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L’après-Robespierre ou la République conservatrice à Arras (1794-1799)

lundi 16 mars 2015

D’après une séance de l’administration municipale de la commune d’Arras, les 23 vendémiaires, an VI (le 23 septembre 1798) : « Les administrateurs municipaux de la commune d’Arras à leurs concitoyens ».

Robespierre est le défenseur des pauvres par ses prises de positions de 1789 à 1794.
Il est regardé comme l’un des fers de lance de la liberté et de l’égalité par la loi.
Sa chute le 9 Thermidor entraîne avec lui ses plus fidèles amis, et les Montagnards qui ont participé à son élimination sont progressivement mis de côté, dès la fin 1794.

Une lettre de Babeuf aux Patriotes d’Arras le 18 Fructidor an III (5 septembre 1795) nous montre l’inquiétude et l’état d’esprit des patriotes qui restent démocrates face à la réaction : « Chaque Roi aura un costume tel qu’il n’en fut jamais, des gardes à sa suite, un palais national.... Ô sainte Égalité de 1793, où sont tes vestiges !… »  [1]

L’élimination des éléments progressistes de la Révolution donne naissance à une République Conservatrice (1794-1799) ou l’égalité n’a plus sa place.
La République conservatrice peut se définir comme n’étant ni monarchiste ni terroriste c’est-à-dire une République du juste milieu. Si bien que celle-ci réprime l’une et l’autre.

d’après une séance de l’administration municipale de la commune d’Arras, les 23 vendémiaires, an VI (le 23 septembre 1798) : « Les administrateurs municipaux de la commune d’Arras à leurs concitoyens ».
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Exploitant l’inquiétude née de la conjuration de Babeuf (1796), la propagande royaliste prépare activement les élections de l’An V.
Le gouvernement répond en faisant appel à la sagesse des électeurs : « Les factieux font effort pour rendre maîtres de vos choix ; tout ce que l’intrigue peut faire mouvoir de ressorts, tout ce que peuvent inventer la perfidie et la séduction est mis en usage pour livrer les élections aux ennemis de la liberté et de la tranquillité publique. Mais il vous suffira d’opposer à ses efforts du crime une scrupuleuse observation de tout ce que la Constitution vous prescrit. Rappelez-vous que c’est de la sagesse des choix dans les assemblées primaires que dépendent principalement la durée, la conservation et la prospérité de la République »  [2]

Si le régime de l’après Robespierre reste une République, elle est bien différente des aspirations de Robespierre et des Montagnards de l’An II.
La République thermidorienne et le Directoire se lancent dans une politique de conquêtes qui accroît le rôle de l’armée. Dès lors le luxe des nouveaux riches et des profiteurs de guerre contraste avec la misère du peuple et la ruine des rentiers.

Le Directoire est menacé à la fois, à gauche par les Jacobins et à droite par les royalistes. Il se veut, la République du « juste milieu » et réprime d’abord la Conspiration des Égaux (1796). Puis il se casse les élections gagnées par les royalistes, c’est le coup d’État du 18 Fructidor an V (4 septembre 1797).

Lorsque les administrateurs d’Arras s’expriment le 23 Vendémiaire an V, la République du « juste milieu » est menacée par sa gauche (Montagnards et Babouvistes…) La référence au 18 Fructidor est de suite rappelée et la suite de cette adresse nous montre une administration conservatrice qui recherche l’équilibre entre les deux extrêmes.
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La république des propriétaires a bien pris le pouvoir, l’après-Robespierre est bien une République Conservatrice, loin des préoccupations « des plus petits ».

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Dans cette adresse, les administrateurs écrivent : « Si le 18 Fructidor a rassuré tous les amis de la République, les suites de cette journée ont dissipé d’autres inquiétudes ; tous ses résultats garantissent que le courage et l’humanité, la liberté et la justice ne peuvent être et ne seront pas séparés… (Il faut) veiller à la tranquillité, à la sûreté de nos concitoyens. C’est avec plus de satisfaction aussi que nous cédons au besoin de nous entretenir un moment avec eux de leurs intérêts et de nos devoirs.
Après neuf ans de Révolutions, après tant d’oscillations et de mouvement opposés, qui n’a pas senti souvent le désir de la paix, la lassitude des défiances ou des projets qui se succèdent, la nécessité de consolider enfin la conquête de nos droits, par l’oubli des maux qu’elle a pu nous coûter ?
Ces dispositions sont celles de la grande majorité des habitants de cette commune…

Bien convaincues que de nouvelles divisions ne peuvent amener que des malheurs nouveaux, peut-être de nouveaux crimes, et livrer enfin à l’étranger la France déchirée, éclairés sur les espérances et les projets de nos ennemis…Nous nous rallierons donc plus que jamais autour des lois que nous avons sanctionnées, de cette constitution qui, seule, peut terminer nos débats, en terminant nos craintes et nos incertitudes.
Loin de vouloir sacrifier la Patrie à quelques nuances d’opinions, tous les bons citoyens sauront se réunir, se défier surtout d’un petit nombre d’insensés, empoisonnant l’avenir par le passé, ne savent consoler le malheur qu’en lui parlant de vengeance, ne savent nous offrir, pour dédommagement aux maux soufferts, qu’une longue perspective de réactions et de calamités nouvelles. Tous les bons citoyens, nous le savons, n’ont d’autres vœu que la paix, d’autre besoin que celui du repos et de la concorde. Ces vœux seront secondés par notre zèle… »
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Le 18 Fructidor est un modèle qui a permis la sauvegarde de la République conservatrice en place. Les administrateurs municipaux de la commune d’Arras font l’éloge du régime et préconisent l’union contre les extrêmes.
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Ils insistent sur Fructidor et en font un modèle, ils mettent l’accent sur le retour des Jacobins « un petit nombre d’insensés ». Cette lutte des conservateurs aboutira au 22 Floréal an VI, un autre coup d’État du Directoire contre cette fois les jacobins et néo-babouvistes. Nous sommes donc bien loin de la République vertueuse voulue par Robespierre. La République conservatrice semble triompher.

Bernard Vandeplas,

Docteur en Histoire contemporaine


[1Lettre de Babeuf aux Patriotes d’Arras le 18 Fructidor A III, citée dans « Pages choisies de Babeuf », recueilli par Dommanget (les classiques de la Révolution Française » Armand-Colin, Paris, 1935) pp. 221 et 222.

[2Proclamation du Directoire du 11 ventôse An V (28 février 1797.)

[3Journée célèbre du 18 fructidor an 5, Pierre-Gabriel Berthault, 1802

[4Archive privée : ’Une séance de l’administration municipale de la commune d’Arras, les 23 Vendémiaires an VI (le 23 septembre 1798) : les administrateurs municipaux de la commune d’Arras à leurs concitoyens’.

[5Incroyables et merveilleuses, dessin de H. Baron ; gravure de L. Massard