mal reçu. La résistance fut unanime contre la séquestre des biens d’un clergé très riche et puissant et contre l’obligation des assignats. Les deux partis belges opposés, Statistes et Vonckistes, furent unanimes pour annoncer que le pouvoir révolutionnaire imposé ne serait, à leurs yeux, qu’un pouvoir usurpé, le pouvoir de la force.

Robespierre,toujours clairvoyant, exprima ses réticences au décret du 15 Décembre dans une lettre à ses commettants. « ...J’en suis le premier partisan (de cette intervention) si je la considère comme un moyen d’aider la majorité à exprimer ses vues en faveur de l’égalité, mais si elle contrariait l’opinion générale,si elle rencontrait assez d’obstacles dans les préjugés, quels qu’ils soient, pour avoir besoin de les surmonter par une longue violence et par un combat incertain, je ne pourrais m’empêcher de la trouver impolitique et dangereuse...Que la persuasion et la vérité président à leur mission,que la force et l’autorité ne puissent être déployées que contre les factieux qui s’opposeraient à la volonté générale, mais qu’elles respectent la volonté du peuple. »

Portrait de Marat, l’Ami du Peuple

Marat fut encore plus net dans son opposition au décret du 15 Décembre, déclarant qu’il était contraire à la souveraineté du peuple belge. « On les a aidés à se libérer de l’Autriche et à chasser leurs tyrans, ce n’est pas pour leur imposer une constitution ni des lois qu’ils ne veulent pas. »

Malgré ces oppositions,la Convention transforma peu à peu la guerre de propagande en guerre de conquête. Elle s’engagea dans une politique d’annexions pour atteindre, comme le réclamait Danton, les limites naturelles de la France,c’est à dire le Rhin, les Alpes et les Pyrénées.

Ces décisions ne furent pas longtemps concrétisées. Conquises à l’automne 1792, les frontières naturelles furent perdues au printemps 1793. Toute la Belgique fut évacuée à la fin du mois de mars après la défaite de Neerwinden et la trahison de Dumouriez. Ce fut ensuite le cas de toute la rive gauche du Rhin. Notre pays était de nouveau envahi. C’est sur le territoire français que nos armées devront lutter contre la coalition de toute l’Europe des rois qui avaient tant craint pour leurs trônes.

Jean-Claude Martinage
Incorruptible N° 72 Juin 2010