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Faisons du 5 octobre une fête nationale !

Un article de Pierre Serna

jeudi 10 octobre 2019

Pour célébrer le 230 ième anniversaire de la Révolution française, chaque mois, l’éditorial reviendra sur un moment clé des évènements révolutionnaires.
Dans notre calendrier où Toussaint précède Noël avant Pâques, qui antécède l’Ascension et Pentecôte, il faudrait songer à placer des fêtes authentiquement laïques. Le 5 octobre serait une date idéale, nous dit Pierre Serna.

FAISONS DU 5 OCTOBRE UNE FÊTE NATIONALE

FAISONS DU 5 OCTOBRE UNE FÊTE NATIONALE
Femmes du peuple se rendant à Versailles octobre 1789

Dans notre calendrier où Toussaint précède Noël avant Pâques, qui antécède l’Ascension et Pentecôte, il faudrait songer à placer des fêtes authentiquement laïques. Le 5 octobre serait une date idéale.

Il y a 230 ans, le lundi 5 octobre 1789, plus de 15 000 femmes parisiennes, lassées de voir le prix du pain s’envoler, en colère de savoir que la reine avait participé à un banquet où la -cocarde tricolore avait été foulée aux pieds des gardes du corps de Marie-Antoinette, angoissées par plus de trente heures de disette, décidèrent de manifester et de former un cortège.

Femmes battant tambour -octobre 89
Distribution du pain

Elles seules, armées ou non, se dirigèrent vers Versailles pour ramener le roi, la reine et leurs enfants, certaines qu’ainsi la capitale serait approvisionnée. Quelques heures plus tard, les hommes suivaient et attaquaient le château au matin du 6. Finalement pressé par la foule, le roi promit de se rendre à Paris. Dans ce face-à-face entre Louis XVI qui affirmait quelques mois auparavant : « c’est légal parce que je le veux » et la population féminine de Paris qui se transformait en part souveraine du peuple, la balance penchait irrémédiablement vers elles, les glorieuses anonymes.

Le retour de la famille royale à Paris

Mieux que cela, la légitimité de leur combat se transformait en victoire. Non seulement car elle ramenait le roi à Paris, mais aussi parce que le roi dut se résigner à signer la constitutionnalité de la Déclaration des droits de l’homme, votée depuis le 26 août mais qu’ilse refusait de ratifier. Ainsi, il n’est pas faux de soutenir que ce fut grâce à la marche de ces femmes que l’universalité des droits des êtres humains entra dans le droit français.

Les droits de l’homme ? Une victoire des femmes à n’en pas douter.

Marie-Antoinette
Louis XVI

Ce 5 octobre 1789, ramené le plus souvent à une journée spectaculaire, est bien plus que cela. Il constitue une seconde Révolution, celle de l’entrée collective des femmes dans la conquête des droits de tous. C’est pour cela aussi qu’un calendrier d’une république démocratique devrait impérativement intégrer cette date comme une fête nationale, celle des femmes-citoyennes. Aujourd’hui, la laïcité passera par les femmes ou ne fonctionnera pas. Ce 5 octobre doit être la fête de toutes les femmes, pas seulement la journée de la femme mais la fête des droits de tous les humains conquis par le courage de toutes les femmes du peuple quelles que soient leur religion, leur culture, leur origine.

Décrétons le 5 octobre fête nationale des droits de tous les humains défendus par les femmes citoyennes.

Pour aller plus loin :
Le témoignage de Camille Desmoulins
Le témoignage de Jean-Paul Marat

Pierre Serna
Professeur d histoire de la Révolution française à l Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Membre de l’ Institut Universitaire de France,
Membre de l Institut d histoire de la Révolution Française.
IHRF, fondé par Jean Zay en 1937.Ihmc
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ROBESPIERRE SOUTIENT LES FEMMES LE 5 OCTOBRE 1789.

Sur la séance fameuse du 5 octobre 1789, Robespierre a bien pris la parole à la Constituante pour soutenir les femmes ! Creusons un peu. Un résumé existe dans [OMR, VI, 106-107] :
« Une députation très nombreuse de femmes de Paris se présenta à la barre. Maillard porte la parole en leur nom, dénonçant les manœuvres pour affamer Paris, demandant à l’assemblée une députation aux gardes du corps pour les engager à prendre la cocarde tricolore.
L’Assemblée ordonna à son président de se rendre aussitôt chez le roi, à la tête d’une députation, pour lui présenter le tableau de la position malheureuse de la ville de Paris.
Au cours de son intervention, Robespierre soutint Maillard, en particulier dans sa dénonciation au sujet d’un meunier à qui on aurait envoyé 200 livres, et avec la promesse chaque semaine, en l’invitant à ne pas moudre. Le matin, l’Abbé Grégoire avait dénoncé le même fait à la tribune de l’Assemblée. »
Sur l’intervention de Robespierre (dont nous n’avons malheureusement pas le texte précis, qui n’est pas resté dans les mémoires, ni transcrit) en faveur des femmes et de leur porte-parole, un homme ! Stanislas Maillard (que l’on retrouvera lors des journées de septembre 1792), il y a 2 sources principales :
1 : La déposition de Maillard lui-même (Pièces de la procédure criminelle instruite au Châtelet sur les évènements du 6 octobre, n°81.) : « M. de Robespierre, député d’Artois, prit la parole, et dit que l’étranger introduit dans la diète auguste avait fortement raison, et qu’il croyait qu’il en avait été question le matin, que M. l’Abbé Grégoire pourrait donner des éclaircissementS, ce qui déchargea le déposant d’en donner lui-même. »
2 : Un court extrait des mémoires de Bailly, maire de Paris, dans : Éclaircissements historiques, tome III, p. 419.
« M. de Robespierre fit, à la suite, un discours plein de patriotisme, ce qui rendit les femmes tranquilles pour le moment. »

AVONS-NOUS DE BONNES RAISONS DE SOUTENIR LA PROPOSITION DE PIERRE SERNA ?

Un jour férié le 5 octobre, Une bien bonne idée !

Cela donnerait une visibilité et une reconnaissance sur le rôle, important, tenu par les femmes durant le Révolution française ! Même si, rappelons-le, que le porte-parole des femmes le 5 octobre 1789 était un homme, Maillard.
Au niveau de la citoyenneté, de l’égalité homme-femme, gravement remis en cause aujourd’hui par les rétrogrades de tout poil, c’est même nécessaire, me semble-t-il !

Au niveau historique, durant la Révolution française, c’est tout autre chose !
Les femmes sont souvent évoquées en tant que masse et groupe uniforme. De manière individuelle, elles sont rarement appréciées.
Marie-Antoinette et Manon Roland sont des repoussoirs pour les sans-culottes. (A juste titre).
Olympe de Gouges n’est absolument pas connue et ne possède pas d’influence. De plus elle est du camp girondin ! Les clubs des femmes (Pauline Léon, Claire Lacombe) sont rapidement fermés par le gouvernement révolutionnaire à l’automne 1793. On soupçonnait ces clubs, à raison, de soutenir les Enragés de Varlet et de Leclerc.

Amar, influent membre et rapporteur du Comité de Sûreté générale fit un discours contre l’engagement des femmes en politique, les encourageant à rester au foyer et à soutenir leur mari sans-culottes. Ce discours reflétait bien les pensées de la plupart des Montagnards de l’an II.

Dans ce contexte, Robespierre a été plutôt progressiste sur la question des femmes, mais, homme de son siècle, rousseauiste avant tout, il n’a pas envisagé les grandes mesures émancipatrices de libération de la femme des siècles suivants : ni droit de vote féminin, ni autonomie financière, ni égalité homme-femme, etc.
En tous les cas, je n’en ai pas connaissance. Peut-on lui en vouloir ? Je ne le pense pas ; Il était de son temps. Il est vrai que d’autres révolutionnaires dans leurs idées se sont montrés plus audacieux sur ce sujet que lui.

Une des raisons également à ses positions c’est sa volonté de ne pas se couper des foyers sans-culottes, composés souvent d’artisans et de boutiquiers resté assez « traditionnels » sur le sujet de la famille ! De plus, il devait prendre en considération les députés à la Convention, tous hommes et alignés pour la plupart sur les idées d’Amar.

D’ailleurs, les « femmes libérées et influentes » sont souvent celles des salons mondains bourgeois, qui ne se battent pas d’ailleurs particulièrement pour leurs consœurs du peuple.

Du côté de la Montagne, Rosalie Jullien en est un bon exemple ! ( A lire son excellente correspondance)

A l’inverse, il est vrai, les femmes du peuple en groupe influent considérablement sur le cours de la Révolution avec leurs revendications, leur fougue, leurs cris, leur révolte, pour le pain qui ne cesse de manquer. La question des subsistances est une question centrale jamais résolue durant ce XVIIIe siècle ! Le pain avant tout, pour nourrir la famille !

Honnêtement, c’est ce schéma-là qui va prévaloir dans le monde ouvrier au XIXe siècle, et même au XXe siècle ! Les émeutes de la faim, les manifestations des femmes quand on a dépassé les limites du supportable, provoquent souvent émeutes et révolutions !

Je n’ai pas étudié, loin s’en faut, tous les aspects de cette non-libération de la femme durant la Révolution française, et d’ailleurs il faudrait nuancer grandement mes propos : prise de parole des femmes, divorce établi, etc.

La Révolution n’a pas été totalement absente sur ce sujet !

Il existe un numéro spécial fort intéressant des A.H.R.F. ( n° 344, avril-juin 2004) intitulé : « La prise de parole publique des femmes » avec de multiples articles. La SER le vend 3 euros !
Il y a dedans deux belles biographies : (et d’autres articles assez intéressants)
1 : Pauline Léon, une républicaine révolutionnaire, par Claude Guillon ( un vrai spécialiste des Enragés)
2 : Louise de Kéralio-Robert, pionnière du républicanisme sexiste par Annie Geffroy !

Incroyable personnage féminin, femme des Lumières, l’une des premières à défendre l’idée d’une république mais qui défend avec acharnement l’idée de la femme au foyer, à disposition de son mari, et qui finira par cesser toute activité publique pour se consacrer effectivement à son mari, et rien qu’à lui ! Cela paraît paradoxal, mais est-ce si rare à l’époque ? Je ne le pense pas !

Bruno DECRIEM.

Voir en ligne : Pierre Kropotkine La Grande Révolution (1789-1793)

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