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« Ça m’intéresse Histoire » et Robespierre

Bruno Decriem et la collégienne Floriane B. réagissent à leur manière

vendredi 7 décembre 2018

SUR UN MAUVAIS ARTICLE ASSOCIANT ROBESPIERRE ET TERREUR !

Robespierre intéresse ! C’est sans nul doute heureux ! On le retrouve assez souvent dans les magazines « grand public » d’histoire des maisons de presse.
Robespierre intéresse ! C’est sans nul doute heureux ! On le retrouve assez souvent dans les magazines « grand public » d’histoire des maisons de presse.
Dernièrement, la couverture du magazine « ça m’intéresse Histoire » destiné prioritairement à la jeunesse, qui précise « Explorer le passé pour comprendre le présent », m’a interpellé. (numéro 48 de mai-juin 2018)
On peut y lire : « Robespierre L’incorruptible de la Terreur ».
En me reportant aux pages intérieures (pages 70-73), je craignais le pire, et je ne me suis pas trompé !
L’article de Mark Ionesco est censé apporter 12 infos méconnues sur Robespierre, déclinées ainsi :

  • 1 : Il a bénéficié d’une bourse royale.
  • 2 : Louis XVI l’a humilié quand il était ado.
  • 3 : C’est un élève et un grand frère brillant.
  • 4 : Il a d’abord été anti-peine de mort.
  • 5 : Il est toujours tiré à quatre épingles.
  • 6 : Il est rasoir quand il monte à la tribune.
  • 7 : Il est populaire comme une rock star.
  • 8 : Les femmes se bousculent pour l’approcher.
  • 9 :... Mais il n’est pas porté sur la chose.
  • 10 : La gloire lui a fait tourner la tête.
  • 12 : Ses dernières heures sont épouvantables.

Disant s’appuyer sur le Robespierre de Jean-Clément Martin, l’auteur mélange quelques (rares) vérités à des montagnes de racontars et autres tissus de mensonges venus des élucubrations des Thermidoriens.
Ce subtil mélange vise à accréditer le soit-disant sérieux de l’article écrit d’ailleurs dans un registre de langue démagogique destiné à « faire jeunes », comme l’on dit parfois aujourd’hui.
La thèse est peu originale. Robespierre est le grand responsable de la Terreur ! On peut relever :

« Le plus furieux des révolutionnaires » « Sa furia révolutionnaire » « Il devient le grand pourvoyeur de la guillotine » « Ah ! Ce qu’il est ennuyeux ! » « Sa frénésie égo-tique » « A force de s’entendre dire qu’il est l’incarnation de la Révolution, il se met à y croire. »

On le voit, les poncifs ont la vie dure malgré les travaux les plus sérieux réalisés depuis des décennies pour rétablir la vérité sur l’homme Robespierre et son œuvre démocratique.
L’A.R.B.R. a largement contribué à ce rétablissement de la vérité. Cependant, comme Sisyphe, nous devons nous remettre à l’ouvrage afin de contrer l’influence néfaste de tels articles thermidoriens de notre temps.

Bruno DECRIEM ( mai 2018)
Le courrier d’une jeune lectrice

Cet article a intrigué Floriane B., jeune collégienne normande qui s’est procuré le magazine en question. Grâce à son grand-père et aux encouragements bienveillants de ses parents, elle s’intéresse depuis bien longtemps, même si elle n’a que quinze ans, à la vie de notre célèbre Incorruptible.

Comme la revue est destinée à un public de son âge, nous lui avons demandé son avis.
Nous vous le livrons là, tel qu’elle l’a écrit librement et nous l’a adressé. Certes, nous pourrions lui reprocher le ton un peu vif, mais n’est-ce pas une belle qualité de la jeunesse, et l’on aurait tort, comme les journalistes qui écrivent « pour faire jeune », de prendre les collégiens et les lycéens pour « des benêts ».

Je ne suis pas d’ accord avec l’avis du journaliste qui visiblement ne met pas souvent le nez dans les archives .

"Peut-être est-il trop tard pour vous remettre mon avis, mais j ’ai mis du temps avant de me procurer la revue.

En lisant les deux pages consacrées à Robespierre, j’ ai éprouvé de l’antipathie.

Je me suis intéressée à l’ introduction de l’article. En effet, j’ y ai relevé :
« le plus furieux des révolutionnaire avait du sex-appeal et était monarchiste ».
j’ai constaté que la presse anti-robespierriste se portait bien ; mais dans celle qui se dit spécialisée, je ne suis pas d’ accord avec l’avis du journaliste qui visiblement ne met pas souvent le nez dans les archives .
Robespierre ne passait pas pour plus cruel que les autres, et ne l’était pas, prenez exemple sur Carrier ou Fouchet.
Monarchiste ? : je ne vois pas ce que l’ auteur trouve de monarchiste chez Robespierre ?
C’est un propos insultant envers le personnage .

Je rappelle que quand il sera victime d’une tentative d’assassinat il s’opposera à la condamnation à mort de son agresseur, pourtant demandée à cor et à cri par le comité du salut public ; il combattit vigoureusement les discriminations dont étaient victimes les non-catholiques, il milita pour obtenir l’accès des juifs et des non-croyants aux droits civils et civiques. Il défendit et obtint l’égalité des droits des enfants illégitimes, il ira même jusqu’ à plaider pour le droits des prêtres à se marier.

Que trouve-t-il de monarchiste là dedans ?

Sex-appeal ? Il est vrai que Robespierre avait une élégance verbale et un talent oratoire incontestable, mais de là à le désigner de « sex-appeal » c’est exagéré .

En résumé l’article est très mal organisé, les 12 points qui sont censés nous paraître inconnus mais ne le sont pas. Les rares vérités qui s’y trouvent cèdent la place au mensonge.

Les revues historiques reprennent les thèses thermidoriennes sur Robespierre, ce qui est dommage en soit , et durera malheureusement à jamais.
À titre de comparaison, j’ ai lu dernièrement une revue « historia », le magazine de 1994, qui m’a interpellé. Il consacrait un dossier et sa couverture sur « l’Incorruptible ». le titre était sans appel : « Robespierre portrait d’ un tyran ! » En 20 pages, Robespierre était une nouvelle fois pris pour cible, exécuté sans nuances. C’était un article de l’historien Patrice Gueniffey qui affirme que « quelques mois ont suffi à Robespierre pour atteindre le pouvoir suprême en 1793 et transformer une révolution démocratique en un régime de terreur qui fit des dizaines de milliers de morts ». On donne même la parole à un psychanalyste pour savoir si Robespierre était fou. L’historien François Furet termine le dossier avec un article au titre éclairant : « Après Robespierre, Staline . »
En 2011, un autre article d’ Historia consacre un dossier sur Robespierre. Sa une montre celui qu’elle appelle « Robespierre , le psychopathe légaliste ». Dès l’éditorial le directeur de publication s’étonne que certains idéologues le trouvent intéressant mais trop humaniste et trouvent encore des dévots pour entretenir la flamme de son souvenir sur les plaques de rues. Sur près de 30 pages les historiens se succèdent pour expliquer comment il a déshonoré la République. En résumé, ces deux revues illustrent parfaitement la tonalité générale que l’on peut trouver dans les revues d’ histoire aussitôt que l’on évoque Robespierre .

Floriane B.